XXII

C’était le grand jour, le jour du combat. A trois heures du matin, tout s’agitait au campement de Dialdé ; – spahis, tirailleurs, Bambaras alliés, se disposaient à se mettre en route, avec leurs armes et leurs munitions de guerre.

Les marabouts avaient fait de grandes prières ; beaucoup de talismans avaient été distribués. – Dans les carabines des guerriers noirs, on avait mis, par ordre des chefs, comme aux jours de grandes batailles, de la poudre jusqu’à moitié des canons, et du plomb jusqu’à la gueule ; – tant et si bien que la plupart éclatèrent à la première décharge, comme cela arrive fréquemment dans les guerres du pays nègre.

On devait se diriger vers le village de Djidiam, où, au dire des espions indigènes, Boubakar-Ségou se tenait enfermé avec son armée, derrière d’épaisses murailles de bois et de boue. Djidiam était la grande forteresse de ce personnage presque légendaire, l’effroi du pays, – sorte de mythe dont la force était de fuir, de se cacher toujours au fond de son pays meurtrier, et de demeurer introuvable.

On devait camper dans l’après-midi sous de grands bois avoisinant le quartier général de l’ennemi, – et, pour en finir, tomber la nuit sur Djidiam, mettre le feu au village, qui brûlerait au clair de lune comme un autodafé de paille ; – puis s’en retourner victorieusement à Saint-Louis, avant que la fièvre eût achevé de décimer la colonne.

La veille, Jean avait écrit à ses vieux parents une lettre bien tendre, – pauvre lettre au crayon qui, le jour même, descendit le fleuve sur la Falémé, – et dut être douce, là-bas, au cœur de sa vieille mère…

Un peu avant le lever du soleil, il embrassa son petit enfant, – endormi dans les bras de Fatou-gaye, – et monta à cheval.

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