XXXIX

Marmouset mit un bout de la ficelle dans la main de Polyte.

Puis, tenant l’autre, il entr’ouvrit de nouveau la petite porte et se glissa dans la rue.

Puis il marcha en droite ligne sur la prison de Newgate, qui était juste en face.

Il ne s’arrêta que lorsque la ficelle fut tendue.

Il était alors à dix ou douze pas du mur d’enceinte.

Marmouset laissa tomber la ficelle et continua son chemin en comptant les pas.

– Onze ! dit-il au moment où il touchait le mur de sa main.

Alors il se replia en courant sur la boutique.

– Commences-tu à comprendre ? dit-il à Polyte.

– Parfaitement, répondit celui-ci.

Ils tirèrent la ficelle, pour ne la point laisser dans la rue, et Marmouset dit encore :

– Maintenant, redescendons.

Ils rallumèrent la lanterne et reprirent le chemin de la cave.

Milon, tant que la ficelle que Marmouset lui avait mise dans la main était demeurée tendue, Milon, disons-nous, n’avait pas sourcillé.

Mais tout à coup, la ficelle était devenue lâche, et il avait compris que Marmouset ne tenait plus l’autre extrémité.

Il fut sur le point de retourner dans la première cave, lui aussi, pour savoir ce qui s’y passait.

Mais la Mort-des-Braves l’arrêta.

– Marmouset nous a dit de rester ici, fit-il, et de l’attendre pour aller en avant.

Milon poussa encore un soupir et ne souffla plus mot.

Enfin Marmouset et Polyte revinrent.

– À présent, dit le premier, avançons.

Et il prit une des lanternes et fraya la route.

Le souterrain se prolongeait une dizaine de pas à peine ; puis, tout à coup, on trouvait une nouvelle salle souterraine de quinze mètres de superficie environ.

Seulement on n’y voyait pas d’ouverture et aucun autre boyau souterrain ne paraissait y aboutir.

– Nous voilà bien avancés ! dit encore Milon.

Marmouset haussa les épaules.

Puis, passant sa lanterne à Polyte et prenant une pioche, il se mit à faire le tour de la salle en frappant de petits coups sur les parois.

Aux premiers regards, cette rotonde était creusée à même la terre.

Mais la pioche, détachant une sorte d’enduit, mit à découvert une voûte et des murs en maçonnerie.

Marmouset frappait toujours de petits coups.

– Il cherche un creux, dit Milon, qui comprenait cette fois.

Tout à coup la pioche rendit un son métallique.

– Bon ! dit Marmouset, nous y sommes. Il y a une porte là.

Il se mit à entamer l’enduit avec précaution et presque sans bruit.

Puis il fit signe à la Mort-des-Braves et au matelot William de l’imiter.

Ce fut un travail d’une heure.

Au bout de ce temps, il eut dégagé complètement l’embrasure d’une porte.

Cette porte était en tout semblable à celles qu’on avait rencontrées déjà.

Elle était en tôle repoussée, cintrée par le haut, et n’avait pas la moindre serrure apparente.

– Oh ! fit Milon en riant, nous avons le moyen de l’ouvrir. N’est-ce pas, Marmouset ?

– Oui, répondit celui-ci, mais nous ne l’ouvrirons pas.

– Pourquoi donc ça ?

– Parce que c’est inutile pour cette nuit. Nous avons assez travaillé comme ça.

Milon tira sa montre.

– Comment ! dit-il, il n’est pas minuit !

– C’est que nous avons fait en six heures la besogne de douze, voilà tout.

Et, partant de la porte qu’il venait de mettre à découvert, Marmouset se remit à compter les pas, traversant la salle circulaire et rebroussant chemin dans le boyau souterrain jusqu’à l’endroit où l’éboulement s’était produit.

Milon et les autres l’avaient suivi.

Alors, Marmouset s’arrêta :

– Il y a quatorze pas de l’endroit d’où nous venons, ici, dit-il.

– Quatorze, compta Polyte.

– Et d’ici à la cave, qui est située juste au-dessous de la boutique, il y a soixante-dix-huit mètres, dit encore Marmouset, ce qui, à mon compte, fait un total de quatre-vingt-huit mètres environ.

– Eh bien ? dit Milon.

– De la porte de la boutique à la muraille de Newgate, continua Marmouset, j’ai compté soixante-dix-huit mètres et onze pas. Il y a donc gros à parier que la porte que nous venons de découvrir, en admettant que le souterrain soit percé en droite ligne, est située sous le logement même du gouverneur de la prison.

– Ah ! ah !

– Il est donc inutile, pour le moment du moins, d’aller plus avant.

– Voilà ce que je ne comprends pas, dit Milon.

– C’est bien simple, pourtant.

– Ah !

– Ne t’avais-je pas dit que demain, Vanda et moi, nous allions visiter Newgate ?

– Sans doute.

– Si le gouverneur a connaissance des souterrains, il ne manquera pas de me les montrer.

– Alors, il ouvrira cette porte ?

– Mais non ; car si elle était dissimulée de ce côté, elle doit l’être aussi de l’autre.

– Alors, il ne pourra rien vous montrer ?…

– Voilà ce que nous verrons. En attendant, allons nous coucher.

Et Marmouset donna le signal de la retraite.

*

* *

Le lendemain matin, avant de quitter Old Bailey, Marmouset fit un signe à Polyte :

– Tu dois être brave ? dit-il.

– Comme tout le monde.

– Alors, tu n’as pas peur de te trouver seul dans un souterrain ?

– Je coucherais dans un cimetière, au besoin.

– Écoute bien, alors, ce que je vais te dire. Tu vas descendre dans le souterrain et tu iras t’établir dans la dernière salle que nous avons découverte.

Tu lâcheras de ne pas t’endormir et tu prêteras l’oreille.

– J’entendrai donc du bruit ?

– Cela peut être. Alors, tu chercheras à te rendre compte de ce que tu auras entendu.

– Parfaitement.

Et tandis que Polyte descendait à la cave, Marmouset s’en alla prendre Vanda pour la conduire à Newgate, où nous allons les retrouver tous deux.

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