XIV OÙ WILLIE SAUNDERS PASSE DU DÉSESPOIR À LA STUPÉFACTION ET DE LA STUPÉFACTION À LA COLÈRE.

Rapidement connu, le retour d’une femme dont cent mille personnes avaient vu le cadavre causa, cela se comprend, une émotion difficile à décrire.

Tout d’abord l’événement parut tellement impossible qu’on n’y voulut pas croire ; et on accusa la justice d’avoir, d’accord avec la police, tout arrangé pour sauver la vie du condamné. Mais lorsque, le jour même, les journaux publièrent en détail, dans des suppléments spéciaux, la scène qui s’était passée aux Tumbs, les plus incrédules furent bien obligés de se rendre à l’évidence.

Les rares défenseurs que James Gobson avait conservés dans le peuple eurent alors beau jeu, et l’effervescence grandit si rapidement que, réunis en conseil, le ministre de la justice, le président de la cour criminelle, M. Kelly, le sheriff et le coroner, jugèrent prudent de mettre sans plus de retard le condamné en liberté sous caution.

Par politique, ils fixèrent, séance tenante, cette caution au chiffre insignifiant de cent dollars. Ils savaient d’ailleurs que, s’ils en avaient demandé dix mille, cent individus, pour se faire un peu de popularité, seraient venus les offrir.

Cette décision prise, M. Mortimer courut immédiatement aux Tumbs pour lever l’écrou.

James était en train de faire une partie d’échecs avec le bon M. Midler.

Lorsque le magistrat lui eut appris ce qui avait été arrêté, il fit tranquillement ses préparatifs, descendit au greffe, compta les cent dollars à l’honorable directeur de la prison, M. Peters, et après avoir serré les mains du brave méthodiste, dont les yeux étaient humides, il sortit par la porte qu’avaient franchie, quelques heures auparavant, MM. Kelly et Davis, pour éviter d’affronter la foule.

– Où allez-vous loger ? demanda à James Gobson le sheriff qui l’avait, accompagné.

– À l’hôtel des États-Unis où je suis connu, monsieur, répondit-il ; mais je crois poli de consacrer mes premiers instants de liberté à miss Ada Ricard. Bien qu’il s’en soit fallu de peu qu’elle n’arrivât trop tard, je lui dois néanmoins une visite de remerciement.

Et, hélant un cocher au passage, James salua le sheriff, puis monta en voiture en ordonnant de le conduire au n° 17 de la 23erue.

Au même instant, William Dow arrivait à l’office central de la police. Prévenu par la voix publique du retour de la noyée, il n’avait pas attendu que M. Kelly le fît demander.

– Eh bien ! lui dit ce dernier, que pensez-vous de ce sot événement ?

– Je pense, monsieur Kelly, répondit-il, que c’est une étrange méprise et qu’il est fort heureux qu’elle ne soit pas devenue une irréparable erreur.

– C’est un peu vous qui en êtes cause.

– Moi ! Est-ce que c’est moi qui ai reconnu dans la morte miss Ada, que je n’avais jamais vue !

– Non, mais c’est vous qui avez fait arrêter James Gobson.

– Qui l’ai fait arrêter plus tôt peut-être que vous n’en auriez donné l’ordre, voilà tout ! Avouez que, le cadavre étant celui de mistress Gobson, la culpabilité de son mari ne pouvait faire aucun doute pour personne.

– Évidemment ; l’avocat de l’État l’a prouvé clair comme le jour. Jamais O’Brien n’avait été aussi éloquent !

– C’est surtout pour M. Davis, qui a fait l’instruction, que l’échec est grave.

– Ça, c’est le moindre de mes soucis. Ce dont je m’inquiète, c’est de ma réputation et de ma situation qui sont en jeu. Mais, aussi, a-t-on jamais vu pareille ressemblance, jusque dans ses moindres détails ? C’est à croire que quelque ennemi politique a choisi ce cadavre tout exprès pour me perdre. Non seulement ce sont les mêmes traits, mais encore il faut qu’on trouve chez la noyée et chez la vivante une dent de moins et une oreille déchirée. C’est vraiment à en perdre la tête !

– Il est certain que c’est inexplicable et que ce concours de circonstances trouble l’esprit.

– Me voilà bien avec ce cadavre sur les bras ! Ce n’est pas le tout d’avoir retrouvé cette coureuse que le diable aurait bien dû emporter, et de n’avoir pas pendu ce Gobson, que le diable aurait pris volontiers, j’en suis convaincu ; il nous faut maintenant découvrir le nom de la noyée et celui de ses assassins.

– Nous trouverons tout cela.

– Si nous n’y parvenons pas, mon cher Dow, je suis un homme perdu.

– Nous y arriverons. Laissez-moi étudier un peu ce mystère. Vous, en attendant, faites bonne contenance devant l’orage.

Et serrant la main du gros Kelly, qui ne savait positivement à quel saint se vouer, William Dow reprit, plus soucieux qu’il ne voulait le paraître, le chemin de chez lui. Il comprenait bien que le chef de la police avait raison et que l’émotion publique, doublement excitée, exigeait double satisfaction : la révision du procès de James Gobson et l’explication du mystère dont était entourée la mort du cadavre anonyme trouvé près du wharf 32.

Pendant ce temps-là, la foule encombrait la vingt-troisième rue et les reporters assiégeaient littéralement le petit hôtel de miss Ada Ricard.

La jeune femme avait dû recevoir aussi plusieurs de ses anciens domestiques qui s’étaient hâtés, par curiosité et par intérêt, d’accourir à la première nouvelle de son retour. Après avoir généreusement récompensé ces gens de leur sympathie, elle les avait congédiés en leur disant qu’elle ne réorganiserait sa maison que dans quelques jours.

Puis les fournisseurs étaient venus, les uns après les autres, protester du chagrin qu’ils avaient éprouvé et du plaisir qu’ils ressentaient ; et cette procession durait déjà depuis deux heures, lorsque de formidables hurrahs s’élevèrent tout à coup dans la rue.

– Vois donc ce que c’est, Mary, dit miss Ada, en pâlissant un peu.

La femme de chambre s’élança à la fenêtre et répondit aussitôt en riant :

– C’est M. Gobson, madame, que la foule a reconnu et qu’elle accompagne de ses applaudissements.

Au même instant, un coup de sonnette se fit entendre.

Mary courut ouvrir, et James, après avoir poussé lui-même trois sonores hurrahs en forme de remerciement, franchit le seuil de l’hôtel.

Mais cela n’était pas assez pour les curieux, car les cris mille fois répétés de « Miss Ada ! miss Ada ! » retentirent aussitôt.

– Il faut vous montrer, madame, conseilla l’un des journalistes qui se trouvaient là.

Au même instant, James Gobson entrait dans le salon et tendait la main à son ancienne femme.

– Et vous montrer avec M. Gobson, ajouta le reporter.

– Monsieur a parfaitement raison, dit le condamné, sans quoi ces gens-là sont capables d’enfoncer votre porte.

Prenant alors le bras de la jeune femme qui paraissait ne tenir que médiocrement à cette exhibition, il se présenta avec elle sur le balcon.

Ce fut alors un enthousiasme indescriptible, un vacarme à rendre fou.

Les cris de « Miss Ada, Gobson for ever ! »se mêlaient à des grognements et aux épithètes les moins flatteuses à l’adresse du gros Kelly.

Cela dura un grand quart d’heure. La foule ne se tut que lorsque Gobson fit signe qu’il allait parler.

– Citoyens, dit-il d’une voix de stentor, miss Ada et moi nous vous remercions sincèrement de cette démonstration sympathique ; elle prouve que les fils de la libre Amérique sont toujours les défenseurs du droit ; qu’ils ne veulent pas qu’on touche au privilège sacré de l’habeas corpus qui est la garantie de tous contre les abus du pouvoir, et qu’ils réprouvent une puissance administrative qui peut commettre des erreurs telles que celle dont j’ai failli être la victime. Sans l’accident arrivé à master Meyer, l’exécuteur des hautes-œuvres, et sans le retour de miss Ada, au moment où je vous parle, je serais pendu, ce qui eût été regrettable, vous l’avouerez, non-seulement pour moi, mais encore pour l’honneur de la justice américaine. Cette tache est épargnée à la gloire de l’Union. Hurrah ! pour les États-Unis d’Amérique, hurrah !

– Hurrah ! hurrah ! répéta la foule en délire.

Et James Gobson, après avoir salué une dernière fois, offrit galamment le bras à sa femme pour rentrer dans l’intérieur de la maison.

Un personnage qui n’avait pas été moins ému que ceux dont nous venons de parler de la réapparition de la jeune femme, c’était M. Robertson junior, qu’un de ses agents avait instruit de l’événement dès la première heure.

Lui aussi s’était donc trompé comme un simple policier ! Son amour-propre en était vivement piqué, quelque joie que manifestât son frère aîné, qui avait été, on s’en souvient, le rival de M. Kelly aux dernières élections.

L’honorable chef de l’agence ne voyait dans l’erreur du chef de la police que la promesse d’une revanche politique éclatante, et il s’en félicitait ; mais M. Robertson junior, plus artiste, ne se pardonnait pas de s’être livré, d’une façon si habile, selon lui, aux déductions que nous avons mises sous les yeux de nos lecteurs.

Ce qui le consolait un peu, c’est qu’afin d’éviter d’être appelé comme témoin et pour ne pas compromettre son établissement, il n’avait fait de confidence à personne, pas même à Saunders, qui, d’ailleurs, eût été hors d’état de le comprendre, poursuivi qu’il était, le malheureux, par l’idée fixe d’être le meurtrier de miss Ada.

Toutefois, jugeant pratique de se faire un mérite auprès du fabricant de biscuits de l’avoir empêché de se dénoncer lui-même, M. Robertson junior résolut de l’aller voir immédiatement.

M. Saunders était plus calme que nous ne l’avons quitté il y a quelques semaines.

Il avait fini par se persuader que, si sa maîtresse était tombée à l’eau dans la rade de Staten-Island, elle ne s’était pas noyée à cet endroit, mais qu’elle avait été la victime d’un crime dont le colonel Forster était peut-être coupable.

Plus tard, lorsque les débats démontrèrent d’une manière si convaincante la culpabilité de James Gobson, le brave commerçant ne chercha pas à s’expliquer comment il pouvait se faire que miss Ada fût tombée du yacht du colonel entre les mains de son premier mari ; son cerveau n’aurait pu se livrer sans danger à un semblable travail ; il adopta les conclusions de l’avocat de l’État et imposa silence à sa conscience, pour ne plus laisser parler que son cœur, c’est-à-dire pour être tout entier aux regrets que lui causait la mort de sa bien-aimée.

Ses amis auraient voulu qu’il se remît aux affaires, mais il ne pouvait s’y décider ; il passait presque toutes ses journées chez lui, buvant, mangeant et soupirant.

C’est à cette dernière occupation que le surprit M. Robertson junior. Rien du retour de la jeune femme n’était encore arrivé jusqu’à lui.

– Soyez le bienvenu, dit-il à l’agent ; racontez-moi comment cet infâme assassin a marché à la potence.

– Cher monsieur, répondit le jeune homme, l’exécution ayant dû être renvoyée à demain parce que Meyer s’est cassé la jambe, ce retard a sauvé le condamné.

– Comment, sauvé ! répéta Saunders sans comprendre.

– Oui, sauvé, car miss Ada Ricard, la victime, est revenue.

Le gros homme fit un bond dans son fauteuil et ouvrit des yeux énormes en bégayant :

– Miss Ada, revenue ! Miss Ada ?

– Elle-même, reprit Robertson junior. Soyez calme, que diable ! Vous voyez que j’ai eu bien raison de vous recommander le silence sur l’aventure de Staten-Island. Nous nous serions compromis inutilement. Oui, miss Ada est de retour ; elle était simplement en voyage.

– En compagnie de ce damné Forster ! mais l’autre, l’autre ?

– La noyée ? On ignore toujours qui elle est.

– Vous avez vu miss Ada ?

– Non, mais un de mes agents, qui était sur la place des Tumbs au moment où elle y est arrivée, l’a suivie jusqu’à sa porte.

– Elle est rentrée dans son hôtel ?

– Il y a déjà deux heures au moins.

– Et Mary, cette coquine, ne m’a pas prévenu !

– Qui ça, Mary ?

– Sa femme de chambre !

En disant ces mots, Saunders avait pris un chapeau et s’était élancé au dehors de son salon.

– Où allez-vous donc ? lui demanda M. Robertson en courant après lui.

– Où je vais ? Mais chez Ada ; je veux dire à la misérable ce que je pense de sa conduite.

– Ou tomber à ses genoux !

Le malheureux fabricant de biscuits s’arrêta brusquement. L’agent secret venait de frapper juste. C’était bien plus l’amour que la colère qui entraînait vers l’infidèle l’inflammable Yankee.

– Eh bien ! oui, dit-il, je l’aime toujours, je veux la voir, répondit-il avec un gros soupir.

– Alors je vous accompagne, proposa Robertson.

– Si vous voulez.

Le jeune homme était enchanté de profiter de l’occasion pour voir vivante celle qu’il ne connaissait que par le cadavre de la morgue.

Ils sautèrent en voiture et furent bientôt au n17 de la 23erue.

Satisfaite par le speech que lui avait adressé James Gobson, la foule s’était dissipée ; il ne restait plus aux abords de la maison que quelques groupes de curieux.

M. Robertson aida son compagnon à mettre pied à terre et sonna.

Ce fut Mary qui vint ouvrir.

À la vue de la figure congestionnée de Saunders, se sentant la conscience peu tranquille, la servante poussa un cri et se sauva prévenir sa maîtresse.

Celle-ci était en tête-à-tête avec James Gobson.

– Parbleu ! recevez-le, conseilla l’ex-mari avec complaisance, et tâchez de vous en débarrasser si vous le pouvez, surtout si vous le voulez.

La jeune femme sortit de sa chambre, en ferma la porte derrière elle et passa dans le salon. Il était temps : le gros Saunders, qui avait grimpé l’escalier avec une agilité toute juvénile, franchissait lui-même le seuil de cette pièce.

– Ada ! ma chère Ada ! s’écria-t-il en se précipitant vers elle.

Le pauvre homme avait oublié sa colère ; il ne se souvenait plus que de son amour. Les bras ouverts, il ne songeait qu’à pardonner.

Mais, à sa stupéfaction, l’ingrate se déroba à cette étreinte et se contenta de lui tendre la main en disant :

– Mon cher Saunders, vous m’avez donc crue morte, vous aussi ? je ne vous pardonnerai jamais une semblable erreur. Cependant, je n’en suis pas moins enchantée de vous revoir.

Tout cela avait été dit d’un ton si calme, si glacial, que l’infortuné fabricant de biscuits, déjà essoufflé, haletant, sentit ses jambes se dérober sous lui.

Heureusement que M. Robertson junior le soutint et le conduisit jusqu’à un divan, sur lequel il se laissa tomber lourdement.

Ses gros yeux humides fixés sur celle qu’il avait tant pleurée et qui le recevait ainsi, il faisait vraiment peine à voir.

Miss Ada s’assit auprès de lui et lui prit la main.

– Voyons, mon brave Saunders, dit-elle, un peu de courage. Je vous aime toujours beaucoup, mais plus de la même façon. Et puis je veux en finir avec l’existence peu honorable que je menais. D’ailleurs je vais quitter New-York.

– Pour retourner avec le colonel Forster ? Oh ! je le tuerai, murmura le négociant.

– Avec le colonel Forster ! Je ne sais pas ce que vous voulez dire.

– Est-il possible ! Mais, Robertson, dites-lui donc que nous savons tout.

– Moi ! je ne sais rien, répondit l’agent, qui tenait beaucoup à ne jouer dans cette visite qu’un rôle de curieux.

C’en était trop pour le malheureux, dont la tête n’était pas encore bien solide : sa maîtresse le repoussait et son ami Robertson le reniait.

Exaspéré, furieux, il se releva brusquement et, jetant un regard de mépris à la jeune femme, il sortit du salon avec une espèce de dignité.

Robertson junior, qui n’avait rien de plus à faire dans la maison, s’inclina devant miss Ada et suivit Saunders, à qui il dit, lorsqu’il l’eut rejoint sur le pas de la porte de l’hôtel :

– Pardonnez-moi de vous avoir donné un démenti, cher monsieur ; mais il est bien inutile qu’on nous fasse comparaître tous deux comme témoins dans le procès en révision qui va s’ouvrir. Voulez-vous un conseil ? Restez tranquillement chez vous et oubliez miss Ada ; elle n’est pas digne de votre amour.

– C’est une coquine, bégaya le gros homme, en forme de péroraison et se parlant à lui-même bien plus qu’il ne répondait à son interlocuteur.

Et, laissant celui-ci s’éloigner, il remonta en voiture. Quelques instants après, sur le seuil de sa porte, il aperçut William Dow et jeta un cri de joie.

– Oh ! mon seul ami, dit-il au détective en tombant presque dans ses bras. Elle est vivante, je viens de chez elle. Quelle misérable ! Il faut que vous me rendiez le service d’aller trouver ce maudit colonel Forster ; je veux me battre avec lui ! S’il refuse, je le tuerai.

– Du calme, cher monsieur Saunders, répondit William, en aidant le pauvre homme à monter son escalier. D’abord je n’irai pas chez Forster, et cela pour une bonne raison, c’est qu’il n’est pas à New-York. Si c’est lui qui a enlevé miss Ada et s’ils sont restés ensemble jusqu’à ces derniers jours, ce qui n’est pas certain, car ils peuvent fort bien s’être séparés il y a déjà longtemps ; mais enfin, si elle est restée avec le colonel jusqu’au moment de son retour, il ne l’a pas ramenée. Nous savons en effet que son yacht n’est pas sur rade et que miss Ada Ricard est rentrée en ville par le chemin de fer de Harlem. Vous comprenez que M. Edward Forster, qui doit maintenant être au courant de tout ce scandale, se soucie fort peu de donner des explications fort compromettantes pour lui.

– C’est vrai, cher monsieur Dow, murmura Saunders en se laissant tomber dans un fauteuil, car, en échangeant ces paroles, les deux amis avaient gagné le salon du négociant.

– De plus, à quoi cela vous servirait-il de vous battre, poursuivit le détective, vous, bourgeois paisible, avec cet officier ? Un duel ne vous rendra pas votre maîtresse.

– Et ce voleur de Robertson, qui, après m’avoir pris je ne sais combien de mille dollars, pour des renseignements absurdes, semble trouver toute naturelle la conduite de cette fille.

– Qui ça, Robertson ? l’un des chefs de l’agence Robertson and C° ?

– Oui, Robertson junior. Ma foi, tant pis, je veux vous dire tout ce qui s’est passé entre lui et moi.

Et le brave Saunders, dont le cœur débordait, raconta à William Dow tout ce que savent nos lecteurs de ses rapports avec l’agent secret ; puis il termina en lui remettant ce fameux rapport qui avait provoqué l’expédition à Staten-Island.

– Tout cela est vraiment extraordinaire, fit le policier en hochant la tête, après avoir lu attentivement ce document. Confiez-moi ce rapport.

– Volontiers, répondit le fabricant de biscuits. Qu’en voulez-vous faire ?

– Oh ! rien contre l’agence Robertson, mais il renferme des détails qui peuvent m’être utiles un jour ou l’autre. Je voudrais aussi le portrait de miss Ada. Vous devez en avoir un ?

– Un seul, cher monsieur, un seul ; le voici. Tenez, voici en même temps la lettre que cette malheureuse a écrite à sa femme de chambre pour lui dire de ne pas s’inquiéter de son absence. Ne pas s’en inquiéter ! La misérable !

Le pauvre amoureux avait tiré de son portefeuille une photographie de l’infidèle, photographie qui était enveloppée dans ce billet que Mary lui avait donné quelques instants après l’avoir reçu de sa maîtresse. Il tendit le tout au détective en poussant un gros soupir.

William Dow passa encore plus d’une heure avec Saunders, et lorsqu’il se retira, ce fut le sourire sur les lèvres et en disant à la stupéfaction du bonhomme, qui d’ailleurs ne comptait plus ses étonnements :

– Patience ! je crois que je commence à comprendre.

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