Vous avez lu l’Esprit des Lois :
Que pensez-vous de cet ouvrage ?
Ce n’est qu’un pénible assemblage
De républiques et de rois.
On y voit des mœurs de tout âge,
Et des peuples de tous les lieux :
Le civilisé, le sauvage.
Leurs législateurs et leurs dieux.
Sur tous ces objets d’importance,
L’auteur nous laisse apercevoir,
Non une simple tolérance,
Mais une froide indifférence ;
Tout lui paraît fruit du terroir.
Le sol est la cause première
De nos vices, de nos vertus ;
Néron dans un autre hémisphère
Aurait peut-être été Titus.
L’esprit n’est que second mobile,
Et notre raison versatile
Est dépendante des climats ;
Féroce au pays des frimats,
Voluptueuse dans l’Asie,
Le même ressort ici-bas
Détermine sa fantaisie.
Ainsi, sans un grand appareil,
On peut, dans le siècle où nous sommes,
Par les seuls degrés du soleil
Calculer la valeur des hommes.
Sur ce point seul, législateurs,
Établissez bien vos maximes,
Dirigez les lois et les mœurs,
Distinguez les vertus des crimes ;
Sur l’air réglez vos documents :
Un pays devient despotique,
Républicain ou monarchique
Par la force des éléments.
La liberté n’est qu’un vain titre,
Le culte est pur consentement,
Et le climat seul est l’arbitre
Des dieux et du gouvernement.
Ce n’est point un esprit critique
Qui me sert ici d’Apollon.
Voilà toute la politique
De notre anonyme Solon.