XLIV

Il était environ trois heures quand je rejoignis l’avenue tranquille où Rarahu m’attendait ; on sentait déjà dans l’air la fraîcheur humide du matin. Rarahu, qui était restée assise dans l’obscurité, jeta ses bras autour de moi quand j’entrai.

Je lui contai cette nuit étrange, en la priant de garder pour elle ces confidences, pour que cette histoire depuis longtemps oubliée ne redevint pas la fable des femmes de Papeete.

C’était notre dernière nuit… et les incertitudes du retour, et les distances énormes qui allaient nous séparer, jetaient sur toutes choses un voile d’indicible tristesse… A cet instant des adieux, Rarahu se montrait sous un jour suave et délicieux ; elle était bien la petite épouse de Loti ; elle était doucement touchante dans ses transports d’amour et de larmes. Tout ce que l’affection pure et désolée, la tendresse infinie, peuvent inspirer au cœur d’une petite fille passionnée de quinze ans, elle le disait dans sa langue maorie, avec des expressions sauvages et des images étranges.

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