LE CONTE DES DEUX FRÈRES

(XIXe DYNASTIE)

Le manuscrit de ce conte, acheté en Italie par madame Élisabeth d’Orbiney, fut vendu par elle au British Museum en 1857 et bientôt après reproduit par Samuel Birch, dans les Select Papyri, t. II, pl. IX-XIX (1860), in-folio. Une édition cursive de ce fac-similé couvre les pages 22-40 de l’Ægyptische Chrestomathie de M. Leo Reinisch, Vienne, 1875, petit in-folio, et une copie très soignée en a été donnée par G. Möller, Hieratische Lesestücke, Leipzig, 1910, petit in-folio, t. II, p. 1-20. F. Ll. Griffith a revu soigneusement le texte sur l’original ; il a publié sa collation sous le titre de Notes on the Text of the d’Orbiney Papyrus, dans les Proceedings of the Society of Biblical Archæology, t. VII, 1888-1889, p. 161-172 et 414-416.

Le texte a été traduit et analysé pour la première fois par :

E. de Rougé, Notice sur un manuscrit égyptien en écriture hiératique, écrit sous le règne de Merienphtah, fils du grand Ramsès, vers le XV e siècle avant l’ère chrétienne, dans l’Athénæum Français, numéro du samedi 30 octobre 1852, p. 280-284 (tirage à part chez Thunot, 1852, in-12o, 24 pp.), et dans la Revue archéologique, 1re série, t. VIII, p. 30 sqq. (tirage à part chez Leleu, 1852, in-8°, 15 pp. et 1 pl.) ; ce mémoire a été republié dans les Œuvres Diverses, t. II, p. 303-319.

Depuis lors des analyses et des transcriptions et traductions nombreuses en plusieurs langues ont été données par :

C.-W. Goodwin, Hieratic Papyri, dans les Cambridge Essays, 1858, p. 232-239.

Mannhardt, das älteste Märchen, dans la Zeitschrift für Deutsche Mythologie und Sittenkunde, 1859.

Birch, Select Papyri, part. II, London, 1860, Text, p. 7-9.

Lepage-Renouf, On the Decypherment and Interpretation of dead Languages, London, 1863, in-8° ; reproduit dans The Life-Work of Sir Peter Lepage-Renouf, 1re série, t. I, p. 116-133.

Chabas, Étude analytique d’un texte difficile, dans les Mélanges Égyptologiques, 2e série, 1864, p. 182-230.

Brugsch, Aus dem Orient, 1864, p. 7 sqq.

Ebers, Ægypten und die Bücher Moses, in-8°, 1re éd., 1868, p. 311-316.

Vladimir Stasow, Drewnêjsaja powest w miré « Roman dwuch bratjew » Le plus ancien conte du Monde, le Roman des deux Frères dans la Revue Westnik Jewropi (les Messagers d’Europe), 1868, t. V, p. 702 732.

Maspero, Le Conte des deux Frères dans la Revue des Cours littéraires, 1871, numéro du 28 février, p. 780 sqq.

Lepage-Renouf, The Tale of the Two Brothers, dans les Records of the Past, 1re série, t. II, p. 137-152 ; cf. ses Parallels in Folklore, dans les Proceedings of the Society of Biblical Archæology, t. XI, p. 177-189, reproduits dans The Life-Work, t. III, p. 311-327.

Maspero, Conte des deux Frères, dans laRevue archéologique, 2e série, XIXe année (mars 1878). Tirage à part, chez Didier, Paris, in-8°, 16 p. ; reproduit dans les Mélanges de Mythologie et d’Archéologie Égyptiennes, t. III, p. 43-66.

Chabas, le Conte des deux Frères, dans le Choix de textes égyptiens, publié après sa mort par M. de Horrack, Paris, 1883, in-8°, p. 5 sqq., reproduit dans les Œuvres diverses, t. V, p. 424-435.

E.-M. Coemans, Manuel de la langue égyptienne, 1887, t. I, p. 95-120.

W.-N. Groff, Étude sur le Papyrus d’Orbiney, Paris, Leroux, 1888, in-4°, 84-III p., et Quelques Observations sur mon Étude sur le Papyrus d’Orbiney, Leroux, 1889, in-4°, VIII p.

Ch.-E. Moldenke, The Tale of the two Brothers. A fairy tale of ancient Egypt, being the d’Orbiney Papyrus in hieratic character in the British Museum ; to which is added the hieroglyphic transcription, a glossary, critical notes, etc. New-York, 1888-1893, in-8°.

E.-W. Budge, Egyptian Reading Book, 1re édit. Londres, Nutt, 1888, in-8°, p. XI et 1-25 ; ne contient que la transcription du texte en hiéroglyphes.

W. Flinders Petrie, Egyptian Tales, 1895, t. II, p. 36-86.

Ch.-E. Moldenke, The Oldest Fairy Tale translated from the Papyrus d’Orbiney, with Notes, dans les Transactions of the Meriden Scientific Association, Meriden, 1895, in-8°, t. VII, p. 33-81.

Karl Piehl, En gammla Saga dans Bilder fran Egypten, 1896, in-8°.

F. Ll. Griffith, Egyptian Literature dans Specimen Pages of the World’s best Literature, New-York, 1898, in-8°, p. 5253-5262.

D. A. Speransky, Iz literatury Dpewnjago Jegypta, Wipuski : Razskaz o dwuch bratjach (Le Conte des deux Frères), Saint-Pétersbourg, 1906, in-8°, 264 p.

A. Wiedemann, Altægyptische Sagen und Märchen, Leipzig, 1906, petit in-8°, p. 58-77.

Le manuscrit renferme dix-neuf pages de dix lignes, les cinq premières assez mutilées. Quelques lacunes ont été remplies par l’un des possesseurs modernes ; elles ont été signalées sur le fac-similé. Le livre portait, à deux reprises, le nom de son propriétaire antique, Sêtoui Mainephtah, qui régna plus tard sous le nom de Sêtoui II. Au verso de l’un des feuillets, un contemporain, peut-être Sêtoui lui-même, a tracé le mémorandum suivant (cfr. W. Spiegelberg, Rechnungen, p. 41, n. 8)

Grands pains        17

Pains de seconde qualité        50

Pains de temple        68

Le manuscrit sort de l’officine du scribe Ennana, à laquelle nous devons plusieurs autres éditions d’ouvrages classiques, entre autres le Papyrus Anastasi IV, et qui était en pleine activité sous les règnes de Ramsès II, de Ménéphtah, et de Sêtoui II ; il a plus de trois mille ans d’existence.

*

* *

Il y avait une fois deux frères d’une seule mère et d’un seul père : Anoupou était le nom du grand, tandis que Baîti était le nom du cadet. Or Anoupou, lui, avait maison, avait femme, mais son frère cadet était avec lui ce qu’il en est d’un cadet. C’était lui qui fabriquait les étoffes, tout en allant derrière ses bestiaux aux champs, c’était lui qui faisait les labours, c’était lui qui battait le grain, lui qui exécutait tous les travaux des champs ; car ce petit frère était un ouvrier excellent, et il n’y avait point son pareil dans la Terre-Entière, mais le germe de tout dieu était en lui. Et après beaucoup de jours ensuite de cela, lorsque le frère cadet était derrière ses vaches, selon sa coutume de tous les jours, il venait à sa maison, chaque soir, chargé de toutes les herbes des champs, ainsi qu’on fait quand on revient des champs ; il les déposait devant son grand frère, qui était assis avec sa femme, il buvait, il mangeait, il dormait dans son étable, avec ses vaches, chaque jour. Et quand la terre s’éclairait et qu’un second jour était, dès que les pains étaient cuits, il les mettait devant son grand frère, et celui-ci lui donnait des pains pour les champs. Il poussait ses vaches pour les faire manger aux champs, et tandis qu’il allait derrière ses vaches, elles lui disaient : « Elle est bonne l’herbe, en tel endroit » ; or, lui, il écoutait tout ce qu’elles disaient, il les menait au bon herbage qu’elles souhaitaient. Elles donc, les vaches qui étaient avec lui, elles devenaient belles, beaucoup, beaucoup, elles multipliaient leurs naissances, beaucoup, beaucoup.

Et une fois, à la saison du labourage, son grand frère lui dit : « Prépare-nous notre attelage pour nous mettre à labourer, car la terre est sortie de l’eau et elle est bonne à labourer. Toi donc, va-t’en au champ avec les semences, car nous nous mettrons à labourer demain matin » ; ainsi lui dit-il, et son frère cadet fit toutes les choses que son grand frère lui avait dites quantes elles furent. Lorsque la terre s’éclaira et qu’un second jour fut, ils allèrent aux champs avec leur attelage pour se mettre à labourer, et leur cœur fut joyeux beaucoup, beaucoup, de leur travail, et ils n’abandonnèrent pas l’ouvrage.

Et après beaucoup de jours ensuite de cela, tandis qu’ils étaient aux champs et qu’ils houaient, le grand frère dépêcha son frère cadet, disant : « Cours, apporte-nous les semences du village ! » Le frère cadet trouva la femme de son grand frère qu’on était occupé à coiffer. Il lui dit : « Debout ! donne-moi des semences, que je coure aux champs, car mon grand frère a dit en m’envoyant : Point de paresse ! » Elle lui dit : « Va, ouvre la huche, toi, emporte ce qu’il te plaira, de peur que ma coiffure ne reste inachevée ». Le gars entra dans son étable, il emporta une grande jarre, car son intention était de prendre beaucoup de grains, il la chargea de blé et d’orge et il sortit sous le faix. Elle lui dit : « Quelle est la quantité qui est sur ton épaule ? » Il lui dit : « Orge, trois mesures, froment, deux mesures, total, cinq, voilà ce qu’il y a sur mon épaule ». Ainsi lui dit-il, mais elle, elle lui adressa la parole, disant : « Il y a grand prouesse en toi, et j’observe tes forces chaque jour ! » Et son cœur l’accointa comme on accointe un gars. Elle se leva, elle le saisit, elle lui dit : « Viens ! reposons ensemble, une heure durant ! Si tu m’accordes cela, certes, je te fais deux beaux vêtements ». Le gars devint comme un guépard du midi en rage grande, à cause des vilains propos qu’elle lui disait, et elle eut peur beaucoup, beaucoup. Il lui adressa la parole, disant : « Mais certes, tu es pour moi comme une mère ! mais ton mari est pour moi comme un père ! mais lui, qui est mon aîné, c’est lui qui me fait vivre ! Ah ! cette grande horreur que tu as dite, ne me la dis pas de nouveau ; et moi je ne la dirai à quiconque, et je ne la laisserai échapper de ma bouche pour personne ». Il chargea son faix, il s’en alla aux champs. Quand il fut arrivé auprès de son grand frère, ils se mirent à travailler de leur travail.

Et après cela, sur le moment du soir, tandis que le grand frère retournait à sa maison, et que le frère cadet était à la suite de ses bestiaux, chargé de toutes les choses des champs, et qu’il menait ses bestiaux devant lui pour les faire coucher dans leurs étables au village, comme la femme du grand frère avait peur des propos qu’elle avait dits, elle prit de la graisse, un chiffon, et elle s’accoutra comme qui a été roué de coups par un malfaiteur, afin de dire à son mari : « C’est ton frère cadet qui m’a rouée de coups ». Quand donc son mari revint au soir, selon son habitude de chaque jour, en arrivant à sa maison, il trouva sa femme gisante et dolente comme de violence ; elle ne lui versa point l’eau sur les mains selon son habitude de chaque jour, elle ne fit pas la lumière devant lui, mais sa maison était dans les ténèbres et elle gisait toute souillée. Son mari lui dit : « Qui donc a parlé avec toi ? » Voilà qu’elle lui dit : « Nul n’a parlé avec moi, outre ton frère cadet. Lorsqu’il vint prendre pour toi les semences, me trouvant assise toute seule, il me dit : « Viens, toi, que nous reposions ensemble une heure durant ; revêts tes beaux vêtements ». Il me parla ainsi, et moi, je ne l’écoutai point : Mais ne suis-je pas, moi, ta mère ? car ton grand frère n’est-il pas pour toi comme un père ? » Ainsi lui dis-je. Il eut peur, il me roua de coups pour que je ne te fisse point de rapport. Si donc tu permets qu’il vive, je me tuerai ; car, vois, quand il reviendra, le soir, comme je me suis plainte de ces vilaines paroles, ce qu’il fera est évident ».

Le grand frère devint comme un guépard du midi ; il donna du fil à son couteau, il le mit dans sa main. L’aîné se tint derrière la porte de son étable, afin de tuer son frère cadet, lorsque celui-ci viendrait, au soir, pour faire entrer ses bestiaux à l’étable. Et quand le soleil se coucha, et que le frère cadet se chargea de toutes les herbes des champs, selon son habitude de chaque jour, et qu’il vint, la vache de tête, à l’entrer dans l’étable, dit à son gardien : « Voici ton grand frère qui se tient devant toi, avec son couteau, pour te tuer ; sauve-toi devant lui ! » Quand il eut entendu ce que disait sa vache de tête, la seconde, entrant, lui parla de même ; il regarda par-dessous la porte de son étable, il aperçut les pieds de son grand frère qui se tenait derrière la porte, son couteau à la main, il posa son faix à terre, il se mit à courir de toutes ses jambes, et son grand frère partit à la poursuite avec son couteau. Le frère cadet cria vers Phrâ-Harmakhis, disant : « Mon bon maître, c’est toi qui juges l’inique du juste ! » Et Phrâ entendit toutes ces plaintes, et Phrâ fit paraître une eau immense entre lui et son grand frère, et elle était pleine de crocodiles, et l’un d’eux se trouva d’un côté, l’autre de l’autre, et le grand frère par deux fois lança sa main pour le frapper, mais il ne le tua pas ; voilà ce qu’il fit. Son frère cadet le héla sur la rive, disant : « Reste là jusqu’à ce que la terre blanchisse. Quand le disque du soleil se lèvera, je plaiderai avec toi devant lui, afin que je rétablisse la vérité, car je ne serai plus avec toi jamais, je ne serai plus dans les lieux où tu seras : j’irai au Val de l’Acacia ! »

Quand la terre s’éclaira et qu’un second jour fut, Phrâ-Harmakhis s’étant levé, chacun d’eux aperçut l’autre. Le gars adressa la parole à son grand frère, lui disant « Pourquoi viens-tu derrière moi afin de me tuer en fraude, sans avoir entendu ce que ma bouche avait à dire ? Mais moi, je suis réellement ton frère cadet ! Mais toi, tu m’es comme un père ! Mais ta femme m’est comme une mère, n’est-il pas vrai ? Or, quand tu m’eus envoyé pour nous apporter des semences, ta femme m’a dit « Viens, passons une heure, couchons-nous », et voici, cela a été perverti pour toi en autre chose ». Il lui fit donc connaître tout ce qui s’était passé entre lui et la femme. Il jura par Phrâ-Harmakhis, disant : « Toi, venir derrière moi pour me tuer en fraude, ton poignard à la main, en trahison, quelle infamie ! » Il prit une serpe à couper les roseaux, il se trancha le membre, il le jeta à l’eau où le silure trembleur le dévora, il s’affaissa, il s’évanouit. Le grand frère en maudit son cœur beaucoup, beaucoup, et il resta là à pleurer sur lui ; il s’élança, mais il ne put passer sur la rive où était son frère cadet, à cause des crocodiles. Son frère cadet le héla, disant : « Ainsi, tandis que tu te figurais une action mauvaise, tu ne t’es pas figuré une seule des actions bonnes ou même une seule des choses que j’ai faites pour toi ! Ah ! va-t’en à ta maison, soigne toi-même tes bestiaux, car je ne demeurerai plus à l’endroit où tu es, j’irai au Val de l’Acacia. Or, voici ce que tu feras pour moi, quand tu seras retourné à tes affaires ; car, apprends-le, des choses vont m’arriver. J’arracherai mon cœur par magie afin de le placer sur le sommet de la fleur de l’Acacia ; et, lorsqu’on coupera l’Acacia et que mon cœur sera tombé à terre, tu viendras le chercher. Quand tu passerais sept années à le chercher, ne te rebute pas, mais, une fois que tu l’auras trouvé, mets-le dans un vase d’eau fraîche ; certes je vivrai de nouveau, je rendrai le mal qu’on m’aura fait. Or, tu sauras qu’il m’arrive quelque chose, lorsqu’on te mettra une cruche de bière dans la main et qu’elle jettera de l’écume ; on t’en donnera une autre de vin et elle se troublera. Ne demeure pas en vérité, après que cela te sera arrivé ». Il s’en alla au Val de l’Acacia, et son grand frère retourna à sa maison, la main sur sa tête, barbouillé de poussière. Lorsqu’il fut arrivé à sa maison, il tua sa femme, il la jeta aux chiens, et il demeura en deuil de son frère cadet.

Et après beaucoup de jours ensuite de cela, le frère cadet, étant au Val de l’Acacia sans personne avec lui, employait la journée à chasser les bêtes du désert, et il venait passer la nuit sous l’Acacia, au sommet de la fleur duquel son cœur était placé. Et après beaucoup de jours ensuite de cela, il se construisit de sa main, dans le Val de l’Acacia, une ferme remplie de toute bonne chose, afin de se monter une maison. Comme il sortait de sa ferme, il rencontra la Neuvaine des dieux qui s’en allait régler les affaires de leur Terre-Entière. La Neuvaine des dieux parla tous ensemble et elle lui dit : « Ah ! Baîti, taureau de la Neuvaine des dieux, n’es-tu pas ici seul, pour avoir quitté ton pays devant la femme d’Anoupou, ton grand frère ? Voici, sa femme est tuée, et tu lui as rendu tout ce qui avait été fait de mal contre toi ». Leur cœur souffrit pour lui beaucoup, beaucoup, et Phrâ-Harmakhis dit à Khnoumou : « Oh ! fabrique une femme à Baîti, afin que tu ne restes pas seul ». Khnoumou lui fit une compagne pour demeurer avec lui, qui était belle en ses membres plus que toute femme qui est en la Terre-Entière, car le germe de tous les dieux était en elle. Les Sept Hâthors vinrent la voir et elles dirent d’une seule, bouche : « Qu’elle meure la mort du glaive ! » Baîti la désirait beaucoup, beaucoup : comme elle demeurait dans sa maison, tandis qu’il passait le jour à chasser les bêtes du désert afin de les déposer devant elle, il lui dit : « Ne sors pas dehors, de peur que le fleuve ne te saisisse ; tu ne saurais te délivrer de lui, car tu es une femme tout bonnement. Quant à moi, mon cœur est posé au sommet de la fleur de l’Acacia et si un autre le trouve, il me faudra me battre avec lui ». Il lui révéla donc tout ce qui concernait son cœur.

Et après beaucoup de jours ensuite de cela, Baîti étant allé à la chasse, selon son habitude de chaque jour, comme la damoiselle était sortie pour se promener sous l’Acacia qui était auprès de sa maison, voici, elle aperçut le fleuve qui tirait ses vagues vers elle, elle se prit à courir devant lui, elle entra dans sa maison. Le fleuve cria vers l’Acacia, disant : « Que je m’empare d’elle ! » et l’Acacia livra une tresse de ses cheveux. Le fleuve la porta en Égypte, il la déposa au douet des blanchisseurs de Pharaon, v. s. f. . L’odeur de la boucle de cheveux se mit dans le linge de Pharaon, v. s. f. et l’on querella les blanchisseurs de Pharaon, v. s. f., disant : « Odeur de pommade dans le linge de Pharaon, v. s. f. ! » On se mit à les quereller chaque jour, si bien qu’ils ne savaient plus ce qu’ils faisaient et que le chef des blanchisseurs de Pharaon, v. s. f., vint au douet, car son cœur était dégoûté beaucoup, beaucoup, des querelles qu’on lui faisait chaque jour. Il s’arrêta, il se tint au douet, juste en face de la boucle de cheveux qui était dans l’eau ; il fit descendre quelqu’un et on la lui apporta, trouvant qu’elle sentait bon beaucoup, beaucoup, et lui la porta à Pharaon, v. s. f. On amena les scribes sorciers de Pharaon, v. s. f. Ils dirent à Pharaon, v. s. f. : « Cette boucle de cheveux appartient à une fille de Phrâ-Harmakhis qui a en elle l’essence de tous les dieux. Puisque c’est un hommage pour toi d’une terre étrangère, fais que des messagers, aillent vers toute terre étrangère afin de chercher cette fille ; et le messager qui ira au Val de l’Acacia, fais que beaucoup d’hommes aillent avec lui pour la ramener ». Voici, Sa Majesté, v. s. f., dit : « C’est parfait, parfait ce que nous avons dit » ; et on fit partir les messagers. Et après beaucoup de jours ensuite de cela, les hommes qui étaient allés vers la Terre étrangère vinrent faire rapport à sa Majesté, v. s. f., mais ils ne vinrent pas ceux qui étaient allés vers le Val de l’Acacia : Baîti, les ayant tués, laissa un seul d’entre eux pour faire rapport à Sa Majesté, v. s. f., Sa Majesté, v. s. f., fit aller beaucoup d’hommes et d’archers, aussi des gens de char, pour ramener la damoiselle ; une femme était avec eux qui lui donna tous les beaux affiquets d’une femme en sa main. Cette femme vint en Égypte avec elle, et on se réjouit d’elle dans la Terre-Entière. Sa Majesté, v. s. f., l’aima beaucoup, beaucoup, si bien qu’On la salua Grande Favorite. On lui parla pour lui faire dire ce qu’il en était de son mari, et elle dit à Sa Majesté, v. s. f. : « Qu’on coupe l’Acacia, et lui il sera détruit ! » On fit aller des hommes et des archers avec leurs outils pour couper l’Acacia ; ils coupèrent la fleur sur laquelle était le cœur de Baîti, et il tomba mort en cette male heure.

Et quand la terre s’éclaira et qu’un second jour fut, après que l’Acacia eut été coupé, comme Anoupou, le grand frère de Baîti, entrait dans sa maison et s’asseyait, ayant lavé ses mains, on lui donna une cruche de bière et elle jeta de l’écume, on lui en donna une autre de vin et elle se troubla de lie. Il saisit son bâton avec ses sandales, aussi ses vêtements avec ses armes, il se mit à marcher vers le Val de l’Acacia, il entra dans la villa de son frère cadet, et il trouva son frère cadet couché sur son cadre, mort. Il pleura, quand il aperçut son frère cadet couché et bien mort ; il s’en alla pour chercher le cœur de son frère cadet sous l’Acacia à l’abri duquel son frère cadet couchait le soir, il consuma trois années à le rechercher sans le trouver. Et il entamait la quatrième année, lorsque, son cœur désirant venir en Égypte, il dit : « J’irai demain » ; ainsi dit-il en son cœur. Et quand la terre s’éclaira et qu’un second jour fut, il alla sous l’Acacia, il passa la journée à chercher ; tandis qu’il revenait le soir, et qu’il regardait autour de lui pour chercher de nouveau, il trouva une graine, il revint avec elle, et voici, c’était le cœur de son frère cadet. Il apporta une tasse d’eau fraîche, il l’y jeta, il s’assit selon son habitude de chaque jour. Et lorsque la nuit fut, le cœur ayant absorbé l’eau, Baîti tressaillit de tous ses membres, et il se mit à regarder fixement son grand frère, tandis que son cœur était dans la tasse. Anoupou, le grand frère, saisit la tasse d’eau fraîche où était le cœur de son frère cadet ; celui-ci but et son cœur fut en place, et lui devint comme il était autrefois. Chacun d’eux embrassa l’autre, chacun parla avec son compagnon, puis Baîti dit à son grand frère : « Voici, je vais devenir un grand taureau qui aura tous les bons poils, et dont on ne connaîtra pas la nature. Toi, assieds-toi sur mon dos quand le soleil se lèvera, et, lorsque nous serons au lieu où est ma femme, je rendrai des réponses. Toi donc, conduis-moi à l’endroit où l’On est, et on te fera toute bonne chose, on te chargera d’argent et d’or pour m’avoir amené à Pharaon, v. s. f., car je serai un grand miracle et on se réjouira de moi dans la Terre-Entière, puis tu t’en iras dans ton bourg ». Et quand la terre s’éclaira et qu’un second jour fut, Baîti se changea en la forme qu’il avait dite à son grand frère. Anoupou, son grand frère, s’assit sur son dos, à l’aube, et il arriva à l’endroit où l’On était. On le fit connaître à Sa Majesté, v. s. f., elle le regarda, elle entra en liesse beaucoup, beaucoup, elle lui fit grand’fête, disant : « C’est un grand miracle qui se produit ! » et on se réjouit de lui dans la Terre-Entière. On chargea d’argent et d’or son grand frère, et celui-ci s’établit dans son bourg. On donna au taureau des gens nombreux, des biens nombreux, car Pharaon, v. s. f., l’aima beaucoup, beaucoup, plus que tout homme en la Terre-Entière.

Et après beaucoup de jours ensuite de cela, le taureau entra au harem, et il s’arrêta à l’endroit où était la favorite, et il se mit à lui parler, disant : « Vois, moi je vis pourtant ». Elle lui dit : « Toi, qui es-tu donc ? » Il lui dit : « Moi, je suis Baîti. Tu savais bien, quand tu faisais abattre l’Acacia par Pharaon, v. s. f., que c’était me mettre à mal, si bien que je ne pusse plus vivre ; mais, vois, moi je vis pourtant, je suis taureau ». La favorite eut peur beaucoup, beaucoup, du propos que lui avait dit son mari. Il sortit du harem, et Sa Majesté, v. s. f., étant venue passer un jour heureux avec elle, elle fut à la table de Sa Majesté et On fut bon pour elle beaucoup, beaucoup. Elle dit à Sa Majesté : « Jure-moi par Dieu disant : « Ce que tu diras, je l’écouterai pour toi ». Il écouta tout ce qu’elle disait : « Qu’il me soit donné de manger le foie de ce taureau, car il ne fera rien qui vaille ». C’est ainsi qu’elle lui parla. On s’affligea de ce qu’elle disait beaucoup, beaucoup, et le cœur de Pharaon en fut malade beaucoup, beaucoup. Et quand la terre s’éclaira et qu’un second jour fut, on proclama une grande fête d’offrandes en l’honneur du taureau, et on envoya un des bouchers en chef de Sa Majesté, v. s. f., pour faire égorger le taureau. Or, après qu’on l’eut fait égorger, tandis qu’il était sur les épaules des gens qui l’emportaient, il secoua son cou, il laissa tomber deux gouttes de sang vers le double perron de Sa Majesté, v. s. f. : l’une d’elles fut d’un côté de la grande porte de Pharaon, v. s. f., l’autre de l’autre côté, et elles poussèrent en deux grands perséas, dont chacun était de toute beauté. On alla dire à Sa Majesté, v. s. f. : « Deux grands perséas ont poussé en grand miracle pour Sa Majesté, v. s. f., pendant la nuit, auprès de la grande porte de Sa Majesté, v. s. f. » ; et on se réjouit à cause d’eux dans la Terre-Entière, et On leur fit des offrandes.

Et après beaucoup de jours ensuite de cela, Sa Majesté, v. s. f., se para du diadème de lapis-lazuli, le cou ceint de guirlandes de toutes sortes de fleurs, elle monta sur son char de vermeil, elle sortit du palais royal, v. s. f. afin de voir les perséas. La favorite sortit sur un char à deux chevaux, à la suite de Pharaon, v. s. f., puis Sa Majesté, v. s. f., s’assit sous un des perséas, la favorite s’assit sous l’autre perséa. Quand elle se fut assise, le perséa parla à sa femme : « Ah ! perfide ! Je suis Baîti et je vis, maltraité de toi. Tu savais bien que faire couper l’Acacia par Pharaon, v. s. f., c’était me mettre à mal ; je suis devenu taureau, et tu m’as fait tuer ». Et après beaucoup de jours ensuite de cela, comme la favorite était à la table de Sa Majesté, v. s. f., et qu’On était bon pour elle, elle dit à Sa Majesté, v. s, f. : « Prête-moi serment par Dieu, disant : Ce que la favorite me dira, je l’écouterai pour elle. Parle ! » Il écouta tout ce qu’elle disait. Elle dit : « Fais qu’on abatte ces deux perséas, qu’on en fabrique de beaux coffres ! » On écouta tout ce qu’elle disait. Et après beaucoup de jours ensuite de cela, Sa Majesté, v. s. f., envoya des charpentiers habiles, on coupa les perséas de Pharaon ; v. s. f., et se tenait là, regardant faire, la royale épouse, la favorite. Un copeau s’envola, entra dans la bouche de la favorite, et elle s’aperçut qu’elle concevait. On fabriqua les coffres, et On en fit tout ce qu’elle voulut.

Et après beaucoup de jours ensuite de cela, elle mit au monde un enfant mâle, et on alla dire à Sa Majesté, v. s. f. : « Il t’est né un enfant mâle ! » On l’apporta, on lui donna des nourrices et des remueuses. On se réjouit dans la Terre-Entière. On se mit à faire un jour de fête, on commença d’être en son nom. Sa Majesté, v. s. f., l’aima beaucoup, beaucoup, sur l’heure, et on le salua fils royal de Kaoushou. Et après beaucoup de jours ensuite de cela, Sa Majesté, v. s. f., le fit prince héritier de la Terre-Entière. Et après beaucoup de jours ensuite de cela, quand il fut resté beaucoup d’années prince héritier de la Terre-Entière, Sa Majesté, v. s. f., s’envola vers le Ciel. On dit : « Qu’on m’amène les grands officiers de Sa Majesté, v. s. f., que je leur fasse connaître tout ce qui s’est passé à mon sujet ». On lui amena sa femme, il la jugea par devant eux, et ils ratifièrent son jugement. On lui amena son grand frère, et il le fit prince héritier de sa Terre-Entière. Il fut vingt ans roi d’Égypte, puis il passa de la vie, et son grand frère fut en sa place le jour des funérailles. Il est fini en paix ce livre, pour le double du scribe trésorier Qagabou, du trésor de Pharaon, v. s. f., du scribe Haraoui, du scribe Maîaemapît ; l’a fait le scribe Ennana, le maître de ce livre. Quiconque parle contre ce livre, puisse Thot le provoquer en duel !

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