Chapitre XXI

Vers le 12 septembre, des événements inquiétants se produisirent dans divers temples du pays : au sanctuaire de Horus, l’autel s’était renversé, et au temple d’Isis, la statue de la déesse avait pleuré. Au temple d’Amon, à Thèbes, les présages étaient mauvais, et les prêtres en déduisaient que des malheurs imminents allaient s’abattre sur l’Égypte. C’est pourquoi, Herhor et Méfrès ordonnèrent que des processions parcourent la ville et que des prières publiques soient dites. Mais le peuple, qui s’agitait de plus en plus, attaqua les processions, lapida les statues sacrées, et les prêtres durent se réfugier dans leurs temples. La police, quant à elle, s’abstenait d’intervenir.

Le 13 septembre au soir, se réunirent au temple de Ptah : Herhor, Mentésuphis, Méfrès, le grand juge de Thèbes et trois gouverneurs de province gagnés à la cause du clergé.

– La menace se précise, s’écria le grand juge. Je sais en toute certitude que le pharaon veut lancer le peuple contre les temples !

– Quant à moi, j’ai appris que Nitager avait reçu l’ordre de marcher sur Memphis ! ajouta le gouverneur de Sébès. Comme s’il n’y avait pas déjà assez de soldats ici !…

– Toutes les communications entre la Basse et la Haute-Égypte sont coupées depuis hier ! ajouta le gouverneur d’Aa. L’armée occupe les routes, et les galères de Sa Sainteté fouillent toutes les embarcations qui passent sur le Nil !…

– Ramsès XIII n’est pas « Sa Sainteté », coupa sèchement Méfrès ; il n’a pas reçu sa couronne des mains des dieux !

– Mais tout cela ne serait pas tragique s’il n’y avait tant de trahisons autour de nous, reprit le grand juge. Je sais de source sûre que beaucoup de prêtres sont acquis au pharaon et lui rapportent tout ce qu’ils apprennent…

– Oui, certains se sont même engagés à faciliter l’occupation des temples par l’armée, intervint à ce moment Herhor.

– L’armée doit occuper les temples ? s’écria avec effroi le gouverneur de Sébès.

– Elle a du moins reçu cet ordre pour le 23 septembre, répondit calmement Herhor.

– Et tu en parles avec cette désinvolture ? demanda le gouverneur d’Ament.

Le ministre haussa les épaules. Les autres dignitaires se regardèrent sans comprendre.

– C’est inconcevable ! s’écria le gouverneur d’Aa. Les temples ne disposent que de quelques centaines de soldats, les prêtres trahissent, la route de Thèbes est coupée, le peuple se révolte, et tu parles de tout cela comme d’un banquet en vue… Défendons-nous s’il en est temps encore ; sinon…

– Sinon, capitulons devant « Sa Sainteté », n’est-ce pas ? demanda Méfrès avec ironie. Cela, il sera toujours temps de le faire ! ajouta-t-il.

– Mais nous voudrions au moins connaître nos moyens de défense ! remarqua le gouverneur de Sébès.

– Les dieux n’abandonneront pas leurs serviteurs ! répondit Herhor.

– Je t’avoue, dit le grand juge, que ton indifférence m’étonne moi aussi ; tu sais que tout le peuple est dressé contre nous…

– Le peuple suit la direction du vent, répondit Herhor.

– Et l’armée ?

– Il n’y a pas d’armée qui ne recule devant Osiris…

– Oui, nous le savons, interrompit impatiemment le gouverneur d’Aa, mais nous ne voyons ni Osiris, ni ce vent qui changerait l’état d’esprit de la foule. Aujourd’hui, le pharaon se l’est achetée par des promesses, demain il se l’attachera par des libéralités…

– La crainte est plus forte que les promesses et les cadeaux ! rétorqua Herhor.

– De quoi veux-tu qu’ils aient peur ? Pas des trois cents soldats que nous avons, je suppose ?

– Ils auront peur d’Osiris ! répéta Herhor.

– Mais où est-il, ton Osiris ? demanda le gouverneur d’Aa, de plus en plus agité.

– Vous le verrez tous, et je vous souhaite d’être aveugles, ce jour-là !

Herhor avait prononcé ces mots avec tant d’inébranlable vigueur qu’il imposa le silence aux assistants.

– Mais que devons-nous faire ? demanda après un instant le grand juge.

– Le pharaon veut que le peuple attaque les temples le 23 septembre, commença Herhor. Or, nous devons faire en sorte que cette attaque se produise le 20 septembre…

– Dieux ! s’écria de nouveau le gouverneur d’Aa en levant les bras. Pourquoi veux-tu que nous attirions le malheur sur nous trois jours plus tôt ?

– Écoutez ce que vous dit Herhor, et faites que l’attaque se produise le 20 au matin ! ordonna Méfrès d’un ton autoritaire.

– Et si le peuple parvenait à prendre les temples d’assaut ? demanda le juge d’une voix troublée.

– Si le plan de Herhor échoue, j’appellerai les dieux à mon secours, dit Méfrès, et un éclair mauvais passa dans son regard.

– Je sais que vous, archiprêtres, avez vos secrets que nous ignorons, répondit le grand juge. Nous vous obéirons donc, et provoquerons l’attaque le 20 septembre. Mais le sang de nos enfants retombera sur vos têtes !

– Oui, qu’il retombe ! s’écrièrent les autres dignitaires.

– Soit, nous l’acceptons, répondit Herhor. Depuis dix ans, ajouta-t-il, nous gouvernons le pays, et jamais aucun d’entre vous n’a eu à s’en plaindre ; nous savons tenir nos promesses, vous le savez. Soyez donc patients et fidèles quelques jours encore. Alors vous verrez la puissance des dieux et vous recevrez votre récompense !

Les dignitaires se retirèrent, inquiets et troublés. Méfrès et Herhor restèrent seuls.

Après un moment de silence, Herhor dit :

– Ce Lykon était utile aussi longtemps qu’il jouait au fou… Mais pourra-t-il se faire passer pour Ramsès en public ?

– Si la mère de Ramsès l’a pris pour son fils, c’est qu’il est très ressemblant. D’ailleurs, il ne s’agira que de dire quelques mots, et nous l’assisterons…

– C’est un si mauvais comédien !

– Il possède le don de double vue et peut nous rendre d’immenses services, répliqua Méfrès.

– Tu parles toujours de cette double vue ! Je voudrais bien voir ce qui en est… demanda Herhor avec ironie.

– Tu le veux vraiment ? Suis-moi ; mais, je t’en supplie, oublie aussitôt ce que tu auras vu…

Ils descendirent dans un des caveaux du temple de Ptah ; là, ils virent, à la lumière d’une torche, un homme assis à une table, et qui mangeait. Il portait la tunique de la garde royale.

– Lykon, dit Méfrès, le ministre Herhor veut éprouver les dons que t’ont accordés les dieux…

Le Grec repoussa son plat et se mit à grommeler :

– Maudit soit le jour où j’ai touché du pied le sol de ce temple ! Je préférerais travailler aux carrières et recevoir des coups de fouet !…

– Il sera toujours temps pour cela… répondit sèchement Méfrès.

Lykon pâlit subitement en voyant dans la main du prêtre une bille de cristal. Son regard devint trouble ; son visage se couvrit de sueur, sa bouche se crispa. Il fixait, comme fasciné, le cristal et n’en pouvait détacher le regard.

– Voilà, il dort déjà, dit Méfrès.

– Ou fait semblant… répondit Herhor.

– Pince-le, brûle-le, si tu veux !

Herhor tira un poignard d’acier et en menaça Lykon. Le Grec ne bougea pas, ses paupières n’eurent pas même un tremblement.

– Regarde ici, lui disait Méfrès, regarde dans ce cristal… Y vois-tu l’homme qui t’a pris Kamée ?…

Le Grec se leva, de la bave apparut à ses lèvres, ses poings se serrèrent.

– Lâchez-moi ! dit-il d’une voix sourde. Lâchez-moi, que j’aille boire son sang !

– Où est-il, en ce moment ? demanda Méfrès.

– Dans le petit palais, au fond du jardin royal, près du fleuve ; une jeune femme, très belle, l’accompagne, murmura le Grec.

– C’est Hébron, la femme de Tutmosis, dit calmement Herhor. Avoue, Méfrès, qu’il ne faut pas avoir le don de double vue pour savoir cela ! ironisa-t-il.

Les lèvres de Méfrès se crispèrent.

– Je vais te montrer mieux, pour te convaincre, dit-il. Lykon, poursuivit-il en s’adressant au Grec, parle-nous maintenant du traître qui cherche le chemin du Labyrinthe ?

Le Grec fixa un instant le cristal puis murmura :

– Je le vois… Il est habillé comme un mendiant… Il est couché dans le jardin d’une auberge, sur la route du Labyrinthe… Il y sera au matin…

– Et comment est-il ?

– Il a une barbe et des cheveux roux…

– Qu’en penses-tu ? demanda Méfrès au ministre, avec un air de triomphe.

– Je pense que ta police est bien faite, répondit Herhor, toujours aussi incrédule.

– Mais la tienne ne l’est pas ! s’écria Méfrès en colère. Lee gardiens du Labyrinthe ne font pas leur devoir ! Cette nuit encore, je me rendrai sur place pour les avertir que quelqu’un cherche à pénétrer dans le sanctuaire ! Et si je réussis à sauver le trésor des dieux, j’espère que tu me nommeras grand gardien du Labyrinthe ?…

– Si tu le veux… répondit Herhor avec indifférence.

Mais, dans son for intérieur, il ajouta :

« Le saint Méfrès commence à montrer les dents… Il ne veut devenir que… grand gardien du Labyrinthe, et faire de son protégé Lykon… le pharaon ! Décidément, il faudrait dix Égyptes pour assouvir l’avidité de mes confrères !… »

Le soir même, Méfrès et Lykon partaient en litière vers le Labyrinthe.


*

Dans la nuit du 14 au 15 septembre, Samentou pénétra dans le Labyrinthe, par une issue connue de lui seul, comme il l’avait annoncé au pharaon. Il avait dans la main plusieurs torches et un panier sur le dos. Il passait facilement de salle en salle, de couloir en couloir, ouvrant d’un seul geste de la main les portes secrètes et les dalles pivotantes. Parfois il hésitait ; il déchiffrait alors des signes gravés sur le mur et les comparait avec ceux de son chapelet. Après une demi-heure de marche, il arriva dans la chambre du trésor et descendit dans la cave située au-dessous. C’était une longue pièce dont le plafond bas était soutenu par de larges colonnes creuses. Samentou alluma deux nouvelles torches et se mit à déchiffrer les inscriptions des murs. Il y lut :

Je suis le véritable fils des dieux ; ma colère est terrible. Au grand air, je me transforme en flamme et provoque le tonnerre ; enfermé, je suis force et destruction, et aucun granit ne peut me résister. Seule l’eau m’adoucit et m’enlève mon pouvoir ; ma colère naît d’une simple flamme ou même d’une étincelle.

– Je crois comprendre, murmura Samentou. Voilà le secret de la destruction du Labyrinthe.

Il ouvrit une des petites portes pratiquées dans les colonnes, et y trouva un vase rempli d’une poudre grisâtre d’où sortait une mince cordelette. Samentou prit un peu de la substance grise et en approcha sa torche : aussitôt une flamme s’éleva, répandant une abondante fumée et une odeur suffocante. Le prêtre reprit encore un peu de cette poudre, en fit un petit tas sur le sol, y appliqua un morceau de la corde, et plaça une pierre sur le tout. Puis, il mit le feu à l’extrémité de la corde ; celle-ci grésilla, et au bout d’un instant la pierre fut entourée de flammes et bondit subitement dans l’air embrasé.

– Voilà ce qu’ils nomment le fils des dieux ! murmura en souriant Samentou. Non, le trésor ne sera pas anéanti !

Il se mit à aller de colonne en colonne, les ouvrant toutes, et enlevant les cordes qui pendaient des vases.

– Ma découverte mérite que le pharaon me donne la moitié du trésor que j’ai sauvé… murmurait-il. Ou, tout au moins, qu’il me nomme prêtre d’Amon à Thèbes… Il le fera certainement, car c’est un maître généreux…

Après avoir assuré la sécurité de la salle que surplombait le trésor, il monta dans celle s’étendant au-dessus de la pièce recelant les richesses. Là-aussi, il y avait des colonnes contenant des vases de poudre grise ; Samentou fit le nécessaire pour la rendre inoffensive. Puis, fatigué, il s’assit. Six de ses torches étaient consumées. Au-dehors, le jour devait poindre. Samentou pensait à cette étrange matière dont les prêtres connaissaient le secret. Cette poudre devait être capable de détruire les plus solides fortifications assyriennes…

Il se mit à rêver. Il était sûr, désormais, de son succès, et ne doutait plus qu’un avenir brillant l’attendait. Oui, il prendrait la place de Herhor… Il songea à la politique qu’il mènerait : il vaincrait les Assyriens, ferait creuser le canal mer Rouge-Méditerranée, assurant ainsi à son maître et à lui-même une gloire immortelle…

« Dans un mois, je serai le maître ! pensait-il. Le pharaon aime trop l’armée et les femmes pour s’occuper du gouvernement ; et s’il n’a pas de fils, c’est mon fils, mon fils à moi… »

Il s’arracha à sa rêverie et se leva pour repartir. Il avait traversé des dizaines de pièces et de couloirs lorsque, soudain, il s’arrêta net : il lui avait semblé apercevoir un mince filet de lumière sur le sol. En l’espace d’un instant, une terreur panique s’empara de lui ; il éteignit sa torche et ne bougea plus. Le filet de lumière avait disparu… Le prêtre tendit l’oreille, mais il n’entendait que les battements de son cœur.

– Non, ce n’est pas possible !… J’ai dû me tromper !… se dit-il.

Il ralluma sa torche, et reprit sa route. Arrivé à la porte dérobée, il appuya sur le clou : rien. Il appuya à nouveau, puis encore une fois : toujours rien. La porte refusait de s’ouvrir.

– Qu’est-ce que cela veut dire ? murmura-t-il.

Il avait ouvert, dans ce labyrinthe, des centaines de portes, et jamais aucune n’avait résisté ; il ne pouvait comprendre ce qui arrivait…

Soudain, la peur fut sur lui. Il courut de mur en mur, essayant d’ouvrir toutes les portes secrètes. Elles étaient fermées. Enfin, l’une d’elles s’ouvrit. Il respira. Il se trouvait une fois de plus dans une salle immense, remplie de colonnes comme toutes les autres. L’obscurité le rassura, et il reprit courage. Il se dit que personne ne pourrait le trouver là ; il s’assit, mais se redressa aussitôt. Un danger le menaçait. Il en était sûr. Il avait l’habitude des souterrains, de l’obscurité, des errances interminables dans des couloirs sombres ; mais ce qu’il éprouvait en ce moment était pire que les plus grandes frayeurs qu’il avait jamais connues ; c’était si effrayant qu’il n’osait lui donner un nom.

– Si vraiment j’ai vu de la lumière, si vraiment quelqu’un a fermé les portes, cela veut dire que je suis trahi… Dans ce cas… !

– Dans ce cas, c’est la mort !... murmura une voix intérieure.

La sueur couvrit son visage, sa respiration se fit saccadée, et une horrible panique l’envahit. Il se mit à courir le long des murs, frappant des poings toutes les issues, cherchant à les ouvrir ; il ne savait plus où il se trouvait, ne s’orientait plus dans ce dédale effroyable, et il ne pouvait plus sortir du Labyrinthe. Il savait que son attitude était insensée, qu’il gaspillait ses dernières chances de salut, mais sa peur ne faisait que croître, touchait au paroxysme, approchait de la folie.

Un instant, il retrouva son calme. Qui, pensait-il désespérément, qui pourrait le surprendre dans le Labyrinthe ? Il faudrait pour cela des milliers d’hommes, ou bien un miracle… D’ailleurs, s’ils s’emparaient de lui, il porterait à ses lèvres le petit flacon qu’il avait sur lui, et en un instant il franchirait le seuil des dieux.

« Comment ai-je pu être assez fou pour entrer ici ? se disait-il. N’avais-je pas à manger, étais-je sans toit ? Le Labyrinthe possède des gardiens perspicaces, et seul un fou ou un enfant pouvait espérer les égarer !… Le pouvoir… L’argent… Que sont-ils en regard de la vie que je vais perdre ? Ah, j’ai été insensé !… »

Il aperçut à ce moment, au fond de la salle, une lumière, une véritable lumière : à travers une porte ouverte et éclairée entraient des hommes armés. À cette vue, il sentit ses jambes trembler ; son sang se figea, son cœur battit plus fort. Il ne pouvait plus douter non seulement qu’il était découvert, mais poursuivi et pris au piège. Et il se demanda qui avait pu le trahir.

Subitement, comme cela arrive souvent en face de la mort, il cessa d’avoir peur. Il retrouva un grand calme et un détachement de ce qui avait été sa vie. Il était à présent au-dessus de la crainte et au delà du regret. Ses ambitions, son passé, tout cela n’avait plus aucune importance ni aucun sens, et la mort seule l’emplissait déjà.

Cependant, les hommes armés, la torche à la main, avançaient lentement à travers la salle. Il vit briller leurs javelots et aperçut la peur sur leurs visages. Caché par une colonne, il les attendait.

Derrière eux marchait un autre groupe d’hommes ; Samentou se demanda si le traître était parmi eux.

Il entendit un des soldats dire :

– Il ne peut y avoir personne, ici !

Ses compagnons s’arrêtèrent, et Samentou retint sa respiration. Peut-être allaient-ils rebrousser chemin ?… Mais le second groupe avait rejoint le premier.

– Il y a certainement quelqu’un : regardez donc Lykon ! Il sent l’ennemi ! dit une voix.

« Lykon… pensa Samentou. Ah oui, c’est ce Grec qui ressemble tant au pharaon ! Mais… c’est Méfrès qui l’accompagne ! »

À ce moment, le Grec, toujours en état d’hypnose, bondit vers la colonne qui abritait Samentou. Les hommes armés entourèrent le prêtre et une torche éclaira son visage sombre.

– Qui est là ? s’écria le grand gardien qui dirigeait la poursuite.

Samentou s’avança d’un pas, et son apparition en ce lieu quasi inaccessible était si extraordinaire, que tous reculèrent.

– Alors, Lykon s’était-il trompé ? triomphait Méfrès. Le voilà, le traître !

Samentou s’avança vers lui et dit d’une voix chargée de mépris :

– Je t’ai reconnu, Méfrès… Tu es non seulement un escroc mais aussi un imbécile ! Un escroc, car tu essaies de faire croire aux gardiens du Labyrinthe que ce gredin de Lykon a le don de double vue ; un imbécile, parce que tu espères qu’ils vont te croire ! Avoue tout de suite qu’au temple de Ptah se trouvent les plans du Labyrinthe !…

– C’est faux ! s’écria Méfrès.

– Demande donc à ces hommes qui ils croient : toi ou moi ? demanda Samentou avec une calme ironie. Je suis ici car j’ai trouvé les plans nécessaires au temple de Set ; toi, tu les as trouvés au temple de Ptah…

– Emparez-vous de ce traître ! s’écria Méfrès.

Samentou recula d’un pas, tira de sa poche un flacon de verre.

– Méfrès, ricana-t-il, tu resteras stupide jusqu’à ta mort ! Tu n’es intelligent que lorsqu’il s’agit d’amasser des richesses…

Il but et s’écroula. Les soldats bondirent vers lui, mais déjà ils n’avaient plus devant eux qu’un cadavre.

– Laissez-le ici, comme les autres, dit le grand gardien.

Ils quittèrent tous la salle. Bientôt, ils se retrouvèrent dans la cour du sanctuaire ; Méfrès et Lykon repartirent immédiatement pour Memphis.

Les gardiens du Labyrinthe, restés seuls, se regardèrent, étonnés encore de ce qu’ils avaient vu.

– Je ne parviens pas à croire qu’un homme ait réussi à pénétrer ici, dit le grand gardien.

– Tu veux dire que trois hommes y ont pénétré aujourd’hui, fit remarquer un des jeunes prêtres, en le regardant d’un air étrange.

– Ah, c’est vrai ! s’exclama le grand gardien. Dieux ! Où ai-je la tête, aujourd’hui ? ajouta-t-il en se frottant le front.

– Et deux d’entre eux sont repartis, libres : le comédien de Lykon et l’archiprêtre Méfrès… ajouta le jeune prêtre.

– Pourquoi ne me l’as-tu pas fait remarquer plus tôt ?

– Je ne savais pas que tu les laisserais s’échapper…

– Malheur à moi ! s’écria l’archiprêtre. Je ne mérite pas d’être le grand gardien de ce trésor ! On m’avait prévenu que quelqu’un cherchait à entrer dans le Labyrinthe, et je n’ai rien fait pour l’en empêcher ; et maintenant, je viens de laisser échapper les deux hommes les plus dangereux qui soient !

– Rien n’est perdu, dit l’autre prêtre ; la loi est formelle… Il suffit donc que tu envoies à Memphis quelques hommes munis des sentences appropriées ; ils feront le reste.

– Oui, intervint un autre prêtre. Une chose est certaine : des hommes qui sont entrés dans le Labyrinthe ne peuvent vivre un jour de plus !

– Choisissez donc dix soldats, et que les scribes préparent les sentences contre Lykon et Méfrès. Il s’agit de faire vite.

Quelques heures plus tard, six prêtres-soldats, gardiens du Labyrinthe, partaient à toute allure pour la capitale.

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