LIII

Au lieu d’ouvrir la lettre qu’il venait de recevoir, Rocambole la mit dans sa poche.

– Je sais ce que c’est, dit-il.

Puis il prétexta le besoin de monter chez lui pour s’habiller, car six heures allaient sonner, et il quitta le vicomte.

Le cœur de Rocambole battait très fort, lorsqu’il gravit l’escalier, et ce fut avec une précipitation fiévreuse qu’il gagna sa chambre à coucher et s’y enferma. Alors seulement il rompit le cachet de cette lettre dont le seul aspect l’avait troublé si fortement. Cette lettre venait d’Espagne, et, on le devine, elle était de Conception. Elle n’avait pas moins de huit pages, était datée de Sallandrera et commençait par ces mots :

« Mon ami, »

– Hé ! hé ! pensa Rocambole, il y a progrès. Dans sa dernière, elle m’appelait Monsieur.

Et il lut :

« Mon ami, je suis à deux cents lieues de Paris, à l’heure où je vous écris, sous le toit et dans les vieux murs de ce château de Sallandrera.

« Il est tard, minuit peut-être. Je suis seule dans une vaste et froide pièce aux tentures sombres, aux portraits de famille noircis et poudreux, une pièce qui s’appelle aujourd’hui le salon et qui se nommait jadis la salle d’armes.

« La bougie qui m’éclaire ne parvient point à dissiper les ténèbres des angles de la salle et de l’embrasure des croisées qui, du reste, sont ouvertes et par lesquelles j’aperçois le ciel espagnol d’un blanc sombre tout constellé d’étoiles et dans lequel pas un souffle de vent ne passe. Un silence profond règne autour de moi, tout le monde dort à Sallandrera, même mon pauvre cher père, qui avait perdu le sommeil, dans les premiers jours qui ont suivi la mort de don José.

« Ma mère s’est retirée de bonne heure, et je suis restée seule ici, un livre à la main. Mais ce livre, vous le devinez, était un prétexte ; je voulais, j’avais besoin de vous écrire, à vous qui seul connaissez mes douleurs, mes angoisses… peut-être mes remords…

« Oui, laissez-moi écrire ce mot. Si coupable, si infâme que fût don José, avions-nous bien le droit de le tuer ?

« Tenez, mon ami, j’ai eu tout à l’heure une étrange et terrible hallucination. Cette salle où je suis, c’est celle où il y a tout à l’heure cinquante ans, don Paëz, alors un enfant de treize ans, surprit don Pedro d’Alvar, l’époux de sa mère, à l’heure où ce dernier venait d’arrêter, de stipuler les bases et le prix de sa trahison. C’est ici qu’il le condamna, c’est là à deux pas, sur cette plate-forme, où tout à l’heure je me promenais, qu’il l’a précipité dans l’éternité. Eh bien ! comme mon père et ma mère venaient de se retirer, au moment où je me suis trouvée seule ici, il m’a semblé qu’un bruit se faisait derrière moi, que des pas légers, que des pas de fantômes glissaient sur le parquet, et que ces pas étaient ceux de don Pedro d’Alvar, de don Ramon d’Alvar son fils, de don José d’Alvar son petit-fils, ces trois hommes tués par les Sallandrera, et qui sortaient de leurs tombes pour venir, les deux premiers accuser mon père, le second m’accuser moi-même.

« J’ai cru entendre, j’ai sûrement entendu ces pas… et la terreur m’a saisie, et j’ai caché ma tête dans mes deux mains et suis demeurée immobile et tremblante pendant plusieurs minutes.

« Heureusement un domestique est entré ; il est venu m’apporter je ne sais quoi, et le pas du vivant a fait taire le pas des morts.

« Alors j’ai pris la plume et je vous écris autant pour cacher, pour distraire mes terreurs, que pour vous raconter ce qui s’est passé depuis notre départ de Paris.

« Nous sommes partis, vous le savez, mon père, ma mère et moi, dans une chaise de poste qui en accompagnait une autre.

« Dans celle-là se trouvait le cercueil de don José et auprès du cercueil se tenaient deux prêtres espagnols qui n’ont cessé de prier et de réciter les vêpres des morts durant le trajet.

« Ce trajet a duré six jours, de Paris à Cadix. Pendant les trois premiers, ma mère seule a été forte – mon père paraissait anéanti. Cela faisait mal et serrait horriblement le cœur de voir cet homme que vous avez connu naguère si vert encore et portant haut la tête, descendre de voiture à chaque relais avec la débilité d’un vieillard, s’approcher, le front courbé, du char funèbre et attacher un long et muet regard sur cette bière qui, pour lui, enfermait les cendres de celui qu’il avait considéré comme un héritier. Pendant six jours, le duc ne nous a pas dit un seul mot, il n’a pas ouvert la bouche, il a fait tout ce que nous avons voulu. Arrivé à Cadix, il a voulu descendre dans le caveau funèbre où reposait la dépouille mortelle de don Pedro. Il s’est agenouillé devant le cercueil, il a prié longtemps, sombre, farouche, puis il s’est levé sans avoir versé une larme. Sa douleur avait un caractère effrayant.

« Il y a eu une grande cérémonie funèbre pour la descente des restes de don José dans le caveau, une cérémonie à laquelle tout le clergé et la moitié de la population de Cadix, dont mon père a été gouverneur jadis, assistaient.

« Il paraît que lorsque le duc a vu les deux cercueils rangés côte à côte, il a failli s’évanouir de nouveau et a murmuré :

« – Oh ! je donnerais ma fortune entière et ce qu’il me reste de tristes jours à vivre pour trouver un homme qui eût dans les veines une goutte du sang des Sallandrera !… »

Rocambole, à cette phrase de la lettre de Conception, interrompit sa lecture.

– Diable ! murmura-t-il, si le duc apprend jamais la vraie généalogie des Château-Mailly, je suis un prétendant flambé.

Et il continua à lire :

« Les funérailles accomplies, nous avons quitté Cadix le même soir, traversé l’Espagne et Madrid sans nous arrêter, et nous sommes arrivés ici, à Sallandrera, hier soir.

« Depuis hier, mon père est mieux au moral ; il nous a dit quelques mots affectueux, à ma mère et à moi.

« Après le souper – un repas funèbre, mon ami – pendant lequel on n’a pas échangé trois phrases, il m’a enveloppé d’un regard triste et doux.

« – Pauvre enfant ! m’a-t-il dit.

« Je me suis levée et me suis jetée dans ses bras.

« – Il faudra pourtant, a-t-il ajouté, que nous te cherchions un époux, maintenant que te voilà veuve de tes deux fiancés.

« Et comme ma mère et moi nous baissions tristement la tête et n’osions répondre, il a murmuré :

« – Ah ! j’ai peut-être eu tort de repousser avec une sorte de hauteur le jeune duc de Château-Mailly ; il porte un beau nom, il a une grande fortune et il t’aimait.

« Ce nom m’a fait pâlir… Car il faut que je vous dise que M. le duc de Château-Mailly, que vous connaissez peut-être, que vous devez avoir rencontré dans le monde, a demandé ma main l’année dernière ; je crois même qu’il s’était épris de moi.

« Hélas ! j’aimais don Pedro… don Pedro mourant, condamné… don Pedro que je ne devais plus revoir et à qui je voulais garder la fidélité de mon cœur ! Le duc a été refusé. Je crois même que mon père s’est montré fort dur pour lui.

« Eh bien ! hier, ce nom du duc de Château-Mailly tombant des lèvres de mon père, m’a donné un horrible battement de cœur, et depuis ce moment j’ai peur… j’ai peur que le duc ne m’aime encore… j’ai peur que la mort de don José n’ait déjà fait renaître en lui des espérances ; j’ai peur enfin qu’il revienne à la charge.

« Et alors, oh ! mon Dieu, alors… »

– Hé ! hé ! s’interrompit Rocambole, mais voici que l’écriture est joliment tremblée… Dieu me pardonne, voici la trace d’une grosse larme… Allons, elle m’aime !…

Et Rocambole continua sa lecture.

« Car vous sentez bien, mon ami [poursuivait Conception], que ces paroles de mon père étaient un regret, et que si le duc revient à la charge, s’il redemande ma main, je ne sais, en vérité, comment j’aurai le courage de résister à la volonté de celui que tant de douleurs ont déjà frappé.

« Et pourtant, mon Dieu ! pourtant vous m’avez sauvée… Pourtant… je… »

Rocambole vit un mot raturé et rendu illisible. Dans un accès de fièvre, Conception avait sans doute écrit : « Je vous aime » et puis toutes les pudeurs de la jeune fille et la fierté de sa noble race s’étaient révoltées. Elle avait effacé ce mot.

« Ce matin [poursuivait Conception], mon père a manifesté le désir de fuir cette Espagne qui n’enferme plus pour lui que des tombes, ce château de Sallandrera, dont la salle des portraits de famille n’a plus qu’un cadre vide à remplir. Il a parlé de retourner à Paris.

« Oh ! mon pauvre cœur a battu bien fort lorsque ma mère m’a annoncé que nous partirions bientôt, et puis j’ai songé à M. de Château-Mailly, et j’ai eu le frisson. Et quand je me suis trouvée seule, je me suis mise à genoux et j’ai prié Dieu, le suppliant de permettre que le duc m’eût oubliée.

« À moins que mon père ne change d’avis nous serons à Paris dans dix jours. Oh ! venez vite, venez le premier, avant le duc. Qui sait ? Dieu est si bon et je l’ai tant prié…

« À vous, à bientôt…

« CONCEPTION. »

– Diable ! murmura Rocambole lorsqu’il eut terminé la lecture de cette lettre, dans laquelle la pauvre señorita avait, malgré elle, laissé parler son cœur et mis toute son âme, dix jours, c’est bien court… Aurais-je jamais le temps de me débarrasser de cette charmante Baccarat qui va me démolir mon château en Espagne, tout juste au moment où je lui ajoute un beffroi et des tourelles ? Allons consulter la vieille sorbonne de sir Williams.

Bien que devenu un parfait gentleman, Rocambole, on le voit, avait des réminiscences d’argot, ni plus ni moins qu’un industriel vulgaire. Il monta chez l’aveugle.

Sir Williams était fort nonchalamment étendu sur une bergère, et le valet de chambre, que le marquis avait commis à sa garde, lui lisait les journaux du soir. Sir Williams voulait se tenir au courant des belles-lettres et de la politique. Les faits divers l’intéressaient, le feuilleton-roman lui procurait des émotions : l’article Tribunaux lui arrachait parfois un sourire moqueur.

Le faux marquis de Chamery renvoya le valet de chambre, s’assit à côté de sir Williams et lui dit :

– Mon oncle, la petite comédie a été fort bien jouée. Fabien demeure convaincu qu’il a vu la comtesse Artoff et qu’elle aime cet imbécile de Roland.

Le visage de l’aveugle exprima une vive satisfaction.

– Mais, poursuivit Rocambole, si l’affaire Baccarat marche bien, l’autre marche mal.

– Quelle autre ? sembla demander le muet visage de l’aveugle.

– Conception vient de m’écrire.

L’aveugle fit un mouvement.

– Elle m’aime toujours…

– Très bien ! très bien ! exprima la tête de sir Williams par un balancement de haut en bas et de bas en haut.

– Mais elle revient dans huit ou dix jours…

L’aveugle étendit la main d’un air qui voulait dire :

– Voyons la lettre ?

Rocambole la lui lut d’un bout à l’autre, et à chaque passage intéressant, l’aveugle témoigna une vive satisfaction.

– Eh bien ! mon oncle, lui dit-il quand il eut terminé sa lecture, que penses-tu de tout cela ?

Sir Williams prit son ardoise.

– Je pense, écrivit-il, que nous devons nous hâter pour l’affaire Baccarat.

– Et tu réponds de tout ?

– Certainement.

– Ainsi, je ne dois point me préoccuper de la prochaine arrivée de Conception ?

– Nullement.

– Non plus que des paroles du duc de Sallandrera touchant M. de Château-Mailly ?

– Non, fit sir Williams d’un signe de tête. Puis il écrivit : Vois-tu toujours le médecin mulâtre qui m’a soigné ?

– De temps en temps.

– Il faut le revoir.

– Pourquoi ?

– Je te l’expliquerai tout à l’heure. Sais-tu ce que c’est que la belladone ?

– Mais, dit Rocambole, c’est une plante vénéneuse, il me semble.

– Oui et non. La belladone n’empoisonne pas, mais elle rend fou. Une folie momentanée, il est vrai, et que les soins assidus finissent par guérir. Mais enfin, une infusion de belladone rend fou, fou à lier, une heure après son absorption.

– Ma parole d’honneur ! murmura Rocambole, tu sais tout, mon oncle, et un homme comme toi aurait dû faire son chemin.

L’aveugle soupira et poursuivit, grâce à son ardoise :

– Mais la belladone, dont nous nous servirons si nous ne pouvons mieux faire, me rappelle une anecdote que j’ai entendu raconter autrefois, quand nous étions en Angleterre.

– Et quelle était cette anecdote ?

– La voici, dit sir Williams, qui écrivit rapidement le récit suivant :

Java est une des îles de l’océan Indien les plus fertiles en plantes vénéneuses, en arbres dont l’ombre est mortelle, en reptiles dont la morsure est incurable.

Il y a une vingtaine d’années environ, un jeune Hollandais du nom de Samuel Van-Berg débarqua à Java avec les pleins pouvoirs d’une grande maison de commerce de La Haye, dans l’intention d’y acheter une forte cargaison des produits de cette île, tel que l’indigo, du coton, de la laine, etc. Il fut reçu, logé, hébergé par une riche famille javanaise qui correspondait avec la maison de commerce qu’il représentait.

Dans cette famille, il y avait une jeune fille d’une grande beauté au point de vue javanais, c’est-à-dire qu’elle était jaune de peau, que son nez était un peu épaté, qu’elle avait des lèvres épaisses, un front fuyant, des cheveux noirs et crépus comme de la laine.

Sensible à ce genre de beauté, le jeune Hollandais, qui était blanc et rose de peau, dont les cheveux étaient blonds, le nez aquilin et les yeux bleus, s’éprit de la fille du négociant javanais et la demanda en mariage. On la lui accorda, et les parents furent même d’avis de célébrer les noces sur-le-champ, ce à quoi le Hollandais consentit.

Mais l’avant-veille des épousailles, M. Samuel Van-Berg reçut des lettres d’Europe. L’une d’elles était de la main de son père, et cette lettre disait :

Mon cher fils,

Hâtez-vous de revenir à Amsterdam, où vous êtes attendu avec la plus vive impatience, par votre mère et moi d’abord, et ensuite par une personne qui ne vous fut pas indifférente autrefois.

Je veux parler de votre cousine Betty, qui, vous le savez, épousa, il y a trois années, le vieux banquier juif Zacharie. Vous étiez pauvre et Betty l’était : cependant Betty vous aimait et vous l’aimiez, vous avez même quitté l’Europe l’an dernier en me disant que vous ne me pardonneriez jamais de m’être opposé à votre mariage avec elle.

Et bien ! mon cher fils, ce que j’ai fait alors, je l’ai fait dans votre pur intérêt. Betty était pauvre comme vous, l’amour et la misère réunis font un triste ménage, et vous allez voir que j’ai été le plus sensé et le plus prévoyant des pères.

Le juif Zacharie avait trois millions, il les a reconnus en dot à Betty.

Le juif avait soixante et onze ans, il était glouton, de nature apoplectique et il ne pouvait aller bien loin.

Il est mort subitement il y a huit jours, et Betty se trouve une riche veuve qui attend avec impatience le retour de son cher cousin Samuel pour l’épouser et l’enrichir…

Cette lettre, on le comprend, modifia sur-le-champ toutes les idées de M. Samuel Van-Berg. Il aimait la Javanaise la veille, et les charmes de cette beauté couleur citron avaient pu le subjuguer un instant ; mais la lettre de son père lui remit en mémoire le rose et blanc visage, les cheveux noirs et lustrés et les yeux d’un bleu sombre de Betty, ses petites mains blanches creusées de fossettes, son pied qui chaussait si mignonnement le patin, les jours d’hiver, et son frais éclat de rire, et ses dents qui ressemblaient à ces belles perles blanches qu’on pêche sur les côtes de Coromandel. Puis il entrevit un peu aussi le beau palais du banquier défunt et les trois millions qui embellissaient la veuve. Une veuve dotée de trois millions est toujours jeune, incomparablement belle et douée de toutes les qualités aux yeux de celui qui doit l’épouser. M. Samuel Van-Berg n’hésita pas un seul instant. Il renonça à la belle fille jaune de Java pour la femme blanche d’Europe.

Seulement, comme son mariage était annoncé, que les Javanais eussent considéré sa retraite comme une insulte, qu’il l’eût bien certainement payée de sa vie, le Hollandais prit le parti de dissimuler et de quitter clandestinement Java.

Comme aucun navire n’était en partance pour le moment, le Hollandais se dit qu’après tout un mariage entre un Européen et une Indienne, célébré d’après le culte de Bouddah, ne saurait être sérieux, et qu’il pouvait toujours épouser provisoirement la fille jaune jusqu’au moment où il pourrait s’esquiver. Les deux jeunes gens furent donc mariés par une sorte de prêtre bouddhiste, et reconduits dans leur domicile au son d’instruments de musique des plus discordants.

Puis commencèrent les fêtes des épousailles, qui, à Java, ne durent pas moins de six semaines, et sont entremêlées d’exercices de jongleurs, de danses d’almées et de repas homériques, où l’eau-de-vie d’Europe et le rhum de l’île Bourbon jouent le principal rôle. Chaque soir, au moment où le Hollandais se couchait, sa femme lui apportait un breuvage composé de miel, de vinaigre et du suc d’une plante aromatique du pays. Ce breuvage fait partie des usages prescrits par le mariage javanais.

Le Hollandais trouvait cela fade et amer en même temps ; mais il la prenait avec courage en songeant au curaçao de Hollande qui le remplacerait, lors de ses noces prochaines avec Betty.

Enfin, un navire qui venait de Sumatra relâcha à Java pour faire de l’eau. Le Hollandais parvint à voir le capitaine, traita avec lui de son passage et de son rapatriement, et il fut convenu entre eux que, la nuit suivante, le Hollandais quitterait furtivement l’alcôve nuptiale, et se rendrait à bord du navire européen qui, sur-le-champ, lèverait l’ancre.

Comment la Javanaise eut-elle connaissance de ce projet ? L’histoire ne le dit pas.

Mais, le soir, elle mêla au breuvage accoutumé un peu de poussière provenant de la feuille broyée d’un arbre qui croît à Java, et le Hollandais s’endormit profondément.

La nuit s’écoula, le jour vint, le capitaine du navire ne vit rien paraître. Il s’avisa alors de descendre à terre et de se rendre chez le beau-père du Hollandais. Il trouva ce dernier qui dansait demi-nu, faisait tourner un bâton à la manière des jongleurs, riait aux éclats, et prétendait qu’il était le dieu Sivah lui-même. Le breuvage de la vindicative Javanaise avait produit l’effet de la belladone, avec cette différence que la folie de cette dernière plante se guérit, tandis que le Hollandais demeura fou toute sa vie.

– Et voilà l’histoire, acheva sir Williams, en replaçant son crayon sur la table.

– Bon ! dit Rocambole, je crois comprendre. Tu veux que je demande à mon médecin mulâtre un breuvage ou une substance quelconque qui rende fou ?

– Précisément, fit sir Williams d’un signe de tête.

– Mais… qu’en veux-tu faire ?

Sir Williams écrivit : – Tu le sauras plus tard. Pour le moment c’est mon secret.

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