Tout est décidé, je partirai cette nuit, seule, sans guide, avec du linge et quelques robes ; — attends-moi.
Ce matin, on a apporté les présens de noces, j’étais indignée contre mon promis.
— Mademoiselle, m’a-t-il dit, je n’ai pas répondu à votre lettre qui n’est qu’un enfantillage ; soyez persuadée de mon empressement à vous être agréable en toute autre circonstance.
— Monsieur, ai-je répondu, je voudrais avoir avec vous un entretien.
Il a fait semblant de ne pas m’entendre, et est allé parler à ma mère ; quand j’ai vu que tout était inutile, que je ne pouvais plus compter sur personne que sur moi, j’ai retrouvé de la force, je n’ai plus fait aucun effort sur des cœurs durs qui ne comprenaient ni ma pâleur ni mes yeux fatigués de pleurer ; je me suis laissé essayer ma robe de mariée, j’ai reçu avec résignation les complimens de monsieur le garde général, et je profite d’un moment où je suis seule pour t’avertir que je pars cette nuit et que j’arriverai près de toi vers deux ou trois heures de la nuit ; tâche de me trouver une occupation. Depuis que je suis décidée à partir, j’ai parcouru cette maison avec attendrissement : une chose, surtout, m’a arraché des larmes, c’est de voir les grands églantiers que mon frère Henreich a plantés sur le devant de la maison, un mois avant son départ ; ils commencent à fleurir ; ce ne sera ni pour lui ni pour moi que fleuriront leurs petites roses pâles, et que le vent secouera leur parfum dans les soirées d’été.