LXXVI Stephen à Magdeleine

Non, tu ne veux pas, tu ne peux pas m’abandonner, n’est-ce pas ? Tu es à moi, tu le sais ; tu es à moi, et tu n’as pu m’oublier, car tout autour de toi te rappelle mon souvenir : ce beau soleil, il a été le même pour toi et pour moi, il a rougi nos fronts d’un même rayon ; cet air pur et embaumé, nous l’avons respiré ensemble ; ces fleurs, je les ai arrosées avec toi ; ces arbres, ils nous ont donné leur ombre à tous deux, près l’un de l’autre, ta main dans la mienne, ta tête sur ma poitrine.

Et celui qui te prendrait pour femme, j’ai le droit de le tuer comme un voleur, car tu es mon bien : Jamais un bien ne fut acquis par tant de souffrances.

Et toi, Magdeleine ! toi aussi. Si j’ai passé dans ta mémoire comme une ride sur l’eau, comme un petit nuage sur le soleil d’été, comme la rougeur sur le front d’une jeune fille, si je n’ai été dans ta vie qu’un accident, je te tuerai aussi, car tu ne seras rien qu’une misérable femme de m’avoir ainsi pris ma vie et mon bonheur pour ne rien me donner en échange ; je te tuerai pour avoir ton corps mort à moi, dans mes bras, mes lèvres brûlantes sur tes lèvres bleues et froides, car jamais mes lèvres n’ont touché les tiennes, et il me faut ton baiser, ton premier baiser, fût-ce sur ta bouche morte.

Alors ! tu serais à moi sans rival.

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