XIV

Excepté ma voix lente et monotone, qui traduisait littéralement à cette famille de pêcheurs ce poème du cœur on n’entendait aucun bruit que les coups sourds et éloignés de la mer qui battait la côte là-bas sous nos pieds. Ce bruit même était en harmonie avec la lecture. C’était comme le dénouement pressenti de l’histoire, qui grondait d’avance dans l’air au commencement et pendant le cours du récit. Plus ce récit se déroulait, plus il semblait attacher nos simples auditeurs. Quand j’hésitais, par hasard, à trouver l’expression juste pour rendre le mot français, Graziella, qui depuis quelque temps tenait la lampe abritée contre le vent par son tablier, l’approchait tout près des pages et brûlait presque le livre dans son impatience, comme si elle eût pensé que la lumière du feu allait faire jaillir le sens intellectuel à mes yeux et éclore plus vite les paroles sur mes lèvres. Je repoussais en souriant la lampe de la main sans détourner mon regard de la page, et je sentais mes doigts tout chauds de ses pleurs.

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