XVII

C’est brusque, les départs militaires. Le lendemain soir – tout son bagage empaqueté à la hâte, tous ses papiers en règle – Jean est accoudé au bastingage d’un navire qui descend le fleuve. En fumant sa cigarette, il regarde Saint-Louis s’éloigner.

Fatou-gaye est accroupie près de lui sur le pont. Avec tous ses pagnes, tous ses grigris, emballés à la hâte dans quatre grandes calebasses, – elle a été prête à l’heure dite. – Jean a dû payer son passage jusqu’à Dakar, avec les derniers khâliss de sa solde. Il l’a fait de bon cœur, heureux de lui passer cette dernière fantaisie, et aussi de la garder un peu plus longtemps auprès de lui. – Les larmes qu’elle a versées, les cris de veuve qu’elle a poussés, suivant l’usage de son pays, tout cela était sincère et déchirant. – Jean a été touché jusqu’au fond du cœur par ce désespoir ; il a oublié qu’elle était méchante, menteuse et noire.

A mesure que son cœur s’ouvre à la joie du retour, il se prend pour Fatou de plus de pitié, même d’un peu de tendresse. – Il l’emmène à Dakar toujours ; c’est du temps de gagné, pour réfléchir à ce qu’il pourra faire d’elle.

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