XIV

Je vécus ainsi pendant les derniers mois de l’automne et pendant les premiers mois de l’hiver. L’éclat et la sérénité de ces mois de Naples les font confondre avec ceux qui les ont précédés. Rien ne troublait la monotone tranquillité de notre vie. Le vieillard et son petit-fils ne s’aventuraient plus en pleine mer à cause des coups de vent fréquents de cette saison. Ils continuaient à pêcher le long de la côte, et leur poisson vendu sur la marine par la mère fournissait amplement à leur vie sans besoin.

Graziella se perfectionnait dans son art ; elle grandissait et embellissait encore dans la vie plus douce et plus sédentaire qu’elle menait depuis qu’elle travaillait au corail. Son salaire, que son oncle lui apportait le dimanche, lui permettait non-seulement de tenir ses petits frères plus propres et mieux vêtus et de les envoyer à l’école, mais encore de donner à sa grand-mère et de se donner à elle-même quelques parties de costumes plus riches et plus élégants, particuliers aux femmes de leur île : des mouchoirs de soie rouge pour pendre derrière la tête en long triangle sur les épaules ; des souliers sans talon, qui n’emboîtent que les doigts du pied, brodés de paillettes d’argent ; des soubrevestes de soie rayée de noir et de vert : ces vestes galonnées sur les coutures flottent ouvertes sur les hanches, elles laissent apercevoir par-devant la finesse de la taille et les contours du cou orné de colliers ; enfin de larges boucles d’oreilles ciselées où les fils d’or s’entrelacent avec de la poussière de perles. Les plus pauvres femmes des îles grecques portent ces parures et ces ornements. Aucune détresse ne les forcerait à s’en défaire. Dans les climats où le sentiment de la beauté est plus vif que sous notre ciel et où la vie n’est que l’amour, la parure n’est pas un luxe aux yeux de la femme : elle est sa première et presque sa seule nécessité.

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