J’ai parlé 1 de ces volontaires qui, chez les Germains, suivaient les princes dans leurs entreprises. Le même usage se conserva après la conquête. Tacite les désigne par le nom de compagnons 2 ; la loi salique par celui d’hommes qui sont sous la foi du roi 3 ; les formules de Marculfe 4 par celui d’antrustions du roi 5 ; nos premiers historiens par celui de leudes, de fidèles 6 ; et les suivants par celui de vassaux et seigneurs 7 .
On trouve dans les lois saliques et ripuaires un nombre infini de dispositions pour les Francs, et quelques-unes seulement pour les antrustions. Les dispositions sur ces antrustions sont différentes de celles faites pour les autres Francs ; on y règle partout les biens des Francs, et on ne dit rien de ceux des antrustions : ce qui vient de ce que les biens de ceux-ci se réglaient plutôt par la loi politique que par la loi civile, et qu’ils étaient le sort 8 d’une armée, et non le patrimoine d’une famille.
Les biens réservés pour les leudes furent appelés des biens fiscaux 9 , des bénéfices, des honneurs, des fiefs, dans les divers auteurs et dans les divers temps.
On ne peut pas douter que d’abord les fiefs ne fussent amovibles 10 . On voit, dans Grégoire de Tours 11 , que l’on ôte à Sunégisile et à Galloman tout ce qu’ils tenaient du fisc, et qu’on ne leur laisse que ce qu’ils avaient en propriété. Gontran, élevant au trône son neveu Childebert, eut une conférence secrète avec lui, et lui indiqua ceux 12 à qui il devait donner des fiefs, et ceux à qui il devait les ôter. Dans une formule de Marculfe 13 , le roi donne en échange, non-seulement des bénéfices que son fisc tenait, mais encore ceux qu’un autre avait tenus. La loi des Lombards oppose les bénéfices à la propriété 14 . Les historiens, les formules, les codes des différents peuples barbares, tous les monuments qui nous restent, sont unanimes. Enfin, ceux qui ont écrit le Livre des fiefs 15 , nous apprennent que d’abord les seigneurs purent les ôter à leur volonté, qu’ensuite ils les assurèrent pour un an 16 , et après les donnèrent pour la vie.
1 Sup. ch. III.
2 Comites. De mor. germ., c. XIII. (M.)
3 Qui sunt in truste regis, tit. XLIV, art. 4. (M.)
4 Liv. I, form. XVIII. (M.)
5 Du mot trew, qui signifie fidèle chez les Allemands, et chez les Anglais true., vrai. (M.) En vieux français, dru signifie fidèle, et druerie, fidélité.
6 Leudes, fideles. (M.)
7 Vassali, seniores. (M.)
8 C’est-à-dire le lot, la part.
9 Fiscalia. Voyez la formule XIV de Marculfe, liv. I. Il est dit dans le vie de saint Maur, dedit fiscum unum ; et dans les Annales de Metz sur l’an 747, dedit illi comitatus et fiscos plurimos. Les biens destinés à l’entretien de la famille royale étaient appelés regalia. (M.)
10 Voyez le liv. I, tit. I, des fiefs ; et Cujas sur ce livre. (M.)
11 Liv. IX, ch. XXXVIII. (M.)
12 Quos honoraret muneribus, quos ab honore repelleret. Ibid., liv. VII. (M.)
13 Vel reliquis quibuscumque beneficiis, quodcumque ille, vel fiscus noster, in ipsis locis tenuisse noscitur. Liv. I, form. XXX. (M.)
14 Liv. III, tit. VIII, § 3. (M.)
15 Feudorum lib. I, tit. I. (M.)
16 C’était une espèce de précaire que le seigneur renouvelait ou ne renouvelait pas l’année d’ensuite, comme Cujas l’a remarqué. (M.)
Le Liber Feudorum est une autorité peu solide pour l’histoire du droit féodal en France ; il a été écrit en Italie, en vue des coutumes lombardes, et c’est l’œuvre de deux jurisconsultes, plus que médiocres historiens.