CHANT SECOND.

A Gnide il est un antre aux nymphes consacré ;

L’amant sur ses destins on revient éclairé ;

On n’y voit point trembler la terre mugissante.

Sur le front palissant se dresser les cheveux,

Et sur le trépied d’or la prêtresse écumante

S’agiter en fureur à la voix de ses dieux.

Vénus prête aux humains une oreille indulgente,

Sans tromper de leurs cœurs les soupçons ou les vœux.

 

Une fille de Crète aborda l’immortelle :

Des flots d’adorateurs s’empressaient autour d’elle :

A l’oreille de l’un elle parlait tout bas ;

Elle accordait à l’autre un souris plein de charmes ;

Sur un troisième encore elle appuyait son bras.

O ciel ! que dans la foule elle causa d’alarmes !

Combien elle était belle et parée avec art !

Sa voix était perfide, ainsi que son regard :

D’une divinité la démarche est moins fière

Mais Vénus lui cria : Sors de mon sanctuaire ;

Oses-tu bien porter ton manège imposteur

Jusqu’aux lieux où l’amour règne avec la candeur ?

Je veux qu’à ta beauté ce même orgueil survive.

Je te laisse ton cœur et détruis tes appas ;

Les hommes te fuiront comme une ombre plaintive ;

Et le mépris vengeur, attaché sur tes pas,

Poursuivra, chez les morts, ton âme fugitive.

Fléau de ses amants, riche de leurs débris,

Des murs de Nocrétis vint une courtisane.

Quel faste était le sien ! de sa flamme profane,

Avec un front superbe, elle étalait le prix.

Crois-tu, dit la déesse, honorer ma puissance ?

Ton cœur ressemble au fer : dans ton indifférence,

Mon fils même, oui, mon fils ne saurait t’enchaîner

Au lâche qui t’appelle et va t’abandonner.

D’un charme séducteur tu montres l’apparence :

Ta beauté, dont tu vends la froide jouissance,

Promet bien le plaisir, mais ne peut le donner...

Fuis, porte loin de moi ton culte qui m’offense.

Un homme riche et fier vint, quelque temps après ;

Il levait des tributs pour le roi de Lydie,

Et s’était chargé d’or, espérant qu’à grands frais

Il pourrait s’enflammer une fois en sa vie.

J’ai bien, lui dit Vénus, la vertu de charmer.

Mais je ne puis répondre à ce que tu souhaites :

Tu prétends acheter la beauté pour l’aimer ;

Mais tu ne l’aimes point, puisqu’enfin tu l’achètes.

Ton or ne va servir qu’à t’ôter pour jamais

Le goût délicieux des plus charmants objets.

 

Aristée arriva des champs de la Doride.

Il avait vu Camille aux campagnes de Gnide ;

Il en était épris, et, tout brûlant de feux,

Il venait demander de l’aimer encor mieux.

La déesse lui dit : Je connais bien ton âme :

Tu sais aimer ; Camille est digne de ta flamme :

J’aurais pu la placer sur le trône d’un roi,

Mais un simple berger mérite mieux sa foi.

Je vins aussi, tenant la main de ma Thémire.

La déesse nous dit : Jamais, dans mon empire,

Je n’ai vu deux mortels plus soumis à ma loi.

Mais que pourrais-je faire ? En vain je voudrais rendre

Thémire plus charmante, et son ami plus tendre. —

Ah ! lui dis-je, j’attends mille grâces de toi.

Fais que dans chaque objet mon image tracée,

De Thémire sans cesse amuse la pensée ;

Qu’elle dorme et s’éveille en ne pensant qu’à moi ;

Qu’absent elle m’espère, et, présent, craigne encore

Le douloureux moment qui doit nous séparer :

Fais que Thémire, enfin, du soir jusqu’à l’aurore,

S’occupe de me voir ou de me désirer.

 

Gnide alors célébrait des fêtes solennelles,

Dont le spectacle attire une foule de belles :

Ce peuple ambitieux accourt de toutes parts,

Pour disputer le prix et fixer les regards.

A leur cercle élégant la déesse préside,

Et son choix, d’un coup d’œil, entr’elles se décide.

 

Des remparts de Corinthe il vint trente beautés,

Dont les cheveux tombaient en boucles ondoyantes :

Dix autres, qui n’avaient que des grâces naissantes.

Venaient de Salamine, et comptaient treize étés.

Les filles de Lesbos se disaient l’une à l’autre :

Mon cœur est tout ému, depuis que je vous voi :

Vénus, si votre aspect l’enchante autant que moi,

Parmi tant de beautés, doit couronner la vôtre.

 

Milet avait fourni les plus rares trésors ;

Cinquante objets, plus frais qu’une rose nouvelle,

De la perfection présentaient le modèle.

Mais les dieux, ne cherchant qu’à former de beaux corp

Manquèrent d’y placer la grâce encor plus belle.

 

Chypre avait envoyé cent femmes au concours.

Elles disaient : Vénus a reçu nos prémices ;

Au pied de ses autels nous passons nos beaux jour

Et d’un scrupule vain, qui s’alarme toujours,

Nos charmes, sans rougir, lui font des sacrifices.

 

Celles que l’Eurotas vit naître sur ses bords,

Dans leurs libres atours bravaient la modestie,

Et, prétendant complaire aux lois de leur patrie,

De l’austère pudeur se jouaient sans remords.

 

Et toi, mer orageuse, en naufrages féconde !

Tu sais nous conserver de précieux dépôts.

Jadis tu t’apaisas, quand de jeunes héros

Portaient la toison d’or sur ta plaine profonde ;

Et cinquante beautés, qui sortaient de Colchos,

Sous leur fardeau chéri firent courber ton onde.

 

Dans un essaim nombreux de légers courtisans,

Oriane parut, telle qu’une déesse :

Les beautés de Lydie entouraient leur princesse ;

Cent filles à Vénus apportaient ses présents.

Distingué par son rang, moins que par sa tendresse,

Candaule, jour et nuit, la dévorait des yeux ;

Sur ses jeunes attraits sa vue errait sans cesse :

Mon bonheur, disait-il, n’est connu que des dieux ;

Il serait bien plus grand s’il donnait de l’envie.

Belle reine, quittez cette toile ennemie ;

Présentez-vous sans voile aux regards des mortels ,

C’est peu du prix qu’on offre, il vous faut des autels.

 

Près de là paraissaient vingt Babyloniennes :

La pourpre de Sidon, l’or et les diamants,

Sans augmenter leur prix, chargeaient leurs vêtements.

Comme un signe d’attraits, d’autres encor plus vaines,

Osaient bien étaler les dons de leurs amants.

 

Cent brunes, qui du Nil habitent le rivage.

Avaient à leurs côtés leurs dociles époux.

Si les lois, disaient-ils, vous font régner sur nous.

Votre beauté vous donne un plus grand avantage :

Nos cœurs, après les dieux, ne chérissent que vous ;

Il n’est point sous le ciel de plus doux esclavage.

Le devoir vous répond de nos engagements ;

Mais l’amour peut lui seul garantir vos serments.

Aux honneurs de ces lieux montrez-vous moins sensibles

Qu’au plaisir délicat de nous garder vos cœurs,

De recueillir chez vous des hommages flatteurs,

Et d’embellir le joug de vos maris paisibles.

 

D’autres vinrent d’un port qui, sur toutes les mers,

Déploie avec orgueil ses flottes opulentes :

Il semblait qu’en ce jour leur parure brillante

Avait de tout son luxe épuisé l’univers.

 

Il vint de l’orient dix filles de l’Aurore :

Ses nymphes, pour la voir, devançaient son réveil,

Et de son prompt départ se plaignaient au Soleil :

Elles voyaient leur mère, et se plaignaient encore

Que le monde jouît de son éclat vermeil.

 

Du fond de l’Inde, il vint une reine charmante :

Ses enfants déjà beaux folâtraient dans sa tente :

Des hommes la servaient en détournant les yeux :

Esclaves mutilés, honteux de leur bassesse,

Depuis qu’ils respiraient l’air brillant de ces lieux,

Ils sentaient redoubler leur affreuse tristesse.

 

Les femmes de Cadix se montraient sur les rangs.

Les belles ont partout des hommages fidèles :

Mais dans tous les climats, les honneurs les plus grands

Peuvent seuls apaiser l’ambition des belles.

 

Les bergères de Gnide attiraient tous les yeux :

Quel doux frémissement s’élevait sur leurs traces !

Au lieu d’or et de pourpre, elles avaient des grâces ;

Les seuls présents de Flore entouraient leurs cheveux :

Leurs guirlandes couvraient une gorge naissante

Qui, pour fuir sa prison, s’agitait vainement ;

Et leur robe de lin, dans leur simple agrément,

Dessinait les contours d’une taille élégante.

 

On ne vit point Camille à ces fameux débats :

Que m’importe le prix, cher amant ? lui dit-elle ;

C’est pour toi, pour toi seul que je veux être belle :

Le reste est pour mon cœur comme s’il n’était pas.

 

Diane dédaignait une gloire profane ;

Mais on voyait briller ses charmes ingénus :

Tandis qu’elle était seule, on la prit pour Vénus ;

Diane avec Vénus n’était plus que Diane.

 

Gnide, pendant ces jeux, présentait l’univers :

On eût dit que l’Amour, pour un jour de conquête,

Rassemblait des attraits de cent climats divers ;

Jamais on n’avait vu de si pompeuse fête.

La nature aux humains partage la beauté,

Comme elle est assortie à chaque déité.

Partout on retrouvait, d’espaces en espaces,

Ou Pallas, ou Thétis, la grandeur de Junon,

Ou la simplicité de la sœur d’Apollon,

Le souris de Vénus, ou le charme des Grâces.

La Pudeur, dans son air, variait tour à tour,

Et semblait se jouer de ce peuple folâtre :

Ici, l’œil s’arrêtait sur deux globes d’albâtre ;

Et plus loin, sur un pied façonné par l’amour.

 

Mais les dieux immortels, ravis de ma Thémire,

En voyant leur ouvrage, aiment à lui sourire ;

Vénus avec plaisir contemple ses appas :

C’est l’unique beauté, dans le céleste empire,

Que d’un jaloux dépit les dieux ne raillent pas.

 

Comme parmi les fleurs qui se cachent dans l’herbe,

La rose avec éclat lève son front superbe,

On vit sur tant d’attraits mon amante régner.

Ses rivales à peine eurent le temps de l’être :

Leur foule était vaincue avant de la connaître.

Grâces, dit la déesse, allez la couronner ;

De mille objets charmants que le cirque rassemble,

Voilà, dans sa beauté, le seul qui vous ressemble.

 

Tandis qu’avec ses sœurs, aux autels de Vénus,

Thémire triomphante est encore arrêtée,

Je trouve dans un bois le sensible Aristée,

Je l’avais vu dans l’antre, et je le reconnus.

Nous fûmes attirés par un charme rapide :

Car Vénus, à l’aspect d’un habitant de Gnide,

Fait goûter en secret les doux ravissements

De deux amis rendus à leurs embrassements.

 

Je sentis que mon cœur se donnait à sa vue ;

Vers les mêmes liens nous étions emportés :

Il semblait que du ciel l’Amitié descendue

Venait dans ce bosquet s’asseoir à nos côtés.

 

Je lui fis de ma vie une histoire fidèle.

Mon père, qui servait notre auguste immortelle,

M’a fait naître, lui dis-je, au sein de Sybaris.

Quelle cité ! Ses goûts sont des besoins pour elle :

A qui peut en trouver d’une espèce nouvelle,

Des trésors de l’État on y donne des prix.

 

Ces lâches habitants ont banni de leur ville

Tous les arts dont le bruit trouble un sommeil tranquille.

Ils pleurent des bouffons quand ils les ont perdus,

Et laissent dans l’oubli le héros qui n’est plus.

Ils prodiguent sans fruit l’éternelle richesse

Qu’entretient dans leurs murs un terroir opulent ;

Et les faveurs des dieux sur ce peuple indolent,

Ne servent qu’à nourrir le luxe et la mollesse.

 

Les hommes sont si doux, parés avec tant d’art,

Occupés si longtemps à consulter leurs glaces,

A corriger un geste, un sourire, un regard,

A moduler leur voix, à composer leurs grâces,

Qu’ils ne paraissent point former un sexe à part.

 

Une femme se livre avant même qu’elle aime :

Que dis-je ? connaît-elle un mutuel amour ?

Sa gloire est d’enchaîner ; jouir est son système ;

Chaque jour voit finir les vœux de chaque jour :

Mais ces riens, où le cœur trouve tant d’importance,

Mais ces soins attentifs, mais ces regards chéris,

Tous ces petits objets qui sont d’un si grand prix,

Tant de moments heureux avant la jouissance,

Ces sources de bonheur manquent à Sybaris.

 

Si du moins sur leur front on voyait se répandre

Cette faible pudeur, ombre de la vertu !

Mais, hélas ! c’est un fard qui leur est inconnu :

L’œil est fait à tout voir, l’oreille à tout entendre.

 

Loin que la volupté les rende délicats,

A distinguer leurs goûts ils ne parviennent pas.

Dans une gaîté fausse, ils s’occupent de vivre ;

Usés par l’inconstance, ils se lassent de tout ;

Ils laissent un plaisir qui cause leur dégoût,

Pour s’ennuyer encor du plaisir qui va suivre.

L’âme froide au bonheur est de feu pour les maux :

La plus légère peine et l’éveille et l’agite.

Une rose pliée au lit d’un Sybarite,

Pendant toute une nuit le priva de repos.

 

Le poids de leur parure accable leur paresse :

Le mouvement d’un char les fait évanouir :

Leur cœur est si flétri, qu’il ne peut plus jouir,

Et que dans les festins il leur manque sans cesse.

 

Sur des lits de duvet qu’ils couronnent de fleurs,

Ils passent une vie uniforme et tranquille :

Leur corps, pendant le jour, y demeure immobile.

Ils sont exténués, s’ils vont languir ailleurs.

Enfin le Sybarite, esclave et fait pour l’être,

Fatigué d’une armure, effrayé du danger,

Tremblant dans son pays et devant l’étranger,

Comme un troupeau servile, attend le premier maître.

 

Dès que je sus penser, je méprisai ces lieux ;

Car la vertu m’est chère, et j’honore les dieux.

Ah ! disais-je, fuyons une terre ennemie ;

D’un air contagieux je crains de m’infecter.

Que ces enfants du luxe habitent leur patrie !

Ils sont faits pour y vivre, et moi pour la quitter.

Pour la dernière fois, je cours au sanctuaire,

Et touchant les autels qu’avait servis mon père :

O puissante Vénus ! lui dis-je à haute voix,

J’abandonne ton temple, et non tes saintes lois :

Tu recevras mes vœux, quelque lieu que j’habite ;

Mais ils seront plus purs que ceux d’un Sybarite.

Je pars, j’arrive en Crète, et ce triste séjour

M’offre les monuments des fureurs de l’Amour.

On y voyait encor le fameux labyrinthe

Dont un heureux amant avait franchi l’enceinte ;

Et le taureau d’airain, par Dédale inventé

Pour tromper ou servir une flamme odieuse ;

Et le tombeau de Phèdre, épouse incestueuse,

Dont le crime chassa le jour épouvanté ;

Et l’autel d’Ariane, amante délaissée,

Qui, sur un bord désert conduite par Thésée,

Ne se repentait pas de sa crédulité.

 

Cruel Idoménée ! impitoyable père !

On y voyait aussi ton palais sanguinaire.

Ce prince, à son retour, n’eut pas un meilleur sort

Que tant d’autres chargés des dépouilles de Troie ;

Tous les Grecs dont la mer n’avait point fait sa proie,

Ne purent sous leur toit échapper à la mort :

Vénus, à leurs moitiés inspirant sa colère,

Se vengea par la main qu’ils croyaient la plus chère.

 

Qui m’arrête, ai-je dit ? cette île est en horreur

A la divinité dont j’attends mon bonheur.

Je me hâtai de fuir : mais, battu par l’orage,

Mon vaisseau de Lesbos aborda le rivage.

C’est encore un séjour peu chéri de Vénus :

Elle ôte la pudeur au visage des femmes,

La faiblesse à leurs corps, et la crainte à leurs âmes.

J’y vis avec effroi les sexes méconnus.

Vénus, fais-les brûler de feux plus légitimes !

A la nature humaine épargne tant de crimes !

Lesbos est le pays de la tendre Sapho :

Les murs de Mytilène ont été son berceau.

Cette fille immortelle, ainsi que son génie,

Se consume sans fin d’une flamme ennemie :

A soi-même odieuse, et pleurant sa beauté,

Elle cherche toujours son sexe qu’elle abhorre.

Comment d’un feu si vain est-on si tourmenté ?

Ah ! l’amour, disait-elle, est plus terrible encore.

Plus cruel dans ses jeux, que l’amour irrité.

 

Je passai de Lesbos dans une île sauvage :

C’était Lemnos. Vénus n’y reçoit point de vœux :

On la rejette, on craint que son culte amoureux

Du farouche habitant n’énerve le courage.

Vénus punit souvent ce peuple audacieux ;

Mais il subit les maux sans expier l’outrage,

D’autant plus obstiné, qu’il est plus malheureux.

 

Loin de cette île impie, égaré sur les ondes,

Je cherchais un séjour favorisé des cieux,

Délos fixa longtemps mes courses vagabondes ;

Mais, soit que nous ayons quelques avis des dieux,

Soit qu’un instinct céleste éclaircisse à nos yeux

Du sort qui nous attend les ténèbres profondes,

Je me crus appelé vers des bords plus heureux.

 

Une nuit que j’étais dans ce repos paisible

Où l’esprit, par degrés, rendu comme impassible,

Semble se délivrer de ses liens secrets,

Il m’apparut en songe une jeune immortelle,

Moins belle que Vénus, mais brillante comme elle.

Un charme irrésistible animait tous ses traits :

Ce que j’aimais en eux, je n’aurais pu le dire ;

J’y trouvais ce qui pique, et non ce qu’on admire ;

Ils étaient ravissants, et n’étaient point parfaits ;

En anneaux ondoyants, sa blonde chevelure

Tombait sur son épaule et flottait au hasard :

Mais cette négligence était une parure ;

Mais elle avait cet air que donne la nature,

Cet air dont le secret n’est point connu de l’art.

Elle sourit : Tu vois la seconde des Grâces,

Dit-elle avec un ton qui passait jusqu’au cœur :

Vénus t’appelle à Gnide, et fera ton bonheur.

Elle fuit dans les airs : mes yeux suivent ses traces ;

Je me lève, enflammé de plaisir et d’espoir :

Comme une ombre légère elle était disparue ;

Et le transport divin que me causait sa vue

Bientôt cède au regret de ne la plus revoir.

 

Je respirai l’amour en arrivant à Gnide ;

Mais ce que je sentais, je ne puis l’exprimer :

Mon cœur se pénétrait d’une flamme rapide ;

Je n’aimais pas encor, mais je brûlais d’aimer.

Je m’avançai ; je vis des nymphes enfantines

Jouer innocemment dans les plaines voisines ;

Je me précipitai vers ces jeunes appas :

Insensé ! m’écriai-je, où s’égarent mes pas ?

Quel trouble me saisit ? d’où vient que je soupire ?

J’éprouve, sans aimer, l’ivresse de Vénus !

Mon cœur déjà poursuit des objets inconnus !

Tout à coup j’aperçus la charmante Thémire ;

Je ne regardai qu’elle, et j’expirais, je croi,

Si ses regards flatteurs n’étaient tombés sur moi.

Je courus à Vénus : Écoute ma prière,

Lui dis-je, et puisqu’ici tu dois me rendre heureux,

Ordonne que ce soit avec cette bergère !

Seule, elle peut remplir ta promesse et mes vœux.

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