XVII

Il y avait huit jours que Maurice était au lit ; Richard avait fait demander chaque jour de ses nouvelles, et, sur l’invitation de son ami, était venu le voir.

Malgré la répugnance qu’avait d’abord montrée Hélène pour recevoir Richard, la franche réconciliation des deux amis lui avait presque fait oublier que Richard avait failli tuer son amant, l’homme qu’elle adorait comme un dieu.

Richard et Maurice étaient venus au point de rire de leur aventure.

— Vois-tu, disait Richard, j’ai appris et j’apprends encore à faire des armes ; si tu avais fait comme moi, si tu avais agi selon tes sages préceptes, tu n’aurais pas reçu un coup d’épée.

Depuis quelques jours, Hélène paraissait triste et préoccupée ; elle semblait éviter les caresses de Maurice.

Ils étaient seuls, par la fin d’une belle journée de septembre. Il y avait encore un reste de jour au dehors, mais la chambre était tout à fait sombre ; cette obscurité avait de tels charmes, qu’Hélène ne songeait pas à faire apporter des lumières.

Maurice parlait de leurs projets d’avenir ; et, s’il eût pu voir les yeux d’Hélène, il n’y aurait pas trouvé cette attention amoureuse qu’elle prêtait ordinairement à sa voix ; loin de là, les paroles de son amant paraissaient lui faire mal.

— Nous serons heureux, disait Maurice, loin du trouble et de l’agitation, ne donnant rien aux autres de notre vie, la réservant tout entière, moi pour toi, toi pour moi.

Hélène avait le cœur gros depuis que Maurice avait commencé à parler ; elle ne put se contenir plus longtemps, et se cacha le visage sur son lit, en pleurant amèrement.

— Pourquoi pleures-tu, mon Hélène ? dit Maurice ; ne seras-tu pas heureuse, et ne suffirai-je pas à ton bonheur, comme tu suffiras au mien ?

— Maurice, répondit-elle, c’est ce bonheur, si grand à mes yeux, qui me fait pleurer, quand je songe combien j’en suis indigne ; car tu ne sais pas tout, et quand tu sauras tout, tu me repousseras, tu ne m’aimeras plus, il faudra que je meure.

Mon Dieu, s’écria-t-elle, c’était du fond du cœur que je vous rendais grâce de cette félicité que vous m’aviez donnée, en inspirant à Maurice cet amour qui me rendait si heureuse et renouvelait ma vie, et vous allez me l’ôter, il ne m’aimera plus.

— Parle, parle, dit Maurice ; au nom du ciel, ne me livre pas plus longtemps aux horribles tableaux que forme ton imagination.

— Maurice, continua Hélène, Dieu m’est témoin que, depuis que je t’ai dit que je t’aimais, tu as rempli toute mon âme et toute ma vie, je n’ai pas eu une pensée qui ne fût à toi.

Je ne suis pas coupable ; je suis malheureuse, bien malheureuse.

Je suis enceinte.

— Enfant, dit Maurice en souriant, n’est-ce pas un nouveau lien entre nous, un lien qui unit à jamais nos deux existences ?

— Qui sait ? dit Hélène.

— Doutes-tu, reprit Maurice, que je ne t’en aime davantage, si mon amour peut croître encore ?

— Oh ! tais-toi, Maurice, tais-toi, tes paroles me font mourir.

— Je ne te comprends pas.

— Eh bien ! cet enfant que je porte dans mon sein… que je sens remuer…

— Eh bien ?

— Cet enfant, je ne puis en nommer le père ; je ne sais si c’est toi, toi que j’aime plus que Dieu, ou l’homme qui a fait ma honte et mon désespoir, le comte Leyen…

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