CHAPITRE XXVI. DU COMBAT JUDICIAIRE ENTRE UNE DES PARTIES ET UN DES TÉMOINS.

Beaumanoir 1 dit qu’un homme qui voyait qu’un témoin allait déposer contre lui, pouvait éluder le second, en disant 2 aux juges que sa partie produisait un témoin faux et calomniateur ; et, si le témoin voulait soutenir la querelle, il donnait les gages de bataille. Il n’était plus question de l’enquête : car, si le témoin était vaincu, il était décidé que la partie avait produit un faux témoin, et elle perdait son procès.

Il ne fallait pas laisser jurer le second témoin ; car il aurait prononcé son témoignage, et l’affaire aurait été finie par la déposition des deux témoins 3 . Mais en arrêtant le second, la déposition du premier devenait inutile.

Le second témoin étant ainsi rejeté, la partie n’en pouvait faire ouïr d’autres, et elle perdait son procès ; mais, dans le cas où il n’y avait point de gages de bataille 4 , on pouvait produire d’autres témoins.

Beaumanoir dit 5 que le témoin pouvait dire à sa partie avant de déposer : « Je ne me bée pas à combattre pour vostre querelle, ne à entrer en plet au mien ; et se vous me voulez défendre, volontiers dirai ma vérité. » La partie se trouvait obligée à combattre pour le témoin ; et, si elle était vaincue, elle ne perdait point le corps 6 , mais le témoin était rejeté.

Je crois que ceci était une modification de l’ancienne coutume ; et ce qui me le fait penser, c’est que cet usage d’appeler les témoins se trouve établi dans la loi des Bavarois 7 , et dans celle des Bourguignons 8 , sans aucune restriction.

J’ai déjà parlé de la constitution de Gondebaud, contre laquelle Agobard 9 et saint Avit 10 se récrièrent tant. « Quand l’accusé, dit ce prince, présente des témoins pour jurer qu’il n’a pas commis le crime, l’accusateur pourra appeler au combat un des témoins ; car il est juste que celui qui a offert de jurer, et qui a déclaré qu’il savait la vérité, ne fasse point de difficulté de combattre pour la soutenir. » Ce roi ne laissait aux témoins aucun subterfuge pour éviter le combat.

1 Beaum., ch. LXI, p. 315. (M.)

2 « Leur doit-on demander, avant qu’ils fassent nul serment, pour qui ils veulent tesmoigner ; car lenques gist li point d’aus lever de faus tesmoignage. » Beaum., ch. XXXIX, p. 218. (M.)

3 « Autant valent deux bons tesmoins pour une cause gagner que feraient vingt. » Beaum., ch. LXI, p. 315.

4 Beaum., ch. LXI, p. 316. (M.)

5 Beaum., ch. VI, p. 40. (M.)

6 Mais si le combat se faisait par champions, le champion vaincu avait le poing coupé. (M.)

7 Tit. XVI, § 2. (M.)

8 Tit. XLV (M.)

9 Lettre à Louis le Débonnaire. (M.)

10 Vie de S. Avit. (M.)

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