Les deux villas.
Vous m’écrivez que vous bâtissez ; tant mieux ; voilà pour ma défense ; car je bâtis aussi, et désormais avec raison, puisque je suis en votre compagnie, car nous ne nous séparons pas même en ceci que vous, c’est au bord de la mer et moi, au bord du lac Larius . J’ai sur les rives de ce lac plusieurs villas, mais deux surtout font à la fois mes délices et mon tourment. L’une, perchée sur des rochers à la manière de Baïes, a vue sur le lac ; l’autre, à la manière de Baïes encore, borde le lac. Aussi ai-je l’habitude d’appeler la première « Tragédie », la seconde « comédie » ; car elles semblent porter l’une le cothurne, l’autre le brodequin. Chacune a ses agréments, et leur diversité même ajoute au charme de chacune d’elles pour leur possesseur. L’une jouit du lac de plus près, l’autre sur une plus large étendue ; celle-ci embrasse une seule baie par une courbe gracieuse ; celle-là en sépare deux de son haut promontoire ; ici, la promenade pour les litières s’étend en ligne droite par une longue allée qui borde le rivage ; là elle suit les douces sinuosités d’une large terrasse. L’une est hors de l’atteinte des flots, l’autre les brise ; de l’une on peut voir les pêcheurs en bas ; de l’autre on peut pêcher soi-même et jeter l’hameçon de sa chambre, presque de son lit de repos, comme d’une barque. Voilà mes raisons d’ajouter à chacune les avantages qui lui manquent en considération de ceux dont elle surabonde. Mais pourquoi vous donner mes motifs à vous, pour qui le meilleur motif sera que vous en faites autant ? Adieu.