…Restez, vierges pudiques,
Priez l’aveugle Hœder, père de nos guerriers ;
Adressez-lui vos funèbres cantiques.
Pour vos bras n’est pas fait le poids des boucliers ;
Jamais le sang de glaives meurtriers
Ne doit jaillir sur vos blanches tuniques.
Vous, soldats ! Taranis a résonné dans l’air.
Hela, la triste Hela, de sa hache cruelle
Va frapper des Romains la horde criminelle ;
Les corbeaux dévorans suivent à tire-d’aile
La trace de votre fer.
En sortant de chez Leyen, Maurice avait le cœur ulcéré ; il haïssait tous ceux qui avaient assisté au dîner : chacun avait, par ses paroles ou son attention aux paroles des autres, profané son idole, sa belle Hélène.
Il était plein d’une colère qu’il brûlait d’épancher, et si un seul passant se fût avisé de le toucher du coude ou de le regarder, le pauvre homme eût nécessairement payé pour tous les autres.
— Ohé ! Maurice ! dit Richard, sais-tu que tu as vigoureusement touché le comte ? Il eût été fâcheux que vous eussiez eu des épées au lieu de fleurets.
— Je suis par trop original, dit Fischerwald, je cherchais mes gants et je les ai dans ma poche. Cela me rappelle qu’il y a quelque temps une de mes inconcevables distractions me fit oublier mon chapeau. T’ai-je raconté, dit-il à Maurice en lui secouant le bras pour éveiller son attention, que je suis sorti d’une maison sans songer à emporter mon chapeau ?
— Ton coup de fleuret à Leyen, continua Richard, me fait penser qu’il était très possible que vous vous trouvassiez en présence avec des armes plus dangereuses. Heureusement pour lui que Leyen est pacifique pour ces sortes de choses.
Maurice pensa que toute la longanimité était de son côté ; mais il s’abstint de le dire, car ni Richard ni aucun de ceux qui se trouvaient là n’aurait pu comprendre tout ce que lui, Maurice, ressentait de haine contre celui qui, en l’achetant, avait souillé Hélène.
— Quel malheur, continua Richard, si tu avais tué un galant homme pour une catin !
Ce mot était à peine lâché, que Richard avait reçu un horrible soufflet.
On intervint : il fut convenu qu’on se battrait le lendemain matin.