DES GRANDS HOMMES DE FRANCE 13 .

Nous n’avons pas laissé d’avoir en France de ces hommes rares qui auraient été avoués des Romains.

La foi, la justice et la grandeur d’âme montèrent sur le trône avec Louis IX.

Tanneguy du Châtel abandonna les emplois dès que la voix publique s’éleva contre lui ; il quitta sa patrie sans se plaindre, pour lui épargner ses murmures.

Le chancelier Olivier introduisit la justice jusque dans le conseil des rois, et la politique plia devant elle.

La France n’a jamais eu de meilleur citoyen que Louis XII.

Le cardinal d’Ambroise trouva les intérêts du peuple dans ceux du roi, et les intérêts du roi dans ceux du peuple.

Charles VIII connut, dans la première jeunesse même, toutes les vanités de la jeunesse.

Le chancelier de l’Hôpital, tel que les lois, fut sage comme elles dans une cour qui n’était calmée que par les plus profondes dissimulations, ou agitée que par les passions les plus violentes.

On vit dans La Noue un grand citoyen au milieu des discordes civiles.

L’amiral de Coligny fut assassiné, n’ayant dans le cœur que la gloire de l’État ; et son sort fut tel, qu’après tant de rébellions il ne put être puni que par un grand crime.

Les Guises furent extrêmes dans le bien et dans le mal qu’ils firent à l’État. Heureuse la France, s’ils n’avaient pas senti couler dans leurs veines le sang de Charlemagne !

Il semble que l’âme de Miron, prévôt des marchands, fût celle de tout le peuple.

César aurait été comparé à M. le Prince 14 , s’il était venu après lui.

Henri IV... Je n’en dirai rien, je parle à des Français 15 .

Molé montra de l’héroïsme dans une condition qui ne s’appuie ordinairement que sur d’autres vertus.

Richelieu fit jouer à son monarque le second rang dans la monarchie et le premier dans l’Europe ; il avilit le roi, mais il illustra le règne 16 . »

Turenne n’avait point de vices ; et peut-être que, s’il en avait eu, il aurait porté certaines vertus plus loin. Sa vie est un hymne à la louange de l’humanité.

Le caractère de Montausier a quelque chose des anciens philosophes, et de cet excès de leur raison.

Le maréchal de Catinat a soutenu la victoire avec modestie, et la disgrâce avec majesté, grand encore après la perte de sa réputation même.

Vendôme n’a jamais eu rien à lui que sa gloire.

Fontenelle, autant au-dessus des autres hommes par son cœur, qu’au-dessus des hommes de lettres par son esprit 17 .

Louis XIV, ni pacifique, ni guerrier : il avait les formes de la justice, de la politique, de la dévotion, et l’air d’un grand roi. Doux avec ses domestiques, libéral avec ses courtisans, avide avec ses peuples, inquiet avec ses ennemis, despotique dans sa famille, roi dans sa cour, dur dans ses Conseils, enfant dans celui de conscience, dupe de tout ce qui joue le prince : les ministres, les femmes et les dévots ; toujours gouvernant, et toujours gouverné ; malheureux dans ses choix, aimant les sots, souffrant les talents, craignant l’esprit ; sérieux dans ses amours, et, dans son dernier attachement, faible à faire pitié ; aucune force d’esprit dans les succès ; de la sécurité dans les revers, du courage dans sa mort. Il aima la gloire et la religion, et on l’empêcha toute sa vie de connaitre ni l’une ni l’autre. Il n’aurait eu presque aucun de ces défauts, s’il avait été un peu mieux élevé, et s’il avait eu un peu plus d’esprit. Il avait l’âme plus grande que l’esprit. Mme de Maintenon abaissait sans cesse cette âme pour la mettre à son point.

Les plus méchants citoyens de France furent Richelieu et Louvois. J’en nommerais un troisième 18  ; mais épargnons-le dans sa disgrâce.

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