CHAPITRE XI

Clappier entra avec la brutalité d’une bête fauve blessée à mort.

Le Chambrion était seul devant le feu et fumait tranquillement sa pipe.

Clappier referma vivement la porte sur lui.

– Bonsoir, dit-il.

– Bonsoir, monsieur Clappier, répondit François avec flegme.

– Es-tu seul ? demanda le marchand de biens, promenant un regard louche autour de lui.

– Comme vous voyez.

Clappier s’enhardit :

– Tu ne t’attendais pas à ma visite aussi tard, n’est-ce pas ? dit-il.

– Il est de fait, répondit le Chambrion, que vous ne venez pas me voir souvent.

– Je viens quand j’ai affaire.

– Ah ! dit le Chambrion avec calme, vous avez affaire à moi ?

– Peut-être bien… oui et non…

– Ce n’est pas répondre, ça, monsieur Clappier.

Clappier haussa les épaules.

– Je vois bien que tu m’attendais, dit-il.

– C’est encore possible.

Dès lors, pour Clappier, une chose fut avérée, c’est que, pour nous servir d’une expression du peuple parisien, le Chambrion voulait le faire chanter.

Et il se tint sur la défensive.

Mais le Chambrion ne paraissait nullement pressé de commencer l’entretien.

– Ainsi, tu m’attendais ? reprit Clappier.

– N’avons-nous pas un vieux compte à régler ?

– Ah ! tu crois ?

– Vous avez, continua le Chambrion, une hypothèque de quarante-cinq louis d’or, c’est-à-dire neuf cents francs, sur cette maison.

– Mais non, dit Clappier, ton père m’a payé.

– Cependant, observa François Véru, l’hypothèque existe toujours…

– C’est un oubli de ma part, je la ferai rayer.

Le Chambrion se prit à ricaner.

– Vous aurez tort, dit-il.

– Et pourquoi ? fit le marchand de biens.

– Parce que mon père n’a pu vous payer.

– Mais… je l’affirme…

– Avec quoi donc vous aurait-il payé ?

– Avec quoi… avec quoi ?… balbutia Clappier. Eh bien ! avec ses économies.

Le Chambrion riait toujours.

– Vous êtes bien bon de vous servir de ce mot-là, dit-il. Savez-vous bien, monsieur Clappier, que j’avais dix ans quand mon père est mort ?

– Eh bien ?

– Àcet âge, reprit le Chambrion, on commence à raisonner… on se rend compte… on se souvient…

– Et de quoi te rends-tu compte ? demanda Clappier.

– De la gêne où était mon père quand il est mort.

– Et… de quoi… te souviens-tu ?

– Que vous êtes venu ici… une nuit…

Clappier fit un brusque mouvement.

– La nuit où M. et Mme de Méreuil sont morts… si mystérieusement, continua le Chambrion.

– Je ne me rappelle pas si c’est cette nuit-là, dit brusquement Clappier.

– Alors, c’est que vous manquez de mémoire.

– C’est permis à mon âge, dit Clappier. Mais enfin, quel rapport y a-t-il entre ma visite ici…

– Vous le savez aussi bien que moi, interrompit le Chambrion.

– Moi ! Oh ! par exemple !

François Véru regarda froidement le père Clappier.

– Alors, dit-il, pourquoi êtes-vous venu ici ?

Clappier essuya quelques gouttes de sueur qui perlaient à son front.

– Jouons cartes sur table, dit-il.

– Je le veux bien, répondit François Véru.

Clappier reprit :

– Tu as parlé à la demoiselle ?

– Oui, répondit le Chambrion.

– Que lui as-tu dit ?

– Que mon père avait assassiné le sien.

Clappier recula à ce mot ; mais François Véru lui dit avec ironie :

– Ce n’est pas la peine de vous étonner pour cela, puisque vous lui aviez donné quittance à la seule fin qu’il commît le crime.

– Et, reprit Clappier, tu as osé dire à la demoiselle…

– J’ai dit, fit le Chambrion, que je connaissais l’homme qui avait conseillé l’assassinat.

– Mais tu ne l’as pas nommé, au moins ! s’écria le marchand de biens.

– Ah ! voilà ce que vous voudriez bien savoir, n’est-ce pas ? ricana le Chambrion. Mais, il faut nous entendre avant…

– C’est-à-dire que tu veux de l’argent !

– Dame ! n’avez-vous pas dit vous-même : « Jouons cartes sur table ? »

– C’est vrai, soupira Clappier. Combien veux-tu ?

– Oh ! ça vaut cher, continua François Véru, car, si je ne dis rien, vous serez M. Clappier comme devant.

– Et si tu parlais, qu’arriverait-il ?

– La justice mettrait le nez dans vos affaires.

– Peuh ! fit Clappier, essayant de reprendre quelque assurance, il faut des preuves pour ça.

– J’ai vu… J’ai entendu…

– Ce n’est pas assez !

– Bah ! fit le Chambrion.

– Tu n’avais que dix ans, reprit Clappier. Tu as rêvé… on ne te croira pas.

– Alors, répliqua tranquillement le Chambrion, s’il en est ainsi, pourquoi êtes-vous venu ?

– Pourquoi ? balbutia Clappier, mais parce que j’aime mieux un mauvais arrangement qu’un bon procès.

– Soit, dit le Chambrion, arrangeons-nous.

Clappier reprit :

– Je te mettrai à l’abri du besoin. Tu t’en iras à Paris… et on n’entendra plus parler de toi ici…

Le Chambrion répondit :

– Ah ! vous voulez que je quitte le pays ?

– Oui, j’aime mieux ça.

– Eh bien, que me donnerez-vous ?

Clappier enfla ses joues, et ses yeux s’arrondirent.

– Veux-tu dix mille francs ? dit-il. C’est un joli denier, hein, pour un homme comme toi ? Avec ça, tu pourras entreprendre un petit commerce.

Le Chambrion regarda le vieillard d’un air narquois.

– Je crois que vous voulez rire, dit-il ; mon silence ne serait pas payé cher, convenez-en.

– Allons ! allons ! dit Clappier, qui prit un air de rondeur ; je suis un bon homme au fond, et je sais faire un sacrifice. J’en mets quinze et nous n’en parlerons plus… Tiens ! j’ai justement sur moi un carnet de la banque d’Orléans… Je te donne un bon… tu t’en vas à Salbris, tu prends le convoi qui passe à une heure du matin, et tu files…

Et comme le Chambrion ne bougeait pas :

– Voyons, ça y est-il ? fit Clappier, anxieux.

Mais alors, le Chambrion reprit son attitude indifférente et narquoise :

– Dites donc, monsieur Clappier, fit-il, est-ce que la demoiselle, elle aussi, ne vous a pas demandé de l’argent ?

Clappier tressaillit.

– Ah ! tu sais cela ?

– Oui, fit le Chambrion d’un signe de tête.

– Et comment le sais-tu ?

– J’étais aux Sapinières, ce matin, quand vous y êtes venu ; et, caché dans une pièce voisine…

– Tu as tout entendu, n’est-ce pas ?

– Tout.

« Ah ! pensa Clappier avec rage, il me tient ! »

Le Chambrion continua :

– La demoiselle vous a demandé deux cent mille francs.

– Elle est folle ! dit dédaigneusement Clappier.

– Les deux cent mille francs volés…, continua le Chambrion.

– Tu mens ! ce n’est pas vrai !…

– Alors, dit tranquillement François Véru, pourquoi m’offrez-vous de l’argent, à moi ?

Clappier n’eut pas le temps de répondre, car on frappa rudement à la porte.

– Qui est là ? demanda le Chambrion.

– Eh ! c’est moi, répondit une voix au-dehors ; moi, Hector, qui ai fait buisson creux tout le jour, et qui ne veux pas m’en revenir bredouille.

– N’ouvrez pas ! dit Clappier tout bas.

– Mais, au contraire, répondit le Chambrion. Soyez tranquille, votre fils ne saura que ce que nous voudrons qu’il sache.

Et François Véru ouvrit. Hector entra et aperçut son père.

– Tiens ! dit-il, papa est ici !

– Oui, dit Clappier d’un ton maussade, et je suis en affaire… laisse-nous.

– Ah ! mais non, dit Hector, l’occasion est trop belle pour avoir une explication… et je veux en profiter…

– Une explication… sur quoi ? fit le marchand de biens avec hauteur.

– Sur la demoiselle… sur les deux cent mille francs… et sur tous vos tripotages.

– Plus tard… plus tard !

– Non, tout de suite, insista Hector.

– Je n’ai pas de comptes à te rendre ! exclama Clappier avec colère.

– C’est ce qui vous trompe, répliqua Hector. Je suis votre fils, et je porte votre nom…

Le vieux Clappier eut un rugissement de fureur.

– Je crois que tu me menaces ! dit-il.

Le Chambrion vint à son aide ; il dit à Hector :

– J’ai à causer avec votre père… mais puisque vous êtes ici, je vais vous dire un mot.

– Àmoi ? fit Hector.

– Oui.

– Mais, s’écria Clappier, tu n’as rien à démêler avec mon fils.

– Si fait bien, répondit tranquillement le Chambrion, je le veux faire millionnaire…

Àces mots, Hector Clappier eut comme un éblouissement, et le père Clappier se demanda si le Chambrion n’était pas subitement devenu fou.

Mais ni l’attitude ébouriffée d’Hector à l’oreille de qui le mot de millionnaire venait de retentir comme un coup de trompette auprès d’un vieux cheval de régiment depuis longtemps condamné à la charrue, ni la stupéfaction du père Clappier n’émurent le Chambrion, et continuant à s’adresser à Hector :

– Est-ce que vous connaissez un proverbe qui dit « qu’à cheval donné, on n’examine pas la bride » ?

– Certainement, je le connais, répondit Hector, et c’est un vrai proverbe, celui-là.

– Eh bien, reprit le Chambrion, est-ce que pas plus tard qu’hier, pour vous marier avec la demoiselle, votre père ne vous demandait pas une commission ?

Hector eut un rire insolent :

– Tu sais bien que mon père demande toujours.

– Soit, dit François Véru, mais enfin, vous l’eussiez donnée, vous.

– Pardieu !

« Ah çà ! pensait le père Clappier qui s’était mis à marcher à grands pas, et donnait les signes de la plus vive inquiétude, que va-t-il donc lui dire ? »

Le Chambrion reprit :

– Alors, si je donnais une fortune, moi…

– Comment ! exclama Hector, tu me marierais avec la demoiselle !

– Non, monsieur Hector, non, dit le Chambrion, la demoiselle n’est pas pour vous… mais je vous offre une fortune.

– Mais où la prendras-tu ?

– C’est mon affaire.

– Tu m’offres une fortune, toi ?

– Oui, moi.

– Mais où la prendras-tu ?

– Il est fou ! grommela le père Clappier qui se reprit à arpenter le sol de la maison.

Le Chambrion continua :

– Je vous donne une fortune, mais je veux dix du cent.

Cette fois, l’incrédulité s’empara d’Hector.

– Pourquoi donc te gausses-tu de moi, François ? dit-il. Je ne suis pourtant pas d’humeur à rire aujourd’hui.

– Bah ! répondit le Chambrion, vous n’êtes pas bien triste non plus, puisque vous veniez pour tuer un chevreuil. Mais, croyez-le bien, monsieur Hector, je ne ris pas. Voyons, donnez-vous dix du cent ? Je veux cent mille francs si c’est un million, deux cent mille francs si c’est deux millions.

– Mais enfin, dit Hector, que l’air sérieux du Chambrion stupéfiait, où prendras-tu cet argent ?

– Oui, dit aussi le père Clappier qui s’arrêta de nouveau, où le prendras-tu ?

– Que vous importe ! Répondez oui ou non.

– Oui, parbleu, dit Hector. Je ne risque pas grand-chose.

– Alors, reprit le Chambrion, il faut me le signer.

– Comment donc ça ?

François Véru prit le jeune homme par le bras, et, à la stupéfaction croissante du père Clappier, il l’amena devant la table où, tout à l’heure, il avait écrit la lettre que le Brocard avait emportée.

– Tenez, dit-il, voilà une plume et du papier ; écrivez-moi ceci : « Le jour où je serai mis en possession d’une fortune d’au moins deux millions, je payerai à François Véru, dit Chambrion… »

Hector hésitait encore à prendre la plume ; quant au père Clappier, il s’était laissé tomber abasourdi sur un escabeau.

– Mais écrivez donc, monsieur Hector, insista le Chambrion d’une voix qui domina tout à coup le jeune homme.

Et Hector écrivit.

– Ils sont fous tous deux, murmurait Clappier qui croyait rêver.

Le Chambrion prit la reconnaissance d’Hector, la plia et la mit dans sa poche.

– Et maintenant, dit-il, puisque vous avez tant envie de tuer un chevreuil à l’affût, descendez à la mare aux Chevrettes… Postez-vous derrière le gros hêtre, près du buisson… et attendez !

– Ma foi ! dit Hector, que les promesses du Chambrion avaient grisé, ce n’est plus guère le moment d’aller à l’affût.

– Au contraire, répondit François, c’est le moment où les chevreuils viennent boire.

– Eh bien, laissons-les tranquilles… Tu me parles de millions, et tu veux…

– Je veux, dit froidement le Chambrion, rester seul avec votre père et m’occuper de vous avec lui.

Le père Clappier fit un soubresaut et dit brusquement et presque avec effroi :

– Ses affaires ne me regardent pas !

– On ne sait pas, murmura François Véru. Allez-vous-en, monsieur Hector ; je vous appellerai quand j’en aurai fini avec M. Clappier.

Hector, un peu ahuri, reprit son fusil qu’il avait tout à l’heure déposé au coin de la cheminée.

– C’est bon, dit-il, je m’en vais ; mais tu m’appelleras.

– Oui, je vous le promets.

Hector se dirigea vers la porte, puis, comme il en franchissait le seuil, il murmura :

– Jusqu’à présent, on avait dit que le bien venait en dormant… faut croire qu’il vient aussi en chassant.

Et il prit le chemin de la mare aux Chevrettes.

La lune venait de se lever, resplendissait sur la vapeur blanche de l’étang, passait au travers des arbres de la forêt et projetait sur tous les objets sa lumière un peu fantastique. Hector Clappier n’était ni poète, ni rêveur ; il ne croyait pas aux revenants et n’avait jamais interrogé les tables tournantes. Néanmoins, ce que venait de lui dire le Chambrion était si extraordinaire, qu’il se demanda s’il n’était pas le jouet de quelque rêve et ne se trouvait point dans son lit, à la Meunerie, en proie à un cauchemar.

Le clair de lune qui, de loin, faisait ressembler les bouleaux à de blancs fantômes, acheva de compléter son illusion. Les feuilles d’automne craquaient lugubrement sous les pieds. Il lui sembla qu’il y avait dans l’air de vagues murmures.

Cependant, s’étant arrêté brusquement à mi-chemin de la pente qui descendait à la mare aux Chevrettes, il se retourna et vit au-dessus de lui briller la lumière de la maison du Chambrion.

– Suis-je bête ! dit-il ; je ne dors pas, je suis bien éveillé… Mais c’est singulier comme la perspective d’être millionnaire me fait de l’effet.

Il continua sa route et retomba dans sa rêverie.

« Mais où diable prendrait-il de l’argent pour m’en donner ? », se demanda-t-il comme il arrivait près du buisson que le Chambrion lui avait indiqué comme poste d’affût.

Il se blottit dans le buisson, assis sur un tronc d’arbre coupé, posa son fusil tout armé entre ses jambes, après avoir collé un morceau de papier blanc au bout du canon, et les yeux fixés sur le bord opposé de l’étang qu’il avait contourné à demi, du reste, il attendit…

La nuit était calme, la lune brillait toujours sur l’eau dormante de la mare aux Chevrettes, et après avoir regardé au bord, c’est-à-dire sur la bande d’herbe qui l’entourait, Hector se laissa fasciner par ce rayonnement de l’eau et retomba de nouveau dans sa rêverie.

Àdemi endormi, à demi éveillé, plongé en une torpeur singulière, le chasseur crut entendre un cliquetis de pièces d’or.

C’était le rêve de fortune qui commençait.

Ce rêve prit des proportions étranges.

Hector se vit au milieu de terres immenses bordées de grands bois.

Il était à cheval, il galopait, galopait, et à mesure les bois s’éloignaient et les champs s’agrandissaient devant lui.

En même temps, un nain difforme, perché sur l’arçon de sa selle, lui disait :

– Tout cela est à toi !

Et les champs succédaient aux champs, et au milieu se dressaient des fermes et des maisons. Et le nain difforme répétait toujours :

– Tout cela est à toi !

Enfin, le cheval s’arrêta à la lisière des grands bois. Alors, le nain poussa le cavalier, qui tomba rudement à terre.

Hector rouvrit les yeux.

– Bon ! dit-il, voilà que je me suis endormi.

Et il revint au sentiment de la réalité, oublia un peu les millions promis et songea aux chevreuils qui ne pouvaient tarder à venir boire.

Mais le reflet de la lune exerça de nouveau son rayonnement, et la fraîcheur de la nuit engourdit peu à peu le chasseur. L’hallucination le reprit ; et, chose bizarre, il se retrouva au point où il l’avait laissée, ni plus ni moins qu’on retrouve le lendemain la page cornée d’un roman interrompu.

Il était à terre à la lisière du bois. Le cheval qui galopait si rapidement tout à l’heure avait disparu…

Mais le nain difforme était toujours auprès d’Hector.

– Viens ! lui disait-il en le prenant par la main.

– Où me conduis-tu ?

– Àta demeure.

– Et où est-elle, ma demeure ?

– Tu verras… tu verras.

Et le nain se prit à ricaner, et Hector se sentit entraîné par lui, et il se mit à courir avec une fantastique vitesse.

Le bois devenait plus épais et plus sombre à mesure qu’il avançait.

Enfin une maison carrée, aux fenêtres étroites et grillées, aux murs noircis, à l’aspect d’une désolante tristesse, lui apparut au milieu d’une clairière.

– C’est là ! ricana le nain.

Une porte s’ouvrit, et Hector entra.

Àson tour, le nain disparut.

Alors, Hector Clappier se trouva dans un large préau, au milieu duquel défilait une procession.

C’était une procession de moines, en habit blanc, qui psalmodiaient des chants d’église.

La procession passa auprès de lui, et chaque moine regarda Hector avec compassion.

Enfin, quand le dernier lui eut fait de la main un petit signe amical et triste, le fils Clappier se sentit entraîné par une force irrésistible, et il suivit la procession.

Les moines firent le tour du préau, puis ils entrèrent dans la chapelle du couvent, et chacun d’eux gagna une stalle qui paraissait lui être réservée.

Hector fut tout étonné de voir une de ces stalles qui portait son nom.

Il y entra et s’agenouilla.

Les moines célébrèrent l’office ; puis ils quittèrent la chapelle et gagnèrent leurs cellules.

Hector les suivait toujours.

Les cellules donnaient sur un étroit et long corridor ; chaque porte était surmontée d’un écriteau. Cet écriteau portait un nom.

Le fils Clappier lut :

Père Hector

Et, la force mystérieuse et irrésistible le poussant toujours, il entra dans la cellule.

Là, il vit du pain noir, une cruche pleine d’eau et une discipline qui pendait au mur.

Alors, le nain reparut, et son rire moqueur retentit.

– Voilà ta demeure, dit l’être difforme, la voilà !…

Hector jeta un cri et s’éveilla de nouveau.

La lune brillait toujours ; la nuit était froide et silencieuse.

– Que c’est bête de dormir ainsi ! murmura-t-il. Je gage que les chevreuils sont venus boire.

Comme il prononçait ces mots à mi-voix, un bruit se fit de l’autre côté de l’étang.

Un bruit de course rapide et de feuilles froissées, puis une forme noire apparut, bondissant par soubresauts à travers les broussailles…

« Voilà le chevreuil ! », pensa Hector, qui s’éveilla tout à fait.

Et il mit à l’épaule la crosse de son fusil et ajusta…

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