L’an passé, nous écrivîmes un livre intitulé : Sous les Tilleuls. Dans ce livre, il nous arriva de parler de wergiss-mein-nicht.
Plusieurs questions nous furent adressées à ce sujet. Un mot du chapitre précédent nous donne l’occasion de donner quelques explications.
Les wergiss-mein-nicht sont de petites fleurs d’un beau bleu de ciel, dont les boutons sont roses, et qui fleurissent sur les rives de quelques étangs.
Wergiss-mein-nicht veut dire ne m’oubliez pas. Cette fleur porte le même nom en français ; on l’appelle encore myosotis. Les Anglais l’appellent forget me not, et les Suisses, herbe aux perles.
Nous profitons de cette occasion pour engager nos lecteurs qui n’ont pas lu Sous les Tilleuls à le lire sans délai. Outre le plaisir qu’ils y pourront peut-être trouver, ce que notre modestie nous empêche de garantir, leur curiosité engagera notre éditeur à faire de notre livre une nouvelle édition. Ce qui nous rapportera quelque argent qui ne viendra pas très-mal à propos, pour plusieurs raisons que nous ne nous soucions pas de détailler en ce moment.
À ce sujet, cependant, notre conscience ne nous permet pas de passer sous silence un reproche grave que fit à ce livre un sévère aristarque. Nous ne voulons pas tromper le lecteur, au moins volontairement, et nous lui avouerons, quelque tort que cela nous puisse faire, ce qui, au dire dudit aristarque, devait faire jeter au feu notre pauvre livre,
C’est que :
1o Nous avons, sans en donner aucune raison, écrit Magdeleine, au lieu d’écrire simplement Madeleine ;
2o Nous n’avons pas parlé des tilleuls des Tuileries ;
3o Nous avons parlé de fleurs, tandis qu’un auteur célèbre, dans un livre publié quinze jours après le nôtre, a parlé de papillons ; ce qui est, de notre part, un plagiat évident ;
4o Nous avons raconté une chute de cheval, tandis qu’au su de tout le monde, J.-J. Rousseau, dans ses Confessions, parle de deux chevaux que deux jeunes filles ne pouvaient décider à passer un ruisseau. Cheval, chevaux, c’est toujours la même chose, — autre plagiat. On ne doit pas dire cheval, après que Rousseau a dit cheval.
Peut-être ici l’auteur n’a-t-il pas été assez loin, il aurait pu voir, dans notre livre, un certain nombre de lettres, telles que :
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V X Y Z
qui se retrouvent toutes dans une foule d’excellens auteurs.
Nous n’aurions qu’une chose à dire pour notre défense, si nous osions nous défendre, — ce serait que ce récit d’une chute de cheval, nous l’avions écrit de la main gauche, à cause de la situation assez critique de notre bras droit, et que nous n’avions pour cela besoin d’aller feuilleter aucun livre.
Pour ce qui est du reste du livre, nous avions, en l’écrivant, le cœur plus malade que le bras.
Le bras est guéri.