III La révélation

C’est par révélation que la vertu magique s’acquiert dans la plupart des tribus australiennes. Normalement, c’est au cours d’un rêve ou dans un état extatique ou semi-extatique que cette révélation se produit. En principe, elle est le fait d’esprits, esprits des morts ou esprits purs, probablement très souvent, d’esprits moins nettement classés dont les qualités sont indécises et dont la figure mythique flotte entre l’ombre humaine, l’animal et la divinité de la nature.

Pour l’étude des documents, commençons par les plus sommaires. En allant des renseignements les plus brefs à des renseignements de plus en plus détaillés, nous avons chance de faire voir que, malgré les apparences, le phénomène a eu partout une réelle complexité.

1o La révélation par les morts. — La façon la plus sommaire dont les auteurs nous décrivent cette révélation est que ce sont les esprits des parents qui donnent aux enfants le pouvoir magique. La précision est déjà plus grande quand l’auteur dit expressément, comme M. Howitt à propos des Kulin de la rivière Wimmera, que, seuls les jeunes gens qui ont vu l’ombre de leur mère, assise sur son tombeau, peuvent devenir magiciens. L’information qui touche la tribu de Springsure est encore insuffisante : l’esprit prend possession du corps du magicien qui a pu monter au pays des morts. Un auteur se borne à nous dépeindre les jeûnes nécessaires au futur grand magicien de la tribu de la rivière Yoocum, et la solitude où il se retire pour que l’esprit de son prédécesseur le visite et lui donne les puissances surnaturelles. Sur les Woivorung, M. Howitt, semble-t-il, à quelque dix ans de distance, nous a donné deux renseignements contradictoires ; suivant l’un, le magicien, wer-raap, serait instruit dans les arts magiques par les âmes de ses prédécesseurs morts ; l’autre nous montre les wivaraps instruits par les âmes qui les emmènent par un trou (dans le ciel) vers Bungil, dieu dont ils reçoivent leurs pouvoirs magiques. Mais peut-être le second document ne fait-il que compléter le premier. Car nous verrons ailleurs d’autres faits du même genre ; il est possible, et même probable, que le thème de la révélation par les esprits des morts se confonde souvent, en un seul et même mythe complexe, avec le thème de la révélation par les esprits purs. Il ressort, maintenant, même des informations sommaires précédentes, que les phénomènes sont moins simples qu’il ne paraît d’abord.

Les renseignements ne sont pas partout aussi insuffisants. D’abord un certain nombre nous décrivent soigneusement au moins le gros des événements. Ce sont en particulier ceux qui nous viennent, par Grey et ses imitateurs, et concernent les tribus de l’Australie occidentale, actuellement disparues pour la plupart. Un texte australien même nous dit : « les boyl-ya se tiennent aux tombeaux en grand nombre ». Il semble que l’esprit du mort doit agir là d’une façon mystérieuse pour conférer une sorte de nouvelle vie au magicien ; car Grey cite le fait que Threlkeld avait signalé à propos de cette action dans la tribu de Port-Macquarie. Les Teyl, Wergo, cristaux et autres substances magiques doivent probablement être introduits à ce moment-là dans le corps du magicien endormi. Même un auteur, plus sujet à caution, mais qui a peut-être mieux vu que Grey, un certain Chauncy, dit que l’esprit renouvelle complètement les organes internes du dormeur. Ce dernier texte fait apparaître dans les croyances dont nous traitons, le thème de la mort et de la renaissance du magicien. Mais, faute d’autre preuve, nous sommes obligés de passer sur ce fait important. Heureusement, il nous est attesté, d’une façon fort nette et tout à fait authentique, par le premier et l’un des meilleurs observateurs européens, par le colonel Collins, en ce qui concerne la tribu de Sydney, la première avec laquelle les Européens entrèrent en contact. Dans cette tribu, tout individu qui voulait devenir carrah-dy n’avait qu’à dormir sur un tombeau, et si, dans la nuit, l’esprit venait, l’égorgeait, l’ouvrait, prenait ses viscères et les replaçait, il devenait carrah-dy. Un fait de même genre nous est décrit, avec un peu plus de précision, par l’un des seuls philologues qui, ayant vécu en Australie, aient observé directement les indigènes : Threlkeld nous dit, à propos de la tribu de Port-Macquarie, qu’un os mystique (murrokun) était inséré, par l’esprit du mort, dans la cuisse du futur magicien ; cet os lancé à distance servait aux envoûtements.

D’ailleurs, les morts ne forment pas dans la mythologie des diverses sociétés australiennes une classe bien distincte d’esprits, — pas plus d’ailleurs que les esprits de la nature ; car l’une et l’autre classe nous apparaissent, dans les mythologies les mieux connues, comme se confondant dans la notion générique d’ancêtres mythiques, personnels, des individus des différents clans totémiques. De telle sorte que, suivant l’interprétation, les préjugés hâtifs des auteurs, une tribu nous apparaîtra comme croyant ses magiciens initiés ou par les morts ou par les esprits de la nature, sans que les croyances des indigènes soient vraiment différentes. Ainsi, en particulier, dans les tribus du nord de la Nouvelle-Galles du Sud, décrites par M. Cameron, les Bookoomurri initiateurs des magiciens sont plus que des âmes des morts. Déjà au surplus la révélation par ces esprits était fort compliquée. Si du moins il s’agit bien de la tribu des Ta-ta-Thi dans les documents que nous citons ; en tout cas, pour certains magiciens, ceux-ci montaient au ciel « par une fenêtre (?) » (voir les Bookoomurri ?), et y réussissaient, parce qu’ils avaient mangé un morceau de la peau d’un cadavre de vieille femme, dont l’esprit (goomatch) les lévitait. Nous hésitons à dire que la révélation, dans la tribu de la baie de la Rencontre, les Raminjerar, se produisait de la même façon ; mais la liaison si étroite de la magie aux totems qui y existait indubitablement, doit s’expliquer, comme chez les Ta-ta-thi, par l’association du pouvoir magique de chaque individu à des ancêtres totémiques déterminés. Il ne serait peut-être pas déraisonnable d’interpréter dans le même sens un passage obscur concernant les Minyug de la Wimmera (Victoria), mais nous n’affirmons rien dans ce cas. Nous retrouverons, d’ailleurs, dans les renseignements plus complets sur des initiations révélatrices complexes, des faits du même genre.

Nous pouvons rapprocher, mais seulement par approximation, de ces révélations provoquées, les deux cas (Queensland) où nous savons que le pouvoir magique vient bien des esprits, mais de morts dont le cadavre a été, au moins en partie, consommé. Le seul fait de révélation provoquée par des rites d’anthropophagie est celui de la tribu d’Adélaïde, maintenant disparue. Là, entre autres rites d’initiation magique, le magicien avait l’obligation de manger une fois de la chair d’enfant en bas-âge et une autre fois de la chair de vieillard. Mais on ne nous a pas dit précisément si c’était l’esprit du mort qui donnait ses vertus au néophyte anthropophage.

2o La révélation par les esprits. — Nous dirions presque la révélation par les dieux, car enfin ces esprits sont bien des personnes mythiques, relativement sacrées et placées hors de l’atteinte du commun des mortels. Mais ces êtres sont sans consistance, sans personnalité forte, confondus avec les choses les plus hétéroclites, « diables » ou bull roarers, âmes des morts, ancêtres totémiques, esprits locaux des sources et des bois, esprits de la nature.

D’après les plus simples de nos renseignements, le magicien obtient ses pouvoirs en montant au ciel et dans une rencontre qu’il y fait avec un esprit dépositaire de ces pouvoirs. C’est même dans ces termes brefs que M. Howitt nous a donné ses premiers renseignements et qu’il les a maintenus en ce qui concerne les Wolgal, Ngarego, Theddora, Kulin, Jupagalk (N. de Victoria et S. de la N.-G. du Sud). À propos des magiciens Theddora, nous savons de plus que ceux-ci montaient au ciel à l’aide d’une sorte de « fil d’araignée qu’ils sécrétaient de leur bouche ». Mais ce n’est là qu’une simple image mythique secondaire, destinée à expliquer l’ascension dans le monde des esprits, de la même espèce que la notion (Ngarego, Wolgal, Kurnai) du « Marengrang », espèce de chemin mouvant et subtil, sorte de cheveu, de fil, tendu entre la terre et le ciel, que suivent la lune, les âmes des morts et celles des magiciens. Il est à regretter que M. Howitt n’ait pu mieux nous renseigner sur la façon dont s’opérait cette révélation et, en particulier, s’il ne s’y mêlait pas l’idée, régulière en matière d’initiation, que le magicien meurt et renaît. Chez les Murring (la côte N.-E. de Victoria), le gommera, chef magicien, reçoit ses pouvoirs de Daramulun, peut-être en montant au ciel, et les pouvoirs sont symbolises par des morceaux de cristal de roche ; nous ne savons pas, de façon sûre, s’ils ont été insérés dans le corps du magicien à ce moment-là, ni surtout si le magicien est censé mourir et renaître à ce même moment ; tout ce que nous savons certainement, c’est qu’il les garde en soi, et qu’on le représente comme pouvant ressusciter.

Ce qui nous donne à penser que, chez les Murriug, tous ces thèmes se rencontraient, c’est qu’ils sont certainement réunis dans une tribu voisine, celle des Wotjobaluk. Un être surnaturel, Ngatje, qui vit dans les buissons, dans les replis de terrain, rencontre un homme, lui ouvre le flanc, y dépose des cristaux de roche et d’autres choses « par lesquelles il acquiert ses pouvoirs ». Il est devenu un « bangal », il peut se léviter grâce à ses « plumes ». La tribu des Kombingherry (?) ne semble pas avoir cru que l’esprit qui introduit les cristaux magiques ait accompli une aussi grave opération. Mais elle avait fort nettement l’idée que les magiciens, retirés aux montagnes, reçoivent, dans leur corps, ces pierres pendant leur sommeil, d’une sorte de dieu. Celui-ci leur montre comment s’en servir et de quelles formules ils en doivent accompagner l’usage. Le plus remarquable des phénomènes présentés par cette tribu est que cette initiative semble avoir dû être périodiquement renouvelée et en corps : l’émigration des magiciens se fait régulièrement, ils restent « ensemble » aux montagnes pendant toute une saison et là, « avec beaucoup de cérémonies », jeûnes et privations rituelles, ils en arrivent à presque mourir de faim. C’est alors qu’ils reçoivent du dieu les dons de magie.

3o Les révélations complexes. — On remarque aisément combien tous ces renseignements sommaires, toujours insuffisants, laissent d’obscurités. Il est probable que la plupart recouvrent des faits infiniment plus complexes. D’abord les préparations auxquelles sont soumis les magiciens, les conditions requises pour qu’ils se sentent élus par les esprits sont presque toujours négligées par nos informateurs. La faute en est probablement aux témoins indigènes auteurs des récits. Ensuite la description exacte des sensations et des illusions éprouvées manque presque toujours ; nous ne savons ni le détail, ni les thèmes généraux de ces événements. Enfin n’y a-t-il que des rêves proprement dits, ou bien l’individu est-il en état d’extase ? Quelle est la part de la sincérité, quelle est la part de la fiction, de la tradition mythologique et de la conscience individuelle ? L’individu est-il vraiment victime d’illusions de ses sens, et ses illusions ne lui sont-elles pas imposées par la tradition ? Dans quelle mesure ses soi-disant expériences sont-elles vraiment l’objet de souvenirs et n’est-ce pas très longtemps après sa révélation qu’il arrive à se convaincre de les avoir éprouvées ? N’est-ce pas à force de méditations et de hâbleries qu’il arrive à devenir, pour lui-même et pour les autres, l’homme de son personnage ? Autant de questions psychologiques qui restent insolubles tant que nous n’avons que des documents de cette valeur. Enfin, au point de vue des mythes et des rites impliqués, quelle n’est pas l’insuffisance de ces informations ! Quels sont ces esprits, âmes des morts, que nous avons des raisons de confondre avec les esprits de la nature et les âmes totémiques ? Que sont ces cristaux de quartz, « symboles de la déité », pourquoi ce pouvoir leur est-il attribué ? Quels rites le magicien observe-t-il pendant et après ces états d’extase ? N’est-il pas aussi soumis à une autre initiation, à une révélation traditionnelle ? Quels sont les rites qui doivent être observés par le nouveau magicien, après initiation, s’il veut conserver ses pouvoirs ? Sans supposer que tous ces divers phénomènes, à propos desquels nous posons toutes ces questions, se rencontrent dans toute initiation magique en Australie, il est rationnel de penser que toujours un certain nombre d’entre eux tout au moins composent le système reconnu par chaque société. Nous ne connaissons pas de fait qui infirme cette hypothèse. Tout au contraire ; dès que nous trouvons des récits vraiment détaillés, nous n’avons plus en face de nous que des espèces, des variantes d’un même type de conte magique. Les incidents varient en nombre et en place dans des limites assez étroites et ne sont que des manières plus ou moins parfaites de représenter par des images et des coutumes diverses une même institution, un même phénomène social complexe. C’est ce dont va nous convaincre l’étude comparative de documents à peu près complets.

Commençons, de préférence, par des récits directs de magiciens ; nous avons le bonheur d’en posséder quelques-uns. L’un des plus importants est l’histoire de l’initiation magique d’un docteur des Wiraijuri (S. N. S. W.), rapportée par M. Howitt avec tous les détails nécessaires à la critique. Justement, il est remarquable que si nous n’avions pas eu cette description anecdotique, historique, d’un cas particulier, nous eussions été tentés de ranger les Wiraijuri parmi les tribus qui n’ont de l’initiation magique qu’une image fort sommaire et incomplète, alors qu’au contraire l’anecdote est des plus mouvementées et des plus riches en épisodes mythiques, des plus abondantes en renseignements psychologiques et présente, réunis, presque tous les thèmes connus.

Le futur magicien était un Kangourou de la classe matrimoniale Muri, son père était un Iguane de la classe matrimoniale Yibai. Une première initiation, toute préparatoire, a lieu sous la direction du père, avant l’initiation religieuse du jeune homme à la tribu. Le père l’emmène dans la brousse, place contre sa poitrine deux gros morceaux de cristal de roche « et ils s’évanouirent en moi », ajoute notre magicien. « Je ne sais pas comment ils pénétrèrent, mais je les sentis me traverser comme une onde de chaleur. » Il lui donne aussi quelque chose comme des cristaux de quartz à boire dans l’eau. « On eût dit de la glace, et l’eau me parut extrêmement douce. » Après cela il put voir les esprits. Le jeune homme fut ensuite initié régulièrement à la tribu ; comme ses contemporains, il subit l’extraction de la dent et assista aux représentations de sorcellerie qui font partie intégrante de ces solennités tribales.

Mais après celle-ci, une autre initiation secrète et magique eut encore lieu, toujours sous la présidence du père. Un premier rite fut un isolement d’une certaine durée. Vint ensuite un vrai cycle de démonstrations du pouvoir magique du père, que nous ne pouvons pas bien comprendre, mais qui causent au jeune homme un grand émoi. Puis tous deux s’évanouissent sous terre, dans un tombeau, où deux morts frottent le néophyte avec des morceaux de cristal dont ils lui font cadeau. À la sortie ils trouvent un serpent tigré qui, à partir de ce moment, devient le totem personnel, le nom secret, l’animal associé du magicien. À la queue du serpent, est enroulé un fil, une corde telle que les sorciers ont l’habitude d’en extraire de leur corps. Tous deux s’attachent à elle et, grâce à elle, l’un à l’autre ; à travers plusieurs troncs d’arbres, ils arrivent à l’habitation de Daramulun. Ils voient ce dieu et, avec lui, un certain nombre de « petits Darumulun ». Puis le serpent tigré les mène dans un trou. « Un grand nombre de serpents se frottèrent contre moi, mais ils ne me firent pas de mal, étant mes Budjan (totems). Ils ne le faisaient que pour faire de moi un « homme habile » et un « mulla mullung. » Puis, le père emmène le fils voir l’autre grand dieu de la tribu, le dieu Père, Baiamai, qui habite au ciel ; ils montent vers lui à l’aide de deux fils, et pénètrent derrière la voûte céleste par une espèce de trappe dangereuse. Ils voient ce grand dieu, qui porte sur ses épaules deux larges morceaux de cristal de roche, et, à côté, ses enfants qui sont des bêtes et des oiseaux. Ensuite, « pendant que j’étais dans la brousse, je commençai à extraire de moi des choses, mais je tombai malade, et depuis je ne puis plus rien faire ».

Cet authentique récit nous montre comment, en fait, une initiation par révélation se complique d’une sorte d’introduction, par le père magicien, à cette révélation magique. Même, cet épisode où le jeune homme se sent amené dans un trou où il trouve des morts qui lui frottent le corps semble bien être tout simplement la traduction fantasmagorique d’une cérémonie où de vieux magiciens oignent et frottent avec des cristaux le futur sorcier. Ainsi se mélangent, — nous verrons que ce mélange est normal, — deux formes apparemment hétérogènes d’initiation. Mais, abstraction faite de ce passage constant du rêve à la réalité, de combien d’éléments imaginaires cette série d’aventures magiques n’est-elle pas faite ? 1o Absorption, avant l’initiation religieuse à la tribu, de substances magiques qui changent les pouvoirs de vision du futur candidat. 2o Après l’initiation régulière, série de révélations : 1o par les morts qui communiquent encore la substance magique ; 2o révélation d’un esprit animal qui devient le totem familier et secret du futur magicien ; 3o descente sous terre, révélation d’un grand dieu et de ses doubles ; 4o contact avec les animaux totems ; 5o montée au ciel, révélation d’un autre grand dieu, céleste celui-là, possesseur de la substance magique ; 6o sensation que la personnalité est changée. Et cependant, malgré toute cette abondance d’épisodes, à l’histoire du Wiraijuri, il manque un trait important, soit que ce mythe de l’initiation ait été vraiment absent de l’image que les Wiraijuri se forment de celle-ci, soit que le magicien ait oublié de l’exposer à M. Howitt. C’est l’idée que l’individu meurt et renaît au cours de ces multiples traverses.

Nous avons d’abondants renseignements sur les révélations par les esprits chez les Kurnai. Ils nous viennent toujours de M. Howitt. Dans cette société, il y avait deux sortes de magiciens, les uns birraark, divinateurs, bardes et voyeurs, les autres enchanteurs, envoûteurs et médecins. Les uns et les autres reçoivent leurs révélations, en principe, des esprits des morts (mrarts), qui leur communiquent les rites (formules orales et manuel opératoire), et dans le cas des mulla-mullung, les substances et instruments magiques. Il y a deux façons dont la révélation se produit, équivalentes mais inverses. Dans l’une, ce sont les esprits qui viennent visiter le futur magicien (anecdote de Tûlaba), ou bien ce sont les esprits qui l’emmènent dans leur monde (anecdote de Tankli). Résumons le récit de celui-ci. Après la puberté, il rêve de temps en temps de son père et d’autres vieillards morts. Ceux-ci, entièrement peints d’ocre rouge, l’entouraient, dans son rêve, et le faisaient tourner au bout d’une corde de tendons qu’ils tenaient et dont lui, Tankli, tenait l’autre bout. Une autre fois, ils l’entourent de cette corde et l’emmènent, les yeux bandés, vers un cap, près de la mer, devant un grand rocher, « grand comme un mur de maison », où ils pénètrent par une espèce de porte qui s’ouvrait très vite et de façon dangereuse. Là, on lui découvre les yeux, il est dans un lieu tout lumineux, « clair comme le jour », où tous les vieillards l’entourent. Il y a une masse d’objets qui brillent sur la paroi, l’âme de son père lui en fait choisir plusieurs. À la sortie, cette âme lui apprend à les introduire dans ses cuisses, à les faire sortir, et à les lancer au loin comme des traits de lumière pour blesser les gens. Puis les âmes le ramènent au camp, suspendu à la corde, le laissent au sommet d’un grand arbre et lui disent de crier. Tout le campement arrive et, au moment où les gens s’approchent, lui, Tankli, est déjà en bas, tenant à la main les choses que son père lui avait données. « Elles étaient comme du verre, et on les appelle kin (quartz). Je racontai tout aux vieillards, et ils dirent que j’étais un docteur. » Les dires de Tankli sont évidemment très sommaires. Ils nous font pourtant assez bien pénétrer la confusion qui peut se produire entre l’idée d’une ascension, d’une lévitation, celle d’un transfert au pays des morts, et enfin celle d’une simple apparition des morts dans un rêve ordinaire. Ils nous mettent en présence d’une image trouble de la révélation, image d’un genre beaucoup plus répandu probablement que la plupart des renseignements écourtés et stéréotypés ne nous le font paraître. La révélation, pour les birraark Kurnai, semble avoir eu un caractère plutôt totémique, quoique les Kurnai n’aient plus de totems de clan. En effet, les « mrarts » sont des esprits animaux, aux corroborees (danses chantées) desquels l’initié assiste. Là encore, il y a indécision entre l’image totémique et l’image purement anthropomorphique de la révélation.

Il manque aussi aux faits observés chez les Kurnai un trait mythique important, celui de la mise à mort du magicien et de sa renaissance. Ce trait en a peut-être été toujours absent. Mais la régularité extraordinaire avec laquelle il apparaît dans les tribus qu’il nous reste à étudier est, quant à nous, un indice sûr de sa grande extension.

Les Arunta sont une des tribus australiennes les mieux connues, par deux livres successifs de MM. Spencer et Gillen ; l’un d’eux a pu observer cette tribu pendant vingt ans, en qualité de surveillant ; tous les deux sont réputés, pleno jure, membres de la tribu et initiés à tous les mystères. Certainement, les descriptions qu’ils nous font de l’initiation du magicien par les esprits sont fondées sur nombre de récits personnels authentiques. Il existe trois classes de magiciens chez les Arunta, dont une seule est initiée par les autres magiciens. Des deux classes initiées par révélation, l’une l’est par les Iruntarinia, l’autre l’est par les Oruncha. Ceux-ci sont des esprits locaux plutôt méchants, à caractère plutôt animal, des sortes d’ogres ; ils vivent isolés. Ils initient le magicien de la même façon que les autres esprits. Nous nous bornons donc à étudier en détail l’initiation par les Iruntarinia.

Ceux-ci sont des esprits d’une nature singulière et dont la personnalité mythique est des plus mal déterminées. Étrangement confondus avec les âmes des ancêtres, perpétuellement réincarnés en leurs descendants, et, par conséquent, confondus avec les doubles des vivants, ils sont encore des sortes de fées, qui vivent sous terre, dans une espèce d’Élysée souterrain, plein de lumière et de soleil, et merveilleusement arrosé. Enfin les Iruntarinia ont des figures d’animaux et se confondent en somme avec les espèces totémiques des groupes locaux auxquels ils sont attachés. Voici comment ils ont initié un homme du groupe d’Alice Springs.

Se sentant capable de devenir un magicien, il s’éloigne du camp et arrive à une caverne qu’on appelle Okalpara, fort vaste, tout à fait comparable aux caves de nos fées, ou aux souterrains des nâgas Indous. Là les Iruntarinia vivent dans un perpétuel bonheur. En proie à une grande anxiété (?) l’homme s’endort devant la cave. Au lever du jour, l’un des Iruntarinia sort, et, trouvant l’homme endormi, le perce d’une lance invisible qui pénètre en arrière, par la nuque, passe à travers la langue, en y faisant un grand trou, et ressort par la bouche. La langue reste perforée pendant toute la vie, d’un trou de la largeur du petit doigt, et c’est là la seule trace permanente et apparente du contact du mage avec les esprits. D’un deuxième coup de lance, l’Iruntarinia lui traverse la tête d’une oreille à l’autre et la victime meurt, puis elle est transportée à l’intérieur de la caverne. Là, l’Iruntarinia lui enlève tous les viscères, et lui en met de neufs, tout en disposant, dans le corps ouvert, des pierres atnongara (cristaux de quartz magiques), puis le ranime, mais il est fou. Cependant la raison lui revient rapidement. Alors l’Iruntarinia le ramène vers le camp et rentre à la caverne. Pendant quelques jours encore le futur magicien délire, jusqu’à ce que, un beau matin, on le voie peint du signe de ses esprits. On le connaît qu’il est homme-médecine. Un temps d’épreuve, d’éducation, compliqué de tabous de toutes sortes, est ensuite nécessaire pour que le nouveau magicien puisse exercer sa profession.

L’initiation par révélation se fait de même dans toute l’étendue de ce que MM. Spencer et Gillen ont raison d’appeler la civilisation Arunta : chez les Ilpirra, Kaitish, et Unmatjera.

Une autre grande tribu, voisine au Nord des Arunta, celle des Warramunga a aussi, parmi ses magiciens, des individus initiés par les esprits. Voici, résumé, le récit de l’un d’entre eux. Parti au désert, il est obsédé pendant plusieurs jours par des puntidir, des esprits du genre des Iruntarinia, qu’il croit être des magiciens étrangers parce qu’ils lui jettent un sort tel qu’il ne peut allumer son feu par friction ; ils le poursuivent, et, enfin, dans son sommeil le tuent, lui ouvrent le corps, changent ses organes et introduisent en lui un petit serpent qui incarne les pouvoirs magiques. Puis ils le laissent, ses amis le retrouvent et le croient mort, mais il revient à la vie et l’on reconnaît à tout cela qu’il est un homme-médecine. Ces esprits sont son père et son frère, et ils lui ont révélé plusieurs corroborees. Mais le récit néglige de nous dire s’ils n’ont pas fait faire d’autres voyages à l’esprit du magicien et comment ils lui ont donné les kupitja, petits bâtons mystiques portés à travers le nez et où réside le pouvoir magique.

Dans la tribu des Mara, voisine, au Nord, de celle des Warramunga, le pouvoir magique vient de deux grands esprits (dieux) célestes, auxquels le néophyte offre une sorte de culte sacrificiel ; il brûle dans un lieu désert une masse de graisse de différents animaux, faisant monter la fumée vers l’Ouest, où ces esprits vivent. Ils descendent du ciel, disent à l’homme de ne pas avoir peur, car ils ne veulent pas « le tuer tout à fait ». Ils le mettent néanmoins « presqu’à mort », lui ouvrent le corps et remplacent tous ses viscères « par ceux de l’un d’entre eux ». Puis ils le ressuscitent, et tout se passe comme dans les tribus précédentes.

Les docteurs des Binbinga, tribu limitrophe de la dernière, au sud du golfe de Carpentarie, sont initiés par deux esprits transcendants, dont l’un est certainement l’incarnation même de la magie, et dont l’autre paraît n’être qu’un pâle dédoublement du premier, dont il est le fils. C’est le vieux dieu qui tue le sorcier dont nous possédons le récit, lui enlève tous les organes internes, et leur substitue ceux de son propre corps ; il introduit en même temps un certain nombre de pierres sacrées, qui sont évidemment les symboles du pouvoir magique (cristaux de roche ?). C’est le jeune dieu qui le ressuscite, lui montre les secrets magiques, l’emmène au ciel, enfin le fait retomber près du camp. Pendant longtemps le nouveau magicien reste dans un état de stupéfaction.

Il est bien possible que deux des thèmes mystiques clairement exprimés chez les Binbinga, la montée au ciel et l’introduction des cristaux, ne manquent qu’au récit et non pas aux croyances concernant les magiciens Mara. En effet, nous savons qu’ils ont le pouvoir de monter au ciel et de causer aux étoiles, et, d’autre part, l’absence de pierres magiques données au sorcier ou disposées dans son corps est relativement invraisemblable. Nous ne doutons donc pas qu’une observation plus approfondie ne mette en lumière le rôle que ces idées doivent jouer dans ce cycle de notions Mara.

Mais ici, nous touchons à une forme intéressante de la mythologie magique. Ces intestins de l’esprit qui deviennent ceux du magicien ne sont là que pour figurer simplement l’identité désormais acquise du magicien et de l’esprit. De plus on doit remarquer que, chez les Binbinga, le nom de l’esprit faiseur de magiciens et celui de magicien sont les mêmes. Le magicien est un esprit, il est même l’esprit par excellence. Un fait de ce genre nous est nettement décrit ; il se trouve dans une tribu du Queensland central N. W., qui n’est pas trop éloignée des tribus précédentes, celle du Cape Bedford : certains vieillards, qui prétendent être des hommes-médecine, portent le nom de Dambun, nom qui est justement celui d’un « esprit de la nature », lequel est, d’ailleurs, l’esprit initiateur des sorciers d’une autre tribu, celle de la Rivière Mac-Ivor. La physionomie de ces esprits de la nature auxquels s’assimile le magicien est assez indéfinie, et leur image n’est pas des plus simples. Pour notre part, nous serions assez disposés à voir en eux des personnalités mythiques fort vagues, du genre du grand serpent d’eau qui est l’objet d’un culte sur les points les plus divers de toute la civilisation australienne. Peut-être aussi ressemblent-ils beaucoup aux Iruntarinia des Arunta, esprits qui sont à mi-chemin entre les âmes d’ancêtres, les esprits animaux de l’espèce totémique et les esprits de la nature. Nous ne savons au juste. Deux choses seules sont certaines. C’est d’abord qu’ils sont représentés comme des personnes avec lesquelles le magicien se met en relations tellement intimes qu’il s’identifie avec elles. C’est ensuite que ces personnalités sont attachées à des lieux ou à des phénomènes naturels, et qu’il faut faire ici une part à une mythologie « naturiste », s’il est possible de parler ainsi.

Il n’y a donc pas à s’étonner que certaines tribus du Queensland Sud Occidental aient eu une notion presque parfaitement naturiste de l’origine des pouvoirs et des connaissances magiques que communiquent les esprits. C’est l’arc-en-ciel, personnifié plus ou moins précisément, qui chez elle, initie le magicien. Le mythe de cette initiation, que les Kabis, aujourd’hui à peu près disparus, possédaient, nous a été décrit à plusieurs reprises par M. Mathew autrefois missionnaire parmi eux. Voici la traduction en français, approximative, de la traduction littérale donnée par M. Mathew du récit fort trouble, fruste mais substantiel qu’on lui fit de ces faits. Nous laissons en place les titres et la division en histoires, qui n’ont, au fond, aucune valeur et n’ont été inventées que par notre auteur.

« L’arc-en-ciel. Arc-en-ciel est méchant. Il a volé un jeune métis, a mis un autre gamin à sa place, mais noir. Il a emporté l’enfant dans un trou (d’eau) de la montagne et l’y a mis. Dans ce trou est l’enfant ; de jour, il sort. — L’arc-en-ciel capable de donner de la vie ? Toi, une fois malade, va te coucher au bord de l’eau. Toi guéri. L’indigène donne à Arc-en-ciel des pierres Nanpai, Arc-en-ciel donne à indigène de la corde. — [Les] Pierres [et cailloux] (sic) de Kundangur. À l’intérieur du Noir sont toujours des pierres, dans ses mains, os, reins, mollets, tête, ongles. Toi reste surnageant [?], dans ton estomac elles entrent. Tu n’es plus malade, tu es rempli de vitalité [tu es devenu man-Nur]… — [La] trouvaille [des] pierres. Toi étends-toi sous un arbre. Tu entends un sifflement. La pierre Nganpai entre en toi. Elle entre avec du bruit. Tu es plein de vitalité, tu ne mourras pas. » — L’indigène qui a donné ces renseignement a évidemment mal décrit les faits. La maladie dont il s’agit n’est probablement que le trouble mental et physiologique préalable à la révélation ; en tous cas, ce ne peut être une maladie du genre de celles que le futur magicien devra traiter.

Si nous nous servons maintenant des renseignements personnels de M. Mathew, nous arriverons au type suivant de révélation. Auprès d’un des trous d’eau où réside Dhakkan, [l’] Arc-en-ciel, le magicien va s’étendre. Il s’est muni d’un certain nombre de pierres magiques. À près avoir été saisi d’anxiété, il tombe en un profond sommeil. [L’] arc-en-ciel l’entraîne sous l’eau et là, en échange de ses pierres lui remet de la corde magique, puis le rend à la vie, pourvu de pierres et de corde dans son estomac et dans tout son corps. Ces morceaux de cristal de roche symbolisent la vitalité, la force magique, celle de l’arc-en-ciel ; et les pierres, ainsi que le sac-médecine qui en contient un certain nombre, ont une origine surnaturelle qui les rend non seulement puissantes, mais encore sacrées.

Un certain nombre de faits restent d’ailleurs obscurs dans tout ceci. Y a-t-il d’abord une révélation où l’arc-en-ciel donne les pierres de quartz ? Ou n’y a-t-il qu’une seule révélation ? Mais alors que signifie cet échange entre le magicien et l’arc-en-ciel, celui-ci reprenant ce qu’il aurait donné d’abord ? N’y a-t-il pas contradiction entre les récits qui disent que les pierres pénètrent d’une façon autonome dans le corps étendu sous un arbre, et les récits qui disent qu’elles sont données par l’arc-en-ciel, ou que le sorcier les trouve en plongeant « dans un trou d’eau où l’arc-en-ciel est censé se terminer » ? Nous ne savons rien de tous ces détails. Mais nous connaissons le fait en gros. L’individu devenu magicien est rempli d’une nouvelle vie, « une vie magique » ; cette force et cette vitalité supérieures, ce pouvoir désormais absolu, sont matérialisés par les morceaux de quartz, les cristaux déposés eux-mêmes par l’arc-en-ciel semblent incarner les forces naturelles qu’il personnifie.

La tribu de Brisbane, aujourd’hui complètement disparue, avait exactement la même croyance. Là le magicien s’appelait turrwan, nom semblable à celui de l’arc-en-ciel, Targan. Celui-ci vomissait des cristaux de roche dans certaines places d’eau où le futur magicien plongeait pour les trouver, à l’endroit même où l’arc-en-ciel était censé finir. Dans tout ce groupe de tribus il y avait une parenté entre le magicien et l’arc-en-ciel.

Peut-être, d’ailleurs, trouvons-nous ici non seulement un type relativement complet de révélation magique par une vague divinité naturiste, mais encore une explication plausible de la croyance qui attache dans les sociétés australiennes les pouvoirs magiques aux cristaux de quartz. Il n’est pas impossible que leur rapport avec l’arc-en-ciel provienne du fait qu’ils décomposent la lumière, donnent les mêmes couleurs et semblent ainsi le contenir. Ce phénomène mystérieux ainsi que celui de la transparence (qui semble relier le cristal de roche à l’élément eau), serait peut-être l’origine même de la valeur singulière donnée à ces cailloux. Mais ceci est une hypothèse ; l’important est que le magicien est réputé avoir été changé, inspiré d’une vie, d’une force, de qualités matérialisées toutes nouvelles.

Cette idée des qualités surajoutées par l’esprit est au fond la seule qui surnage dans les croyances des Pitta-Pitta de Boulia, et de leurs voisins, les Kalkadoon. Chez eux, de nouveau, la distinction des divers esprits s’efface, ainsi que le thème de la mort et de la renaissance. L’individu se retire au désert, encore tout jeune, quand il se sent « mal à son aise », il voit Mulkari (Malkari) qui met dans son corps les substances magiques. D’autres sont initiés par un certain monstre aquatique Kan-ma-re qui lance dans leur corps les substances magiques et les laisse rentrer au camp malades ; c’est un autremagicien qui extrait « l’os de Kanmare » dont la possession fait de l’individu un magicien. D’autres sont enfin initiés par les âmes des morts, exactement de la même façon.

Sur les Dieri, des environs du lac Eyre, nous disposerons dans quelques mois de renseignements plus détaillés que ceux que nous possédons. Chez eux, le magicien est initié en rêve par un esprit personnel, méchant, confondu souvent avec les tourbillons de poussière du désert, avec les âmes des morts et avec les puissances mêmes des charmes et qu’on appelle Kûchi. Il est inutile de donner de ces faits une description qui sera surannée demain.

Le miracle. — Un événement extraordinaire marquant un pouvoir étonnant peut quelquefois faire un magicien. Il équivaut à une révélation parce qu’il marque une liaison spéciale avec les esprits. C’est ainsi que M. Howitt pour les tribus du Nord de Victoria, M. Mathew, pour les Kabis du Queensland nous affirment que quiconque avait échappé miraculeusement à la mort était réputé magicien.

Mais, si le miracle suffit quelquefois, il semble devoir être toujours nécessaire pour prouver une initiation miraculeuse par elle-même. C’est à ses œuvres que l’on reconnaît le magicien ; il faut qu’il démontre autrement que par ses récits ; ses aventures merveilleuses ne sont crues que s’il les fait suivre de cures et de prouesses merveilleuses elles aussi. Il se distingue du charlatan quelquefois par les stigmates qu’il porte, toujours par les événements qu’il suscite et qui font éclater sa qualité.

Le système de la révélation magique se présente donc avec une extraordinaire uniformité dans toute l’Australie. Nous pouvons résumer les caractéristiques de cette institution en un petit nombre de thèses :

1o La révélation se produit normalement chez des individus isolés et non pas en groupe. Elle est un phénomène social qui ne se produit qu’individuellement.

2o Elle est souvent provoquée par l’individu qui se sent apte à devenir magicien, et a soit des relations particulières avec d’autres magiciens, soit des dispositions nerveuses déterminées. Le futur magicien se retire dans la solitude, forêt ou désert, se soumet souvent à des rites, qui sont ou des jeûnes et des privations, ou bien des exercices intellectuels violents. Il s’intoxique ainsi et se prépare à des hallucinations véritables. Les cas de rêve et d’initiation involontaires sont assez rares.

3o Elle comporte un état d’extase, plus ou moins durable, et suivi, souvent, d’une espèce de délire assez long.

4o Ce que l’individu croit avoir éprouvé dans cet état est d’ordinaire représenté par une apparition d’esprits, un contact prolongé et intime avec les esprits dans leur monde. Ce contact est censé dans nombre de cas altérer profondément la personnalité du magicien. Il a une vie nouvelle, sa vie ancienne est finie ; quelquefois même il devient un esprit. Toujours cette qualité récente se marque par la possession d’une substance magique au moins.

5o Cette substance magique absorbée est d’ordinaire représentée par des cristaux de roche, qui semblent contenir non seulement la force magique, mais encore, au moins dans certains cas, les forces mêmes de la nature.

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