XXII. – C. Pline salue son cher Sempronius Rufus

Suppression des jeux publics à Vienne.

J’ai été appelé à donner mon avis dans l’instruction d’un procès, conduite par notre excellent prince. Un concours d’athlètes avait lieu tous les ans à Vienne, fondé par le testament d’un particulier quelconque ; or, Trebonius Rufinus, homme distingué et mon ami, s’avisa, pendant qu’il était duumvir, de le supprimer et de l’abolir. On soutenait qu’il n’avait pas ce pouvoir. Il plaida lui-même sa cause avec autant de succès que d’éloquence. Ce qui donnait du poids à son argumentation, c’est que dans une affaire personnelle il parlait en Romain, en bon citoyen, avec sagesse et dignité. Lorsqu’on recueillit les avis, Junius Mauricus, dont personne n’égale la fermeté et la franchise, déclara qu’on ne devait pas rendre le concours aux Viennois et il ajouta :

« Je voudrais qu’on pût l’interdire même à Rome . »

C’est, de l’énergie, direz-vous, et du courage. Sans doute. Mais de la part de Mauricus il n’y a là rien de nouveau. Déjà devant l’empereur Nerva, il s’était montré aussi hardi. Nerva dînait avec quelques amis : Veiento était tout près de lui et penché même sur sa poitrine. C’est tout dire, que de nommer le personnage. La conversation tomba sur Catullus Messalinus, qui privé de la vue avait joint à un naturel violent les défauts qui proviennent de la cécité. Il ne gardait plus ni respect, ni honte, ni pitié. Aussi était-il souvent entre les mains de Domitien comme un trait, qui frappe aveuglément et à l’improviste, et que cet empereur cruel dardait le plus souvent contre les meilleurs citoyens. Sa perversité et ses avis sanguinaires étaient pendant le repas le sujet de la conversation générale, quand l’empereur lui-même dit : « Que lui serait-il arrivé, à notre avis, s’il vivait encore ? » – « Il dînerait avec nous », répondit Mauricus.

Voilà une longue digression, faite sans déplaisir cependant. On décida la suppression du concours, qui avait corrompu les Viennois, comme le nôtre corrompt l’univers. Car les vices des Viennois restent enfermés chez eux, tandis que les nôtres se répandent au loin, et dans l’empire, comme dans le corps humain les maladies les plus graves sont celles qui de la tête se propagent dans tout l’organisme. Adieu.

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