LXX

Paris était calme, mais tragique. Les nuages qui s’amoncelaient depuis midi formaient une voûte sombre qui plongeait la ville dans une pénombre crépusculaire. Les cafés, les magasins, prématurément éclairés, jetaient des traînées livides à travers les rues noires, où la foule, privée de ses moyens de transport, courait, hâtive et angoissée. Les bouches du métro refoulaient jusque sur le trottoir le flot des voyageurs, contraints, malgré leur impatience, à piétiner une demi-heure sur les marches avant de pouvoir pénétrer à l’intérieur.

Jacques et Jenny, renonçant à attendre, gagnèrent à pied la rive droite.

Les crieurs de journaux étaient postés à tous les coins. On s’arrachait les éditions spéciales. On s’arrêtait, une minute, pour les parcourir d’un œil avide. Chacun, malgré lui, y cherchait obstinément la grande nouvelle : que tout était arrangé ; que les dirigeants d’Europe s’étaient subitement ressaisis ; qu’ils avaient, d’un commun accord, trouvé une solution amiable ; que l’absurde cauchemar était enfin dissipé ; qu’on en était quitte pour la peur…

 

À l’Humanité, depuis que la mobilisation était décrétée, le vide, comme ailleurs, s’était fait ; chacun semblait avoir été repris par sa vie personnelle. L’entrée, l’escalier, étaient déserts. L’unique garçon, qui allait et venait dans le couloir, prévint Jacques que Stefany n’était pas dans son bureau. La permanence était assurée par Gallot ; mais il travaillait au numéro du lendemain ; il avait condamné sa porte ; et Jacques, que Jenny, exténuée suivait comme une ombre, n’essaya pas de forcer la consigne.

– « Allons jusqu’au Progrès », dit-il.

 

Au café, dans la salle du bas, personne. Le gérant lui-même était absent ; sa femme était seule, à la caisse ; elle semblait avoir pleuré, et ne se dérangea pas.

Ils montèrent à l’entresol.

Une seule table était occupée : quelques militants, tous jeunes, et que Jacques ne connaissait pas. Ils se turent une minute, à l’arrivée de ces nouveaux venus ; mais ils reprirent vite leur discussion.

Jacques avait soif. Il fit asseoir Jenny, près de l’entrée, et descendit chercher une canette de bière.

– « Et qu’est-ce que tu veux faire d’autre, ballot ? attendre les gendarmes ? te faire fusiller, comme un imbécile ? »

Celui qui parlait était un garçon de vingt-cinq ans, au teint coloré, la casquette sur la nuque. Sa voix était âpre. Il dévisageait tour à tour ses camarades, de son œil noir et dur.

– « Et puis, je vais te dire ! » reprit-il, avec nervosité. « Pour nous, pour les types comme nous qui ont suivi ça de près, il y a une chose certaine, et qui prime tout : nous appartenons à un pays qui ne voulait pas la guerre, et qui n’a rien à se reprocher ! »

– « C’est exactement ce que disent tous les autres », interrompit le plus âgé de la bande, un homme d’une quarantaine d’années, qui portait l’uniforme des employés du métro.

– « Les Allemands ne peuvent pas dire ça ! La paix dépendait d’eux ! Dix fois, depuis quinze jours, ils ont eu l’occasion de barrer la route à la guerre ! »

– « Nous aussi ! Nous aurions pu carrément dire : “merde !” à la Russie ! »

– « Ça n’aurait rien empêché ! On voit bien, aujourd’hui, que les Allemands avaient salement manigancé leur coup ! Alors, tant pis pour eusses ! On a beau être pour la paix, on n’est pas des nouilles, après tout ! La France est attaquée, la France doit se défendre ! Et la France, c’est toi, c’est moi, c’est nous tous ! »

Sauf l’employé du métro, les autres semblaient approuver.

Jacques tourna vers Jenny un regard de détresse. Il se rappelait Studler, implorant : « J’ai besoin, besoin, de croire à la culpabilité de l’Allemagne ! »

Sans boire la bière qu’il avait versée, il fit signe à la jeune fille, et se leva. Mais, avant de partir, il s’approcha du groupe :

– « La guerre défensive !… La guerre légitime, la guerre juste !… Vous ne voyez donc pas que c’est l’éternelle duperie ! Vous aussi, vous allez vous y laisser prendre ? Il n’y a pas trois heures que la mobilisation est décrétée, et voilà déjà où vous en êtes ? Sans défense contre toutes ces passions mauvaises que la presse s’applique à exaspérer depuis une semaine ? ces passions dont les chefs militaires ne vont que trop avoir l’emploi !… Qui résistera à cette folie, si vous, socialistes, ne résistez pas ! »

Il ne s’adressait spécialement à aucun d’eux. Mais il les dévisageait, à tour de rôle, et ses lèvres tremblaient.

Le plus jeune de tous, un plâtrier dont la figure et les cheveux étaient encore poudrés de blanc, dressa vers lui sa face de pierrot :

– « Je pense comme Châtaignier », fit-il, d’une voix posée et fraîche. « Je suis mobilisé le premier jour : demain !… Je hais la guerre. Mais je suis Français. Le pays est attaqué. On a besoin de moi, j’irai ! J’irai, la mort dans l’âme ; mais j’irai ! »

– « Moi, je suis comme eux », déclara son voisin. « Moi, je pars mardi, le troisième jour… Moi, je suis de Bar-le-Duc ; mes vieux y habitent… J’ai pas du tout envie que mon patelin devienne un territoire allemand ! »

« Les neuf dixièmes des Français en sont là ! » pensa Jacques : « avides d’innocenter leur pays, et de pouvoir conclure à l’infâme préméditation de l’adversaire, pour justifier les réactions de leurs instincts défensifs. Et même », se disait-il, « dans quelle mesure ces êtres jeunes n’éprouvent-ils pas une trouble satisfaction à faire soudain partie d’une communauté outragée, à respirer cet air capiteux de rancune collective ?… » Rien n’avait changé depuis l’époque où le cardinal de Retz osait écrire : Il n’est rien de si grande conséquence dans les peuples, que de leur faire paroistre, même quand l’on attaque, que l’on ne songe qu’à se défendre.

– « Réfléchissez ! » reprit Jacques, d’une voix sourde. « Si vous abandonnez la résistance – demain, il sera trop tard !… Pensez à ceci : de l’autre côté des frontières, c’est exactement la même explosion de colères, d’accusations fausses, d’antagonismes butés ! Chaque peuple est devenu pareil à ces galopins batailleurs qui se jettent les uns sur les autres, avec des yeux de petits fauves : “C’est lui qui a commencé !…” Est-ce que ça n’est pas absurde ? »

– « Alors, quoi ? » s’écria le plâtrier. « Nous, les mobilisés, qu’est-ce que tu veux qu’on foute ? ».

– « Si vous pensez que la violence ne peut pas être la justice, si vous pensez que la vie humaine est sacrée, si vous pensez qu’il n’y a pas deux morales, celle qui condamne le meurtre en temps de paix et celle qui le prescrit en temps de guerre, – refusez la mobilisation ! Refusez la guerre ! Restez fidèles à vous-mêmes ! Restez fidèles à l’Internationale ! »

Jenny, qui était demeurée à l’entrée de la salle, se rapprocha brusquement, et vint se placer tout contre lui.

Le plâtrier s’était levé. Il croisa les bras, rageusement :

– « Pour se faire coller au mur ? Non, mais dis ! tu en as de bonnes !… Au moins, là-bas, chacun court sa chance ; on peut s’en tirer, avec deux sous de veine ! »

– « Mais », s’écria Jacques, « vous sentez bien que c’est lâche d’abdiquer sa volonté, sa responsabilité personnelle, entre les mains de ceux qu’on sait les plus forts ! Vous vous dites : “Je désapprouve, mais je n’y peux rien…” Ça vous coûte, mais vous calmez votre conscience à peu de frais, par le sentiment que cette soumission est difficile, et méritoire… Vous ne voyez donc pas que vous êtes les dupes d’un jeu criminel ? Avez-vous oublié que les gouvernements ne sont pas installés au pouvoir pour asservir les peuples et les faire massacrer – mais pour les servir, et les protéger, et les rendre heureux ? »

Un noiraud, d’une trentaine d’années, qui n’avait encore rien dit, frappa la table de son poing :

– « Non et non ! Tu n’as pas raison. Tu n’as pas raison aujourd’hui !… Dieu sait que je n’ai jamais marché avec le gouvernement. Je suis aussi socialise que toi ! J’ai cinq ans de carte au parti ! Eh bien, moi, socialiste, je suis prêt à faire le coup de feu, pour le gouvernement, comme tout le monde ! » Jacques voulut l’interrompre. Mais l’autre éleva la voix : « Et ça n’a rien à voir avec les convictions ! Les nationalistes, les capitalistes, tous les gros, on les retrouvera après ! et on leur réglera leur compte, à leur tour, tu peux t’en rapporter à moi ! Mais, pour l’instant, s’agit pas de faire des théories ! Le premier compte à régler, c’est avec les Pruscos ! Ces salauds-là, ils ont voulu la guerre ! Ils l’auront ! Et je te le dis : s’il ne tient qu’à moi, il leur en cuira ! »

Jacques haussa lentement les épaules. Il n’y avait rien à faire. Saisissant le bras de Jenny, il l’entraîna vers l’escalier.

– « Et vive la Sociale quand même ! » cria une voix derrière eux.

 

Dehors, ils marchèrent quelques minutes, en silence. Des grondements sourds annonçaient l’orage. Le ciel était d’encre.

– « Voyez-vous », dit Jacques, « j’ai cru, j’ai vingt fois répété, que les guerres ne sont pas affaire de sentiments, qu’elles ne sont qu’un heurt fatal de concurrences économiques. Eh bien, en voyant aujourd’hui la frénésie nationaliste s’élever si naturellement, si indistinctement, de toutes les classes de la société, j’en arrive presque à me demander… si les guerres ne seraient pas plutôt le résultat d’un obscur, d’un indomptable conflit de passions, auquel la conflagration des intérêts servirait seulement d’occasion, de prétexte… » Il se tut de nouveau. Puis, suivant au hasard le fil de ses pensées : « Et le plus dérisoire, c’est ce souci qu’ils ont, non seulement de se justifier, mais d’afficher que leur consentement est raisonné, et libre !… Oui, libre !… Tous ces malheureux qui, hier encore, combattaient pied à pied cette guerre, et qui s’y trouvent lancés malgré eux, ils tiennent mordicus, aujourd’hui, à paraître agir délibérément !… C’est tragique, d’ailleurs », reprit-il, après une nouvelle pause, « que tant d’hommes avertis, méfiants, puissent devenir tout à coup si crédules, dès qu’on fait vibrer la corde patriotarde… Tragique – et presque incompréhensible… Peut-être est-ce simplement à cause de ceci : que l’homme moyen s’identifie naïvement avec sa patrie, avec sa nation, avec l’État… L’habitude de dire : “Nous, Français…” “Nous, Allemands…” Et, comme chaque individu désire de bonne foi la paix, il lui est impossible d’admettre que cet État, qui est le sien, veuille la guerre. Et, alors, on pourrait presque dire : plus l’individu est attaché à la paix, plus il est porté à innocenter son pays, ceux de son clan ; et plus ça devient facile de le convaincre que la menace hostile vient de l’étranger, que son gouvernement n’est pas responsable, qu’il fait partie d’une collectivité victime, et qu’il doit se défendre en la défendant… »

De larges gouttes de pluie l’interrompirent. Ils traversaient à ce moment la place de la Bourse.

– « Courons », dit Jacques, « vous allez être trempée… »

À peine s’ils eurent le temps, pour se mettre à l’abri, de gagner les arcades de la rue des Colonnes. L’orage qui, tout le jour, avait pesé sur la ville, éclatait enfin, avec une violence soudaine et dramatique. Les éclairs se succédaient sans interruption, cinglant les nerfs, et le roulement incessant du tonnerre se répercutait entre les immeubles avec un fracas qui rappelait les orages de montagne. Rue du Quatre-Septembre, un escadron de la garde républicaine passa, au trot : les hommes, courbés sous la rafale, se penchaient sur l’encolure des bêtes fumantes dont les sabots soulevaient des gerbes d’eau ; et, comme dans un bon tableau de peintre de batailles, les casques étincelaient sous le ciel plombé.

– « Entrons là », proposa Jacques en indiquant, au fond des arcades, un petit restaurant mal éclairé et déjà envahi. « Nous mangerons quelque chose, en attendant. »

Ils eurent du mal à trouver deux places côte à côte, à une table de marbre où se pressaient d’autres consommateurs.

À peine assise, Jenny sentit sa fatigue l’anéantir. Ses genoux tremblaient ; ses épaules, sa nuque, étaient douloureuses ; sa tête pesait un poids intolérable. Elle crut qu’elle allait se trouver mal. Si seulement elle avait pu, quelques minutes, fermer les yeux, s’allonger, dormir… Dormir près de lui… Aussitôt, le souvenir de la nuit précédente s’empara d’elle, et ce fut comme un coup de fouet qui lui rendit ses forces. Jacques, à son côté, ne s’était aperçu de rien. Elle le voyait, de profil : sa tempe moite, la mèche sombre, aux reflets roux… Elle faillit lui saisir le bras, lui dire : « Rentrons. Qu’importe tout le reste ?… Prenez-moi contre vous… Serrez-moi fort ! »

Autour d’eux, la conversation était générale. Les yeux brillaient. On se passait la salière, le moutardier, avec des regards fraternels. Les nouvelles les plus folles, les plus contradictoires, s’échangeaient avec une assurance imperturbable, et trouvaient aussitôt crédit. « Un orage pareil, pourvu que ça ne retarde pas l’offensive », gémit une dame entre deux âges, dont le visage couperosé reflétait un héroïsme platonique, mais agressif. – « En 70 », expliqua un gros monsieur décoré de la rosette, qui était en face de Jenny, « les hostilités n’ont commencé que longtemps après la déclaration de guerre : au moins quinze jours. » – « Il paraît qu’on va manquer de sucre », dit quelqu’un. – « Et de sel », ajouta la dame héroïque. Elle s’inclina confidentiellement vers Jenny : « Moi, je n’ai pas attendu pour prendre mes précautions. »

Le monsieur décoré, s’adressant à la cantonade avec une émotion admirative qui faisait trembler sa voix et semblait douée de propriétés contagieuses, contait l’histoire d’un certain colonel d’une garnison de l’Est, qui, recevant l’ordre de faire reculer ses hommes à dix kilomètres de la frontière et croyant que la France cédait déjà devant l’ennemi, avait sorti son revolver, et, plutôt que de survivre au déshonneur, s’était brûlé la cervelle devant son régiment.

Au bout de la table, un ouvrier mangeait en silence. Son regard méfiant croisa celui de Jacques. Il prit aussitôt la parole :

– « Vous rigolez, vous autres », fit-il sur un ton rageur. « Mais nous, ce soir, à l’atelier, on n’a pas pu obtenir la paie de la semaine ! »

– « Pourquoi ? » dit le monsieur, avec bienveillance.

– « Le patron prétend que son argent est déposé en banque, et que la banque a fermé boutique… Ça a fait un beau chambard, vous pensez ! Mais, n’y a rien eu à faire. “Revenez lundi”, qu’il a dit… »

– « Mais oui, lundi on vous paiera tous », affirma la dame héroïque.

– « Lundi ? D’abord, beaucoup sont mobilisés dès demain. Alors, vous vous rendez compte ? Partir, et laisser la femme sans le sou, avec les gosses ? »

– « Vous inquiétez pas », fit avec autorité le monsieur décoré. « Le gouvernement a prévu ça, comme tout le reste. Il y aura des distributions de subsides dans les mairies. Partez tranquilles ! Vos familles sont sous la protection de l’État : elles ne manqueront de rien ! »

– « Vous croyez ? » murmura l’homme, ébranlé. « Pourquoi qu’on le dit pas, alors ? »

Un voisin de Jacques, qui avait eu la chance de pouvoir acheter l’édition spéciale d’un journal du soir, fit allusion à la proclamation que Poincaré adressait « à la Nation française ».

Des mains se tendirent :

– « Montrez ! Montrez ! »

Mais l’autre ne voulait pas se dessaisir de son exemplaire.

– « Lisez ! » commanda le monsieur décoré.

L’homme, un petit vieux à mine chafouine, assujettit son binocle :

– « C’est contresigné par tous les ministres ! » annonça-t-il avec emphase. Puis il commença, sur un ton de fausset : « Soucieux de sa responsabilité, sentant qu’il manquerait à un devoir sacré s’il laissait les choses en l’état, le gouvernement vient de prendre le décret qu’impose la situation. » Il prit un temps : « La mobilisation n’est pas la guerre… »

– « Vous entendez, Jacques », souffla Jenny, d’une voix qui frémissait d’espoir.

Jacques haussa les épaules :

– « Il s’agit de faire entrer les rats dans la ratière… Mais, quand on les tiendra, on les tiendra bien ! »

– « Dans les circonstances présentes », continuait l’homme au binocle, « la mobilisation apparaît au contraire comme le moyen d’assurer la paix dans l’honneur… »

Le silence s’était fait, même aux tables voisines.

– « Plus haut ! » cria quelqu’un, au fond de la salle. Le lecteur se leva pour continuer ; sa voix, par instants, se trouait : nul doute que le pauvre homme eût, en ce moment, l’impression que c’était lui qui parlait au peuple. Il répéta, gravement :

« … la paix dans l’honneur… Le gouvernement compte sur le sang-froid de cette noble nation pour qu’elle ne se laisse pas aller à une émotion injustifiée. »

– « Bravo ! » fit la dame couperosée.

– « Injustifiée ! » murmura Jacques.

– « … Il compte sur le patriotisme de tous les Français, et il sait qu’il n’en est pas un seul qui ne soit prêt à faire son devoir. À cette heure, il n’y a plus de partis. Il y a la France éternelle, la France pacifique et résolue. Il y a la France du Droit et de la Justice, tout entière unie dans le calme, la vigilance et la dignité. »

La lecture avait été suivie d’un silence, qui dura une longue minute. Puis, sur ce thème exaltant, les conversations rebondirent. L’héroïsme de la dame n’était pas un phénomène individuel. Le monsieur décoré était devenu rouge comme sa rosette. Au bout de la table, l’ouvrier sans salaire avait les yeux pleins de larmes. Chacun subissait, avec une note de délectation, l’ivresse collective ; chacun se trouvait soulevé sans effort, transporté au-delà de lui-même, grisé de sublime, prêt au renoncement des martyrs.

Jacques se taisait. Il songeait aux proclamations identiques qu’avaient dû signer, là-bas, à la même heure, les autres responsables, le Kaiser, le tsar ; à ces formules magiques, chargées partout du même pouvoir, et qui sans doute déchaînaient partout le même délire absurde…

Il vit que Jenny repoussait devant elle son assiettée de potage à peine touchée. Alors, il lui fit un signe, et se leva.

Dehors, la pluie avait cessé. Les balcons s’égouttaient. Les ruisseaux, élargis et fangeux, se déversaient dans les égouts, avec un bruit de déglutition ; sur les trottoirs luisants d’eau là foule avait repris sa course désordonnée.

– « Maintenant, à la Chambre », dit Jacques, en entraînant Jenny d’un pas fébrile. « Savoir ce qu’ils fabriquent, là-bas, avec Müller ?… »

Si insensé que cela pût paraître, il n’aurait pas pu affirmer qu’il n’espérait plus.

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