Le lendemain, vers deux heures de l’après-midi, le bourricaud et la tapissière apparurent dans l’éloignement.
Mme Coclès courut au-devant de son mari.
Celui-ci avait le visage calme et l’air souriant d’un homme qui a sa conscience en repos. Il avait sa tapissière pleine de légumes, car à cette époque les habitants de la banlieue de Paris allaient s’approvisionner aux halles.
– Eh bien ! lui demanda anxieusement la bonne femme.
– Tout va bien, répondit-il.
Puis, après un silence et comme son mari conduisait l’âne sous le hangar :
– J’ai eu une jolie peur qu’il ne nous vint des chalands toute la journée.
– Pourquoi donc ça ?
– Il aurait fallu descendre à la cave.
– Ah ! oui, dit Coclès, je comprends. Tu n’as rien entendu après mon départ ?
– Rien.
– Il se sera tué sur le coup ; mais il faut le faire disparaître, et le plus tôt sera le meilleur.
– Eh bien ! vas-y, dit Mme Coclès, je me charge de débarrasser l’âne de son harnais.
– Non, il faut que tu viennes avec moi pour m’éclairer.
Tous deux descendirent l’un après l’autre l’échelle de meunier qui conduisait à la cave. Cette cave était divisée en deux compartiments, mais la porte qui les séparait était ouverte. C’était dans le second caveau que donnait l’oubliette. C’était là qu’on devait trouver Polyte la tête et les membres brisés.
Coclès eut bien, lui aussi, un moment d’hésitation.
Mais il se donna du courage et entra, projetant en avant la réverbération de sa lanterne.
Soudain il jeta un cri.
Un cri terrible, plein d’étonnement et d’angoisse.
Le caveau était vide.
Un jour de souffrance pratiqué dans la voûte et grillé de deux barreaux de fer portait les traces de l’évasion de Polyte.
Polyte n’était pas mort, Polyte s’était sauvé en arrachant les barreaux de fer.
Et Coclès épouvanté s’écria :
– Femme ! femme ! il ne fait plus bon pour nous ici, il faut fuir… et fuir au plus vite !…