Il y avait anciennement très-peu d’or et d’argent en Italie. Ce pays a peu ou point de mines d’or et d’argent. Lorsque Rome fut prise par les Gaulois, il ne s’y trouva que mille livres d’or 1 . Cependant les Romains avaient saccagé plusieurs villes puissantes, et ils en avaient transporté les richesses chez eux. Ils ne se servirent longtemps que de monnaie de cuivre : ce ne fut qu’après la paix de Pyrrhus qu’ils eurent assez d’argent pour en faire de la monnaie 2 . Ils firent des deniers de ce métal, qui valaient dix as 3 , ou dix livres de cuivre. Pour lors, la proportion de l’argent au cuivre était comme 1 à 960 4 ; car le denier romain valant dix as ou dix livres de cuivre, il valait cent-vingt onces de cuivre ; et le même denier valant un huitième d’once d’argent 5 , cela faisait la proportion que nous venons de dire.
Rome, devenue maîtresse de cette partie de l’Italie, la plus voisine de la Grèce et de la Sicile, se trouva peu à peu entre deux peuples riches : les Grecs et les Carthaginois ; l’argent augmenta chez elle ; et la proportion de 1 à 960 entre l’argent et le cuivre ne pouvant plus se soutenir, elle fit diverses opérations sur les monnaies, que nous ne connaissons pas. Nous savons seulement qu’au commencement de la seconde guerre punique, le denier romain ne valait plus que vingt onces de cuivre 6 ; et qu’ainsi la proportion entre l’argent et le cuivre n’était plus que comme 1 est à 160 7 . La réduction était bien considérable, puisque la république gagna cinq sixièmes sur toute la monnaie de cuivre. Mais on ne fit que ce que demandait la nature des choses, et rétablir la proportion entre les métaux qui servaient de monnaie.
La paix, qui termina la première guerre punique, avait laissé les Romains maîtres de la Sicile. Bientôt ils entrèrent en Sardaigne, ils commencèrent à connaître l’Espagne : la masse de l’argent augmenta encore à Rome. On y fit l’opération qui réduisit le denier d’argent de vingt onces à seize 8 ; et elle eut cet effet, qu’elle remit en proportion l’argent et le cuivre : cette proportion était comme 1 est à 160 ; elle fut comme 1 est à 128 9 .
Examinez les Romains, vous ne les trouverez jamais si supérieurs que dans le choix des circonstances dans lesquelles ils firent les biens et les maux a .
1 Pline, liv. XXXIII, art. 5. (M.)
2 Freinshemius, liv. V de la seconde décade. (M.)
3 Ibid. loco citato. Ils frappèrent aussi, dit le même auteur, des demis appelés quinaires, et des quarts appelés sesterces. (M.)
4 V. sup. c. V, note 2.
5 Un huitième, selon Budée ; un septième, selon d’autres auteurs. (M.)
6 Pline, Hist. nat., liv. XXXIII, art. 13. (M.)
7 Comme 160 est à 1.
8 Pline, Hist. nat., liv. XXXIII, art. 13. (M.)
9 V. sup. c. V, note 2.
a Cette dernière réflexion n’est pas dans A. B.