LII Suzanne à Magdeleine

Bien, bien, Magdeleine, ton arrivée près de moi est avancée de quelques jours. Arrive, arrive, chère et bonne amie, tu trouveras tout prêt pour te recevoir. Sais-tu que voilà un mois tout entier que je prépare nos plaisirs pour l’hiver ? Comme il tarde à arriver ! Je bénis chaque coup de vent qui enlève les feuilles des arbres.

Pendant ces trois mois d’hiver, nous avons des invitations pour quinze bals ; mon père a loué une loge au théâtre ; ce sera délicieux ! et j’ai fait venir pour toi et pour moi les modes les plus nouvelles.

On m’a envoyé des étoffes charmantes et encore inconnues ici ; envoie-moi de suite une robe à toi pour que je fasse les deux nôtres pour le premier bal auquel nous danserons.

Je me réjouis à l’avance de ton étonnement de toutes les choses que tu vas voir ici ; tu n’as aucune idée de la parure et de l’élégance des femmes et des hommes. Pauvre ermite habituée au visage tanné, aux mains dures et calleuses de paysans, tu vas te trouver dans un pays enchanté !

J’ai fait arranger la chambre que je te destine ; elle est charmante, c’est moi qui ai choisi les tentures et l’ameublement ; tu en seras contente. Viens, viens, Magdeleine, tu verras tout cela.

Et par-dessus tout, j’ai une idée : dans la société que nous verrons, parmi ces hommes beaux et aimables qui nous entoureront, tu peux faire un choix ; belle et spirituelle comme tu es, tu feras un riche mariage qui te fixera près de moi.

Viens, nous avons tant de choses à nous dire ! Depuis un mois j’amasse pour toi toutes mes pensées ; jamais tu n’auras vu une fille aussi babillarde.

Share on Twitter Share on Facebook