II

Le voyageur qui part de Paris en automne par un train du matin, voit fuir rapidement, à droite et à gauche du convoi, cette belle nature des bords de la Seine qu’a chantée en vers de six pieds la sensible Mme Deshoulières. Bientôt les collines vertes, les prés bordés de peupliers, les villas coquettes bâties à mi-côte, et les villages blancs, sentinelles avancées qui semblent dire : « La grande ville est là, derrière l’horizon », tout cela s’évanouit.

Quand les clochers gris et la tour ruinée de la jolie ville d’Étampes ont disparu derrière lui, le voyageur sent son cœur se serrer.

Le désert est là !

Un désert de champs cultivés, un horizon désolé de terres fertiles, où tout a été sacrifié à la spéculation et au rapport.

C’est la Beauce !

La Beauce, sans un arbre, sans un pli de terrain, sans un ruisseau, sans une mare ; la Beauce, brûlante en été, glacée en hiver.

Pendant plus d’une heure, vous traversez cet océan de mottes de terre et de guérets dépouillés ; puis enfin une ligne noire borde l’horizon.

C’est la forêt d’Orléans.

Mais vous n’avez pas le temps de respirer et de prendre courage, car, après la forêt, c’est la ville.

Une ville triste, déserte, abandonnée, peuplée de vieux hôtels où l’herbe pave les cours. Une Thébaïde de toits et de rues comme la Beauce est une solitude de champs et de fermes.

Heureusement, bientôt votre cœur se dilatera.

Le convoi a passé, rapide, sur la Loire ; il sort du val, il arrive en Sologne.

Alors, point n’est besoin d’être artiste ou poète pour admirer ce mélancolique pays. La Sologne est un vaste territoire d’une adorable et charmante tristesse.

Il est couvert de grands bois, coupé de petits cours d’eau, constellé d’étangs, et çà et là, au travers de futaies de sapins, le soleil couchant arrache des myriades d’étincelles aux vitres flamboyantes d’un vieux château bâti en briques rouges.

C’est dans ce pays que va se dérouler notre histoire.

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