XLIX

À quelques jours de là, Stephen se mit en route. Il avait un jour de congé, et il allait voir Magdeleine, et non-seulement puiser dans ses yeux de la force et du courage, mais encore rompre l’influence magique que Marie exerçait sur son imagination.

Il ne dormait plus : le voisinage de la jeune fille, les rencontres fréquentes dans les escaliers, et plus que tout cela, la voix de la nature, plus forte et plus éloquente que tous les préjugés, lui allumaient le sang dans les veines.

L’amour qu’il avait eu pour Magdeleine était si pur et si céleste, qu’il eût cru le profaner et le flétrir par un désir ; pour lui, Magdeleine était un ange : son amour était tel, que près d’elle il devenait tout âme et inaccessible aux désirs physiques.

Ce qu’il éprouvait pour Marie était un besoin : elle n’était pour lui qu’une femme.

Ces deux amours étaient si différents ! Près de Magdeleine, il était si plein du premier, qu’il n’y avait plus de place pour le second ; c’était seulement loin d’elle que les appétits physiques se pouvaient éveiller, et il ne lui était pas possible de réunir le même amour sur la même femme.

Quoi qu’il en soit, les désirs que lui inspirait Marie étaient si violents, qu’il se reprochait quelquefois le scrupule qui l’avait empêché de les satisfaire.

Peut-être cependant avait-il tort d’en faire tout à fait l’honneur à sa fidélité, et nous nous permettons de penser que la timidité, la défiance du succès, la nouveauté de la situation et la crainte d’une maladresse avaient été pour beaucoup dans l’acte de vertu de Stephen.

Il songeait aussi que ce n’était pas être coupable avec Magdeleine qu’offrir à Marie un encens qu’il ne jugeait pas assez pur pour elle.

Sa situation était fort dangereuse, et il partit après avoir, par une lettre, averti Magdeleine de son arrivée. Comme il se mettait en route, Edward, lui voyant mettre le meilleur des deux habits que possédait la société, le rappela du haut de l’escalier pour lui faire les plus pressantes recommandations. « Surtout, lui dit-il, ménage l’habit, ne l’expose pas à la pluie et brosse-le tous les jours ; évite le contact de tout corps dur, anguleux ou épineux, toute lutte imprudente, tout effort inconsidéré. Prends aussi quelque soin des souliers, et ne marche pas sur les cailloux. »

Muni de ces bons avis, Stephen se mit en route.

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