XXXIX

Revenons à d’autres personnages de notre récit, et changeons de scène un moment, ainsi que cela se pratique au théâtre.

Rocambole, ou plutôt M. le vicomte de Cambolh, comme on l’appelait dans le monde, avait ponctuellement exécuté les ordres de sir Williams.

Il était allé le matin, vers sept heures, chez le concierge du numéro 41 de la rue Rochechouart, et lui avait demandé à apprendre le coup des cent louis.

Le concierge, stupéfait, l’avait salué jusqu’à terre.

– Monsieur est donc un prince ? avait demandé le cerbère au maître d’armes.

– À peu près, mon bonhomme…

– Ou bien veut-il tuer un ambassadeur ?

– C’est possible encore.

Et Rocambole, tirant de sa poche un billet de mille francs, l’avait présenté au professeur d’escrime, disant :

– Je n’aime pas les questions. Montrez-moi le coup et ne cherchez point à savoir qui je suis.

Le concierge s’était incliné ; puis, conduisant le gentleman suédois au sixième étage de la maison, il l’avait fait pénétrer dans une sorte de mansarde disposée en salle d’armes, et lui avait donné la leçon.

De la rue Rochechouart, Rocambole était ensuite allé chez le major Carden ; puis nous l’avons vu, à deux heures, aborder Fernand au bois de Boulogne, et c’est à partir de ce moment que nous allons le suivre.

Le jeune vicomte fit le tour du Bois, revint par l’avenue de Saint-Cloud, rentra dans Paris, et gagna l’avenue Gabrielle, où il s’arrêta à la grille du petit hôtel désigné par sir Williams. Le visiteur était sans doute attendu, car avant qu’il eût sonné et mis pied à terre, un domestique accourut ouvrir la grille à deux battants et s’empara de la bride, que Rocambole lui jeta en lui donnant en même temps sa carte.

Le valet, qui avait le teint cuivré des latitudes indiennes, s’inclina, laissa échapper un premier geste qui signifiait : « Je sais bien qui vous êtes ! » et un second qui l’invitait à le suivre.

L’hôtel de la rue Gabrielle était tout neuf, et sa construction ne remontait pas au-delà de sept à huit mois. À l’extérieur, c’était un édifice qui ressemblait à tous les autres. Il était entre cour et jardin, et possédait des statues de marbre blanc sur la façade creusée de niches.

À l’intérieur, c’était tout différent. Là, Paris disparaissait pour faire place aux mystères de l’Orient voluptueux et fidèle à ses traditions religieuses.

Dans le vestibule, décoré de peintures étranges qui présentaient les trente-trois incarnations de Vichnou, la statue du dieu Siva, sculptée au-dessus d’un bassin dans lequel nageaient de petits poissons rouges.

Au premier étage, où l’on arrivait par un escalier aux repos garnis de fleurs exotiques, Rocambole traversa un long corridor dont les murs étaient couverts d’hiéroglyphes indous. À l’extrémité de ce corridor le valet poussa une porte, et le vicomte se trouva sur le seuil d’un lieu étrange, qui mérite une courte description. Était-ce la réduction d’une pagode ? était-ce l’atrium d’une courtisane antique, ou bien le boudoir de la sultane Schéhérazade, qui racontait les merveilles des Mille et Une Nuits ? Des lampes aux formes bizarres, couvertes d’abat-jour multicolores, projetaient aux quatre coins de la salle une clarté mystérieuse. Les murs étaient tendus d’une étoffe orientale aux couleurs ternes et représentant une fête religieuse des Thaugs, ces étrangleurs terribles des forêts indiennes.

Sur le sol, jonché de tapis, dont l’un était en harmonie avec la tenture des murs, Rocambole aperçut un large coussin d’un rouge écarlate, et sur ce coussin, accroupie à la façon de l’Orient, une créature non moins étrange et non moins bizarre que le lieu où elle se trouvait. C’était une femme au teint brun doré, presque olivâtre, aux cheveux noirs ruisselant en boucles désordonnées sur ses épaules demi nues, aux dents éblouissantes de blancheur, aux yeux d’un vert sombre et relevés par les coins, signe caractéristique des races de l’Indo-Chine. Cette femme, qui pouvait avoir trente ans, était belle de cette beauté mystérieuse qui n’appartient qu’à la race jaune. Elle avait des pieds et des mains d’une admirable petitesse et de forme exquise ; sa taille, dont on pouvait préciser l’élévation, paraissait avoir l’onduleuse souplesse des reptiles.

Le costume de cette femme était celui des épouses des nababs tributaires de l’Angleterre, et consistait en une robe aux couleurs éclatantes, qui permettait d’entrevoir le cou, les bras, les épaules et le bas des jambes, qui étaient entièrement nus. Elle balançait au bout de son pied de petites babouches dorées, à la pointe recourbée comme une carène antique. Enfin, elle avait aux bras et aux chevilles de gros bracelets d’or massif, et portait un collier de perles grosses comme des œufs de pigeon.

À la vue de Rocambole, elle leva la tête par un mouvement plein d’indolence, et attacha sur lui un regard curieux.

Le vicomte lui tendit la lettre de sir Williams.

Elle la prit, jeta les yeux sur la suscription qui était en langue anglaise, et sur-le-champ son œil terne et presque froid jeta des flammes, et elle se leva tout debout comme galvanisée. Toutes les passions volcaniques du sol indien, toutes les ardeurs mystiques des fils de Bouddha venaient d’éclater sur son visage. On eût dit la prêtresse de quelque culte étrange et terrible, inconnu des nations de l’Occident.

* *

*

Que se passa-t-il alors entre la fille des latitudes tropicales et le lion du boulevard parisien ? Ce fut sans doute un mystère. Mais une heure après, le tilbury de M. le vicomte de Cambolh s’arrêta dans la cour de l’hôtel Van-Hop. Le jeune président des Valets-de-cœur jeta les rênes à son groom, monta lestement le perron, donna sa carte à un valet de pied et demanda à voir le marquis sur-le-champ.

– M. le Marquis n’y est pas, répondit le valet, mais madame la marquise est au salon.

– Annoncez-moi, dit Rocambole, qui suivit le laquais.

La créole était seule dans le vaste et somptueux salon de l’hôtel, seule et triste… Quelle révolution s’était opérée dans son cœur ? Quel chagrin, quelle douleur muette avait brisé son âme ?

Peut-être était-ce un mystère encore ? Mais il eût été difficile de reconnaître dans cette femme pâle, aux yeux cernés, au regard morne et sans rayons, la belle et souriante marquise, la séduisante créole qui faisait, huit jours auparavant, les honneurs de son bal avec tant de grâce.

Quand elle entendit prononcer le nom du vicomte sur le seuil du salon, elle se retourna toute frémissante et comme si elle eût été piquée par un de ces dangereux reptiles qui infestent les savanes de son brûlant pays.

Le vicomte entrait souriant, le chapeau sous le bras, comme un homme du monde qui vient faire une simple visite de politesse. Il salua la marquise avec respect et prit le siège qu’elle lui indiqua d’un geste.

Madame Van-Hop était femme du monde avant tout ; elle savait, au besoin, dissimuler ses impressions et se contraindre à ce point de sourire alors qu’elle avait, en réalité, la mort au cœur.

Rocambole lui était odieux. C’était lui qui avait provoqué Chérubin ; lui qui l’avait blessé ; lui qui avait amené pour la marquise cette situation extrême et tendue qui l’avait forcée à s’avouer le véritable état de son cœur. Et cet homme osait se présenter chez elle !… Il y venait, protégé par les lois du monde, par ses devoirs et ses exigences ; il venait faire ce qu’on appelle une visite. Et il fallait bien que la marquise le reçût un sourire aux lèvres, qu’elle lui tendît sa main à baiser, qu’elle causât avec lui de ces mille riens qu’on appelle les bruits du salon, du dernier concert, de la première représentation d’un opéra comique et du discours de réception de tel ou tel académicien.

Rocambole avait acquis si rapidement cette science, à la fois superficielle et profonde, qui constitue le parfait gentleman ; il avait eu dans sir Williams un maître si expérimenté, qu’il était homme à soutenir avec aisance un tête-à-tête d’une heure avec une femme aussi distinguée que la marquise.

Madame Van-Hop, tout à fait maîtresse d’elle-même au bout de quelques minutes, se montra gracieuse, presque enjouée, malgré une récente migraine dont elle prétendait avoir beaucoup souffert. Mais sa pâleur, sa tristesse, le trouble extraordinaire que le nom de Cambolh avait produit tout à coup chez elle n’avaient point échappé au prétendu vicomte.

– Ah ! pensa-t-il en entrant, l’affaire Chérubin a produit des ravages, et voilà une femme qui me porte une haine un peu bien soignée.

Après une heure de conversation insignifiante, madame Van-Hop dit tout à coup à Rocambole :

– Vous désirez peut-être, monsieur le vicomte, voir mon mari ?

– Oui, madame.

– Le marquis est sorti, mais il ne peut tarder à rentrer.

– Si vous vouliez bien me le permettre, madame, je l’attendrais.

– Est-ce pour affaires ? demanda la marquise, présumant que c’était au banquier plus qu’à l’homme du monde que son visiteur en avait.

– Pour affaires très graves, madame, dit Rocambole, répondant à la question de la marquise.

Une cloche se fit entendre, puis le bruit d’une voiture entrant dans la cour.

– Voilà mon mari, dit la marquise. Puis elle ajouta : Le marquis passe rarement chez moi avant le dîner, et il monte dans son appartement. Voulez-vous monsieur, que je vous fasse conduire ?

Rocambole s’inclina.

La marquise sonna, un valet parut, et, sur l’ordre de sa maîtresse, conduisit le jeune vicomte au second étage.

– Ah ! murmura la marquise se retrouvant seule, que veut donc cet homme ? Que vient-il faire ici ? J’ai comme un pressentiment qu’il y vient semblable à un messager de malheur.

Elle devint toute rêveuse, le sourire disparut de ses lèvres, et elle retomba tout à coup dans sa morne tristesse.

* *

*

Cependant Rocambole pénétrait dans le cabinet de travail du marquis Van-Hop.

Le marquis venait de rentrer et s’asseyait au coin de son feu au moment où on lui annonça le vicomte.

Rocambole se présentait pour la seconde fois à l’hôtel, et il était presque inconnu du marquis.

– Monsieur, lui dit Rocambole, qui avait pris l’attitude pensive et la physionomie grave et triste d’homme apportant une mauvaise nouvelle, je viens vous supplier de m’accorder une minute d’entretien.

– Je vous écoute, monsieur, répondit le marquis en lui avançant un fauteuil et en congédiant le valet qui venait d’introduire le jeune vicomte de Cambolh.

– Monsieur le marquis, continua Rocambole en s’asseyant, je suis à peine connu de vous personnellement, bien que j’ose espérer que le nom du général Cambolh, mon père…

– Parfaitement, dit le banquier en saluant avec courtoisie, et croyant, en effet, se souvenir d’un nom identique.

– Je vous ai été présenté, à votre dernier bal, par le baron O’V…, poursuivit Rocambole. Néanmoins, croyez, monsieur le marquis, qu’une circonstance des plus bizarres et des plus imprévues m’oblige seule à vous rappeler ces futiles détails…

– Ils étaient inutiles, monsieur, dit courtoisement le marquis, et votre nom seul…

– Monsieur, interrompit brusquement Rocambole, je viens à vous, chargé de la plus grave et de la plus pénible des missions.

Le marquis eut un geste de surprise.

– Et pour expliquer cette mission, il est nécessaire que je vous raconte en peu de mots une histoire qui vous semblera peut-être bizarre.

– Parlez, monsieur.

– Il y a un an, monsieur, je me trouvais en Amérique, à New York. J’avais vingt-quatre ans ; j’étais ardent, aventureux à la recherche de ce qu’on nomme une bonne fortune.

Le marquis eut un sourire indulgent.

Rocambole reprit :

– Il y avait alors à New York une femme dont la mystérieuse existence, la beauté merveilleuse et les habitudes excentriques excitaient au plus haut degré la curiosité de la fashion américaine. Cette femme, monsieur, portait votre nom, dit froidement Rocambole.

Le marquis poussa une exclamation d’étonnement et regarda son interlocuteur.

– Elle s’appelait miss Daï-Natha Van-Hop.

– Ma cousine ?

– Oui, monsieur.

– La fille du baron Van-Hop, mon oncle mort aux grandes Indes ?

– Précisément.

– Et, dit le marquis, curieux à son tour, elle est à New York ?

– Elle y était.

– Où donc est-elle maintenant ?

– À Paris.

– Venez-vous donc de sa part ?

– Oui, dit Rocambole. Puis regardant le marquis : – Vous m’avez promis, monsieur, d’écouter mon histoire…

– Allez, monsieur, je vous écoute.

– J’étais curieux, parmi les curieux, monsieur, je fis des prodiges pour arriver jusqu’à miss Van-Hop, qui semblait vouloir celer son existence à tous les yeux. Je parvins jusqu’à elle, je lui parlai d’amour, je me prétendis passionnément épris de ses charmes… Elle m’écouta en souriant de ce sourire triste qui ne brille que sur les lèvres des femmes qui ont longtemps souffert et pleuré.

« – On n’aime qu’une fois, me dit-elle, et j’ai aimé… »

À ces paroles, le marquis tressaillit.

Rocambole continua : – Je fus éloquent, monsieur ; j’essayai d’être persuasif, je parlai de l’avenir où luit toujours un rayon d’espérance, du temps qui cicatrise les plus profondes blessures, de la jeunesse qui était en elle et ne pouvait s’ensevelir sous un deuil éternel… Daï-Natha fut incrédule… Incrédule et inflexible ! Mais elle me tendit la main.

« – Voulez-vous être mon ami ? me dit-elle. »

« Je baisai sa main, et lui dis : – « Permettez-moi d’espérer… »

« – Vous espérerez en vain, répondit-elle, mon cœur est mort à l’amour… »

Rocambole s’arrêta et regarda le marquis.

– Pardonnez-moi d’entrer dans ces détails, qui n’ont, en réalité, d’autre but que celui de vous démontrer que Daï-Natha souffrait de quelque chagrin d’amour.

« Elle me pressait de la visiter quelquefois. J’usai, j’abusai même de cette permission, étant devenu réellement amoureux de la belle Indienne.

« Six mois s’écoulèrent.

« Daï-Natha n’était, ne voulait être, ne serait jamais qu’une amie pour moi.

« Une circonstance indépendante de ma volonté, de graves affaires d’intérêt m’obligèrent à quitter New York et à venir à Paris.

« J’arrivai ici l’année dernière ; les plaisirs bruyants de la capitale du monde apportèrent bientôt des distractions à mon amour ; quelques mois suffirent pour me guérir… On est oublieux à mon âge !…

« Mais ce matin, monsieur, une lettre m’est parvenue, une lettre de deux lignes…

« Une lettre signée Daï-Natha et conçue en ces termes :

« Venez, je n’ai plus longtemps à vivre, et je compte sur votre amitié. »

Rocambole tendit en effet un petit billet au marquis Van-Hop.

Ce billet renfermant les deux lignes que nous venons de citer, écrites en anglais, portait bien la signature de miss Van-Hop.

Le marquis la reconnut, poussa un cri et devint tout pâle.

– Au nom du Ciel ! monsieur, murmura-t-il, que venez-vous m’apprendre ? ma cousine est-elle morte ?

– Non, dit Rocambole, pas encore… mais écoutez-moi, je vous en prie…

– Allez ! dit le marquis, dont la voix trahissait de profondes angoisses.

– Monsieur, poursuivit Rocambole, j’ai couru chez miss Van-Hop, que je ne savais pas à Paris hier encore. Je l’ai trouvée dans un petit hôtel de l’avenue Gabrielle, qui rappelait, par ses décorations et ses dispositions intérieures, la maison qu’elle habitait à New York. Daï-Natha était couchée, à la mode orientale, au fond d’un petit boudoir décoré par une pagode indienne. Elle était souriante et calme comme toujours, et paraissait si pleine de vie, que j’ai cru d’abord à une plaisanterie de sa part. Elle m’a tendu la main et m’a dit :

« – Me trouvez-vous en bonne santé ?

« – Oh ! certes, me suis-je écrié, et c’est bien mal à vous…

« – Vous vous trompez, mon ami, je serai morte dans huit jours. »

Rocambole s’arrêta une fois encore.

Le marquis était pâle et la sueur perlait à ses tempes.

Le vicomte reprit :

– Écoutez-moi jusqu’au bout, monsieur. Daï-Natha me fit asseoir auprès d’elle, et prit ma main dans les siennes :

« – Mon ami, me dit-elle, savez-vous pourquoi je n’ai pu répondre à votre amour ? C’est que j’aimais moi-même avec la passion, avec la désespérante ardeur des femmes de mon pays ; c’est que j’aimais depuis quinze ans, car j’en ai trente, les yeux tournés vers l’Europe, où était celui à qui j’avais donné mon cœur à jamais.

« – Et, m’écriai-je, cet homme était donc aveugle et fou, qu’il ne vous aimait pas ?

« – Non, il aimait ailleurs…

« Puis elle s’était reprise à sourire :

« – Savez-vous, m’a-t-elle dit encore, pourquoi je suis venue à Paris ? C’est qu’il y est ; j’y accourais avec un vague espoir, un espoir impie, égoïste… J’espérais qu’il n’était plus aimé, qu’il n’aimait plus… Hélas ! je me suis trompée… Plus que jamais, il aime, plus que jamais il est aimé… Je n’ai donc plus rien à espérer en ce monde.

« – Ah ! me suis-je écrié à mon tour, en lui prenant les deux mains en y imprimant mes lèvres, vous ne mourrez pas, madame, vous êtes si jeune, si belle… vous renoncerez à ces pensées de suicide.

« – Il est trop tard, m’a-t-elle dit en souriant. Ce matin même, j’ai avalé une gorgée de la liqueur que vous voyez miroiter dans ce flacon suspendu à mon cou…

Le marquis jeta un cri.

– Attendez, monsieur, attendez… dit Rocambole, écoutez-moi jusqu’au bout.

« – Cette liqueur, m’a dit Daï-Natha, est un poison de mon pays, un poison lent et sûr, qui ne fait pas souffrir, mais s’infiltre goutte à goutte dans les veines et tue au bout de huit jours. Un seul remède existe contre ce poison, un seul… et ce remède, je ne pourrais pas l’employer, car il n’existe pas en Europe… On ne le trouve que dans mon pays. Ainsi, vous le voyez, mon ami, a achevé Daï-Natha, je suis morte par avance, et tous vos médecins d’Europe ne sauraient me guérir… Mais j’ai voulu vous voir une dernière fois, j’ai voulu vous faire mes adieux éternels. Et puis, a-t-elle ajouté, j’ai voulu vous demander un service.

« – Parlez, madame, ai-je murmuré, les yeux pleins de larmes.

« – Allez, m’a-t-elle dit, chez cet homme que j’ai aimé et pour l’amour de qui je meurs ; allez le supplier de venir me tendre la main. Je voudrais le voir encore une fois. »

Rocambole s’arrêta.

– Après, monsieur, après ? demanda le marquis, plus pâle qu’un mort, et dont la voix passait, entrecoupée par une émotion profonde, à travers ses lèvres frémissantes.

– Eh bien, monsieur, répondit Rocambole avec calme, je crois que je n’ai plus rien à vous dire, car l’homme qu’a aimé Daï-Natha, l’homme qu’elle aime, l’homme pour qui elle meurt… c’est vous !

Le marquis s’était levé ; il écoutait haletant et sans voix, et quand M. le vicomte de Cambolh eut prononcé ce dernier mot, il s’appuya au chambranle de la cheminée pour ne point se laisser tomber à la renverse.

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