VIII

Le chevalier d'Esparron était tombé percé de coups.

Mais aucune de ses blessures n'était mortelle et, confié à d'habiles chirurgiens, il fut en état, trois semaines après, de comparaître devant ses juges, en compagnie de Janine.

Ce fut un procès criminel qui passionna la ville et la cour.

Conrad, madame Edwige, la jeune Italienne, furent accusés de complicité ; car, on le pense bien, le margrave était mort.

Le marquis de la Roche-Maubert et le président Boisfleury se signalèrent par leur acharnement contre Janine et le chevalier.

Le marquis raconta ses tortures et sa captivité avec une éloquence sauvage ; il soutint que Janine était sorcière et vampire, qu'elle s'abreuvait de sang humain et qu'elle avait trouvé le moyen de vivre toujours.

Il se permit même un petit conseil à messieurs du Parlement.

– Il y a quarante années, dit-il, on avait pris toutes les précautions possibles pour que la sorcière ne pût échapper à son sort. Cependant on la brûla vainement, puisque vous l'avez devant vous.

« Mon avis serait donc qu'il faut la décapiter avant de la brûler, car le feu appartient à Satan, et Satan est l'ami de cette femme.

Le Parlement ne tint pas compte du conseil donné par le haineux vieillard.

Le chevalier d'Esparron ne daigna pas se défendre.

Il aimait Janine et il voulait partager son sort.

Le Parlement rendit un arrêt qui condamnait l'intendant Conrad et sa femme madame Edwige, à une réclusion perpétuelle dans une forteresse.

La jeune Italienne, les négrillons et le vieillard qui avait joué le rôle de muphti furent acquittés.

Le chevalier d'Esparron et Janine furent condamnés à être brûlés vifs.

Mais la veille de l'exécution, il se passa une chose étrange.

On ne retrouva plus madame Edwige et Conrad dans leur cachot.

Comment s'étaient-ils évadés ?

Voilà ce que nul ne put savoir.

Le lendemain, le chevalier et Janine furent conduits au supplice, pieds nus, en chemise et un cierge à la main.

Le ciel était chargé de gros nuages noirs que de fauves éclairs déchiraient de minute en minute.

Quand les condamnés furent liés au même poteau, le bourreau jeta une torche enflammée sous le bûcher.

La flamme pétilla, une fumée épaisse s'éleva et enveloppa les deux amants.

Mais soudain les nuages crevèrent, le feu du ciel tua le bourreau, dispersa la foule épouvantée, la pluie qui se mit à tomber à torrents éteignit le feu, et l'on prétendit que Satan s'était montré debout sur le bûcher une hache à la main et coupant les liens de Janine et du chevalier d'Esparron, qui descendirent tranquillement de leur échafaud et s'en allèrent, se tenant par la main, sans que ni les archers, ni les curieux, paralysés par la foudre, songeassent à leur barrer le passage.

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