XXX

Marmouset avait, la veille, donné des instructions minutieuses à Milon sur ce qu’il avait à faire en son absence. Milon avait acheté des bêches, des tarières, des ciseaux à tailler la pierre, puis il avait fait mettre ces outils dans une caisse et les avait apportés dans la boutique.

Marmouset les trouva au bas de l’escalier de la cave. Master Love, qui avait habité la maison pendant près de quinze ans, n’avait jamais eu connaissance ni du plan de Londres au dix-septième siècle, ni de la conspiration des poudres.

La cave de la maison ressemblait à toutes les autres et elle était encombrée de futailles vides ou pleines et de différentes marchandises.

– Voyons, dit Marmouset, orientons-nous un peu à présent.

Milon posa la lampe sur un tonneau renversé et Marmouset étala son plan.

Puis il chercha l’emplacement de la maison où ils étaient et mit le doigt sur un filet rouge qui était bien celui, à croire le plan, qui partait de la cave.

Alors il prit la chandelle et se mit à faire le tour de la cave.

Elle n’avait qu’une porte, celle par laquelle Milon et lui étaient entrés.

– Je ne vois rien, dit Milon.

– Parce que l’entrée du souterrain indiqué a été murée, dit Marmouset.

Et il donna la chandelle au colosse.

Puis il prit un marteau, et se mit à frapper de petits coups sur le mur, de distance en distance.

Partout le mur était plein et rendait un son mat.

Il était revêtu, du reste, d’un enduit noirâtre qui tombait en lambeaux humides.

Marmouset changea d’outil.

Il quitta le marteau pour prendre une espèce de racloire avec laquelle il se mit à gratter le mur.

Tout à coup la racloire grinça comme si elle eût rencontré un corps métallique.

Milon approcha une chandelle.

Il y avait un clou planté dans la maçonnerie, et c’était sur ce clou que la racloire avait porté.

Marmouset quitta la racloire et reprit le marteau.

Puis il se mit à frapper sur un clou.

Le clou s’ébranla, et une brique du mur tomba avec lui.

Alors apparut une cavité, dans laquelle Marmouset put passer la main.

Le bras suivit la main jusqu’à l’épaule.

Mais la main ne trouva que le vide.

– Vite ! s’écria Marmouset, prends ta pioche, et à l’œuvre.

Et, retirant sa main, il s’empara du marteau dont il se servait tout à l’heure.

Le mur ainsi vigoureusement attaqué, les briques se détachèrent tour à tour et bientôt un trou béant apparut aux yeux des deux travailleurs.

Un trou assez grand pour laisser passer le corps d’un homme.

– Donne-moi ta chandelle, dit encore Marmouset.

Et la chandelle d’une main, le marteau de l’autre, il se lança en avant.

Mais il n’alla pas loin.

Le mur dans lequel il avait fait brèche séparait la cave d’un second caveau plus étroit, plus bas de voûte et qui paraissait sans issue.

– Nous ne sommes pas plus avancés, dit Milon qui avait suivi Marmouset.

– Nous verrons bien, répondit celui-ci.

Et il recommença avec son marteau l’expérience qu’il avait tentée sur les murs de la première cave.

Les murs sonnèrent plein tout d’abord : puis, à un certain endroit, ils résonnèrent comme un tambour.

– C’est là, dit Marmouset.

Et il regarda Milon d’un air de triomphe.

Milon attaqua le mur avec sa pioche.

Le plâtre qui servait d’enduit se détacha et tomba par lambeau, et la pioche rendit de nouveau un son métallique.

Le mur cachait une porte de fer, et les efforts de Milon se brisèrent contre cette porte.

– J’en étais bien sûr, dit Marmouset, qui reprit sa racloire.

En quelques minutes il eut mis la porte de fer à découvert.

Cette porte, haute d’un mètre trente ou quarante millimètres, n’avait ni serrure ni gonds apparents.

Et comme Milon s’escrimait dessus avec la pioche et frappait en pure perte, Marmouset l’arrêta.

– N’allons pas plus loin pour le moment, dit-il ; au son qu’elle rend, je devine quelle a six pouces d’épaisseur. Mais nous l’avons trouvée, c’est l’essentiel.

– Et vous croyez que c’est la porte du souterrain ?

– Parbleu !

– Alors qu’allons-nous faire ?

– Rien pour le moment. Nous verrons ce soir. Viens !

Et Marmouset battit en retraite le premier, ajoutant :

– Je suis sûr maintenant d’une chose. Les souterrains ne sont pas comblés.

– Ah ! dit Milon.

– Et nous sauverons Rocambole, avant même que les fénians se soient mis à l’œuvre.

Et tous deux repassèrent dans la première cave.

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