XXXI PENDANT UNE NUIT DE DÉCEMBRE.

La neige a blanchi la vallée,

Les arbres n’ont plus de feuillée,

L’oiseau reste triste et muet ;

Autour de l’âtre on passe la soirée ;

Et la croix d’or dont la vierge est parée,

Et son cou plus blanc que le lait,

Tout est caché sous un fichu discret.

C’était une belle action que celle d’Hélène se coupant le bras pour enlever le chiffre de Leyen ; et si l’impression que la vue de ce chiffre produisait sur Maurice eût été du ressentiment de la faute d’Hélène, cette faute eût été cent fois expiée, et le pardon mérité, non par le fait même, car il n’est pas de femme peut-être qui, pour augmenter l’amour de son amant, ne consentît à se laisser enlever un peu de chair : il y en a qui souffrent dix fois davantage pour paraître plus minces ; mais peu de femmes auraient eu cette pensée.

Mais, comme cette impression n’était pour Maurice qu’un témoignage qui lui rappelait malgré lui qu’Hélène avait été à un autre, et qu’il ressentait ce chagrin autant pour elle que pour lui, l’aspect de la cicatrice plus ineffaçable que le chiffre, que l’atteinte profonde du rasoir avait laissée, produisait sur son esprit exactement le même effet qu’avait produit la vue du chiffre tracé par le comte.

Cette sensation se révéla une nuit qu’Hélène avait ressenti les premières douleurs de l’enfantement, et s’était endormie de fatigue.

Sa belle tête pâle, sur laquelle restait une impression de douleur, était tout enveloppée dans ses cheveux détachés ; son bras, blanc et rond, était plié sous la tête et laissait voir cette cicatrice.

— Qu’elle est belle ! dit Maurice, qui, assis près du feu, la contemplait à la lueur de la lampe ; et en même temps il vit la cicatrice.

Il resta quelques instans absorbé ; puis il se dit :

— Ma situation est cruelle.

Oui, cruelle pour moi, mais ridicule pour les autres. Je veille avec sollicitude une femme près de mettre au monde l’enfant d’un autre !

Mais, c’est peut-être mon enfant !

Quand ce ne serait pas le mien, dois-je l’abandonner quand elle souffre ? Dois-je faire moins pour elle que je ferais pour Richard ? — s’il était blessé, demanderais-je si la querelle était juste ?

Au diable la justice avec les passions !

Hélène se réveilla avec d’horribles souffrances. Mais, quand elle vit Maurice, elle retint ses cris.

La sage-femme, couchée dans la pièce voisine, accourut.

Hélène souffrit pendant une heure en cherchant à cacher à Maurice des angoisses dont elle eût été fière et heureuse s’il eût été certainement le père de l’enfant. Maurice ne pouvait empêcher de grosses larmes de sortir de ses yeux.

L’enfant parut.

— Elle ne souffre plus, dit Maurice ; c’est toujours ce chagrin-là de moins.

Mais, ajouta-t-il, ce que je ne pourrai jamais oublier, ni pardonner, c’est le plaisir qui a précédé ses souffrances.

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