Cependant le moment du départ était arrivé, le Rendeer, s’en allait en Californie, i te fenua California, comme disait la petite-fille de la reine.
Ce n’était pas le départ définitif, il est vrai ; au retour nous devions nous arrêter encore à l’île délicieuse un mois ou deux, en passant. Sans cette certitude de revenir, il est probable qu’à ce moment-là je ne serais pas parti : la laisser pour toujours eût été au-dessus de mes forces, et m’eût brisé le cœur.
A l’approche du départ, j’étais étrangement obsédé par la pensée de cette Taïmaha, qui avait été la femme de mon frère Rouéri. Il m’était extrêmement pénible, je ne sais pourquoi, de partir sans la connaître, et je m’en ouvris à la reine, en la priant de se charger de nous ménager une entrevue.
Pomaré parut prendre grand intérêt à ma demande :
– Comment, Loti, dit-elle, tu veux la voir ? Il t’en avait parlé, Rouéri ? Il ne l’avait donc point oubliée ?
Et la vieille reine sembla se recueillir dans de tristes souvenirs du passé, retrouvant peut-être dans sa mémoire l’oubli de quelques-uns, qu’elle avait aimés, et qui étaient partis pour ne plus revenir.