XLII

Nous traversâmes encore ce bois dans la nuit noire.

A la case de Tiatiara-honui, même scène, même cérémonie de réveil, semblable à une évocation de fantômes.

On éveilla un enfant qu’on m’apporta. Le pauvre petit tombait de sommeil ; il était nu. Je pris sa tête dans mes mains et l’approchai de la lampe que tenait la vieille Araignée, sœur de Huahara. L’enfant, ébloui, fermait les yeux.

Oui ! celui-ci est bien Atario, dit de loin Taïmaha qui était restée à la porte.

C’est le fils de mon frère ?… lui demandai-je d’une façon qui dut la remuer jusqu’au fond du cœur.

Oui, dit-elle, comprenant que la réponse était solennelle, oui, c’est le fils de ton frère Rouéri !…

La vieille Tiatiara-honui apporta une robe rose pour l’habiller, mais l’enfant s’était rendormi entre mes mains ; je l’embrassai doucement et le recouchai sur na natte. Puis je fis signe à Taïmaha de me suivre, et nous reprîmes le chemin de Papeete.

Tout cela s’était passé comme dans un rêve. J’avais à peine pris le temps de le regarder, et cependant ses traits d’enfant s’étaient gravés dans ma mémoire, de même que, la nuit, une image très vive, qu’on a perçue un instant, persiste et reparaît encore, après qu’on a fermé les yeux.

J’étais singulièrement troublé, et mes idées étaient bouleversées ; j’avais perdu toute conscience du temps et de l’heure qu’il pouvait bien être. Je tremblais de voir se lever le jour et d’arriver juste à temps pour le départ du Rendeer sans pouvoir retourner dans ma chère petite case, ni même embrasser Rarahu que peut-être je ne reverrais plus…

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