L

La journée s’écoula. Après le repas des prisonniers et comme neuf heures sonnaient, un roulement de tambours se fit entendre. C’était le signal de la nuit. Au dernier coup de baguette, chaque prisonnier devait quitter le préau et les corridors et regagner sa cellule, où il serait enfermé et seul jusqu’au lendemain.

À ce moment, Aurore vit le père Safran venir à elle.

– Adieu, mademoiselle, lui dit-il.

– Au revoir, répondit-elle.

– Au revoir, peut-être, mais… pas ici…

Et il cligna mystérieusement de l’œil.

– Que voulez-vous dire ?

– Que si nous devons nous retrouver jamais, ce ne sera pas dans cette prison, répéta-t-il.

Et il s’éloigna rapidement, laissant Aurore stupéfaite. La jeune fille reprit le chemin de la cellule qu’elle avait occupée la veille. Le guichetier barbu qui lui avait parlé d’un ton ému était sur le seuil de la porte.

– Est-ce que vous vous trouvez bien ici, citoyenne ? demanda-t-il.

Aurore tressaillit et se souvint de la recommandation du bonhomme Safran.

– Peut-être la chambre est-elle bien petite, et mal aérée, poursuivit le guichetier.

– Elle est un peu sombre, dit Aurore.

– Eh bien ! venez avec moi, je vais vous en donner une autre.

Et, sans attendre la réponse d’Aurore, il fit quelques pas dans le corridor.

Aurore le suivit. Vers le milieu, il ouvrit une porte.

– Tenez, dit-il, vous serez beaucoup mieux là.

À vrai dire, cette chambre, qui portait le numéro 77, n’était ni plus spacieuse, ni plus éclairée que celle où Aurore avait passé la nuit précédente.

Il lui suffît d’un coup d’œil pour s’en convaincre, et si elle eût encore hésité à croire aux promesses du bonhomme Safran, ce rapide examen eût levé tous ses doutes.

– Cette cellule est donc libre ? demanda-t-elle.

– Depuis ce matin.

– Ah !

– C’était un pauvre homme qu’on a guillotiné ce matin qui l’occupait. Il pleurait joliment en s’en allant.

– Pauvre homme ! murmura Aurore qui sentait ses yeux s’emplir de larmes.

Et elle entra.

– Par exemple, dit le guichetier au moment de se retirer, vous entendrez peut-être un peu de bruit cette nuit, mais il ne faut pas vous en préoccuper.

Et il salua Aurore et ferma la porte. La pauvre fille se jeta sur son lit et fondit en larmes. L’incertitude où elle était maintenant était plus cruelle que la perspective assurée de la mort. Une partie de la nuit s’écoula.

Peu à peu tous les bruits de la prison s’étaient éteints et le silence s’était fait. Aurore ne pleurait plus, et, la fatigue aidant, ses yeux commençaient à se fermer, lorsqu’elle tressaillit tout à coup et se dressa vivement sur son lit. Il lui semblait, que le sol tremblait et qu’un bruit sourd, semblable à celui d’une bûche ou d’un pic creusant la terre, retentissait au-dessous d’elle à une grande profondeur. Étaient-ce donc les libérateurs qu’on lui avait annoncés ?…

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