C’est un caractère particulier de ces lois des barbares, qu’elles ne furent point attachées à un certain territoire : le Franc était jugé par la loi des Francs, l’Allemand par la loi des Allemands, le Bourguignon par la loi des Bourguignons, le Romain par la loi romaine ; et, bien loin qu’on songeât dans ces temps-là à rendre uniformes les lois des peuples conquérants, on ne pensa même pas à se faire législateur du peuple vaincu.
Je trouve l’origine de cela dans les mœurs des peuples Germains. Ces nations étaient partagées par des marais, des lacs et des forêts ; on voit même dans César 1 qu’elles aimaient à se séparer. La frayeur qu’elles eurent des Romains, fit qu’elles se réunirent ; chaque homme, dans ces nations mêlées, dut être jugé par les usages et les coutumes de sa propre nation. Tous ces peuples, dans leur particulier, étaient libres et indépendants ; et, quand ils furent mêlés, l’indépendance resta encore. La patrie était commune, et la république particulière ; le territoire était le même, et les nations diverses. L’esprit des lois personnelles était donc chez ces peuples avant qu’ils partissent de chez eux, et ils le portèrent dans leurs conquêtes.
On trouve cet usage établi dans les formules 2 de Marculfe, dans les codes des lois des barbares, surtout dans la loi des Ripuaires 3 , dans les 4 décrets des rois de la première race, d’où dérivèrent les capitulaires que l’on fit là-dessus dans la seconde 5 . Les enfants 6 suivaient la loi de leur père, les femmes 7 celle de leur mari, les veuves 8 revenaient à leur loi, les affranchis 9 avaient celle de leur patron. Ce n’est pas tout : chacun pouvait prendre la loi qu’il voulait : la constitution de Lothaire I 10 exigea que ce choix fût rendu public.
1 De bello gallico, lib. VI. (M.)
2 Liv. I, form. VIII. (M.)
3 Ch. XXXI. (M.)
4 Celui de Clotaire de l’an 560, dans l’édition des Capitulaires de Baluze, tome I, art. 4 ; Ibid., in fine. (M.)
5 Capitulaires ajoutés à la loi des Lombards, liv. I, tit. XXV, ch. LXXI ; liv. II, tit. XLI, ch. VII ; et tit. LVI, ch. I et II. (M.)
6 Ibid. Liv. II, tit. V. (M.)
7 Ibid. Liv. II. tit. VII, ch. I. (M.)
8 Ibid. ch. II. (M.)
9 Ibid. liv. II, tit. XXXV, ch. II. (M.)
10 Dans la loi des Lombards, liv. II, tit. XXXVII. (M.)