VII Que deviendra-t-il

Quand Jacques Vaillant rentra, il trouva sa femme et son filleul qui l’attendaient dans la salle à manger. Huit heures étaient sonnées à l’horloge de la paroisse.

Le maire jeta dans la salle un coup d’œil rapide.

– Où donc est le sauvage ? demanda-t-il.

Catherine se leva ; elle était un peu tremblante.

– Jacques, dit-elle d’une voix qui trahissait son émotion, tu vas me gronder.

– Te gronder ! pourquoi ?

– Le malheureux n’est plus ici.

– Tu l’as laissé s’échapper ?

– Non, Jacques.

– Alors, explique-toi.

– Ton filleul et moi nous l’avons conduit au fond du jardin. Là, nous lui avons montré la forêt. Jacques a mis l’échelle contre la haie et… il est parti. Fais-moi des reproches si tu crois que je les ai mérités, mais je t’en prie, mon ami, ne te mets pas en colère. Écoute, il me faisait pitié : il souffrait tant, sa douleur était si grande ! Ses larmes, ses sanglots me brisaient le cœur ; et puis il me regardait si tristement, ayant l’air de me supplier… Je n’ai pas pu résister ; une chose en moi plus forte que ma volonté, plus forte que la crainte de te déplaire, m’a fait agir…

» Ah ! si tu avais vu comme ses yeux brillaient, si tu avais vu sa joie, son bonheur quand il a compris qu’il était libre, qu’il allait retourner dans les bois ! Si tu avais été là quand, pour me remercier, il a pris ma main et l’a portée à ses lèvres, je te le dis, Jacques, je te le dis, tu te serais attendri et tu n’aurais pas eu le courage de l’empêcher de prendre la fuite.

» Je ne me repens pas de ce que j’ai fait ; mais si tu juges que c’est mal, mon ami, je te prie de me pardonner.

– Je te pardonne, Catherine.

– Et moi, parrain ? fit le jeune garçon.

– Il faut bien que je te pardonne aussi, gamin.

– Ainsi, Jacques, c’est bien vrai, tu ne nous en veux pas.

Jacques Vaillant eut un doux sourire.

– Je n’ai ni le droit de vous en vouloir, ni celui de vous adresser un reproche, répondit-il, car je dois te le dire, Catherine, je suis votre complice.

– Toi, notre complice ?

– Oui. Tu ne m’as pas caché ta pensée ; j’avais, d’ailleurs, deviné ton intention. En t’envoyant notre filleul pour te prévenir que je ne rentrerais pas avant huit heures, c’était te dire que je te laissais le temps de mettre ton projet à exécution.

– Ah ! Jacques, Jacques, s’écria-t-elle en se jetant dans ses bras, tu es toujours le meilleur des hommes !

– Avec toi, ma chère Catherine, je ne pouvais guère changer, répliqua-t-il en souriant. Enfin, tu es satisfaite, le sauvage a regagné la forêt… Dieu veuille que nous n’ayons pas à regretter un jour ce que nous avons fait !

– Pourquoi le regretterions-nous ?

– Je ne lis pas dans l’avenir, Catherine ; mais bien des choses peuvent arriver qui, seraient notre condamnation.

– Tu m’effrayes, Jacques ; que veux-tu dire ?

– Le malheureux peut être pris pour un fauve et tué dans une chasse.

Catherine devint affreusement pâle.

– Ce malheur est possible, continua Jacques Vaillant ; j’admets, néanmoins, que nous n’aurons pas à le déplorer ; mais bien d’autres dangers, également terribles, le menacent. Il aime le silence de la forêt, ses grands arbres, ses taillis et ses épais fourrés, ses retraites impénétrables où il peut s’endormir ; toutefois, je ne puis croire qu’il soit depuis longtemps dans les bois. D’où vient-il ? Qui est-il ? Là est le mystère. Une femme d’ici affirme qu’elle l’a vu il y a deux ans environ dans une baraque de saltimbanques ! C’est possible, mais rien ne prouve que ce soit vrai. Je suppose qu’il est depuis deux ou trois mois déjà l’hôte de la forêt. Comment, pendant ce temps, a-t-il pourvu à ses besoins de chaque jour ? Je ne saurais le dire. Mais il est évident qu’il a trouvé le moyen de se nourrir, puisqu’il n’est pas mort de faim. Donc, pour lui, pendant quelques mois encore, c’est-à-dire aussi longtemps qu’il trouvera sa nourriture, tout ira bien.

Malheureusement, l’hiver viendra, et les hivers dans nos montagnes, avec les neiges et les frimas, sont toujours rudes. Je veux bien admettre encore que son corps, habitué aux intempéries des saisons, résistera aux atteintes du froid et qu’il trouvera un abri contre la bise dans la cavité profonde de quelque rocher. Mais il aura à défendre sa vie contre les carnassiers, et s’il n’est pas dévoré par eux, comment trouvera-t-il sa nourriture ? Car alors, Catherine, il n’y aura plus de fruits sur les arbres, plus de nids d’oiseaux cachés dans les feuilles ; la ronce au fruit noir et juteux sera sèche ; les glands du chêne et les prunelles de l’épine seront pourris sous la neige.

– Ah ! Jacques, je n’avais pas songé à cela ! soupira Catherine.

– Et moi, j’y pense seulement maintenant.

– Que faire, Jacques ?

– Rien !

– Que Dieu le protège, le malheureux !

– Attendons l’hiver.

– Oui, Jacques, attendons l’hiver ; si les bêtes de la forêt menacent ses jours, s’il a faim, il se souviendra que nous avons été bons pour lui et il viendra nous trouver.

– À moins qu’il ne préfère mourir de faim.

– Ah ! Jacques, s’écria-t-elle, ayant de grosses larmes dans les yeux, si cette horrible chose arrivait, je ne me consolerais jamais de lui avoir rendu sa liberté.

– Tu vois, Catherine, tu regrettes déjà ce que tu as fait.

Elle poussa un long soupir et baissa la tête.

– Parrain, dit Jacques Grandin, c’est la faim qui force le loup à sortir du bois ; si le sauvage ne revient pas, c’est que, bien avisé et prévoyant, il aura fait ses provisions pour l’hiver.

– Il a raison, dit le maire.

Catherine hocha la tête.

– L’hiver sera mauvais pour moi, pensa-t-elle.

C’était un pressentiment.

– Maintenant, autre chose, reprit Jacques Vaillant : il faut donner une explication aux habitants de la commune.

– Que leur diras-tu, Jacques ?

– Dans cette circonstance le mensonge n’est pas défendu : je leur dirai que, profitant du moment où tu l’avais laissé seul, le sauvage s’est élancé hors de la maison, a sauté par-dessus la haie du jardin et s’est enfui dans la direction de la forêt.

» On racontait des choses absurdes, qui jetaient partout l’épouvante. Qu’est-ce que j’ai voulu ? Calmer l’agitation, détruire les craintes, chasser la terreur. J’ai atteint mon but. Ils ont vu le sauvage, ils savent que c’est un être timide, inoffensif, incapable de faire du mal même à un enfant : maintenant ils sont tous rassurés. Va, je les connais : demain, quand ils apprendront que le sauvage a repris le chemin de la montagne, ils battront des mains. Il ne s’en trouvera pas un seul pour dire aux autres : Allons le reprendre !…

* * * * *

Jacques Vaillant ne s’était pas trompé.

Le lendemain, quand on apprit à Mareille, que le sauvage, ayant mis en défaut la vigilance de la femme du maire, s’était échappé et qu’il avait probablement regagné la forêt, il n’y eut dans la commune que l’émotion de la surprise. Nul n’éleva la voix pour faire entendre une parole de blâme ou manifester autrement son mécontentement.

– Après tout, il a bien fait de se sauver, disait-on ; est-ce qu’on a le droit de lui ravir sa liberté ? On comprendrait cela s’il était méchant ; mais non, au contraire, il est doux comme un agneau et craintif comme un lièvre. Puisqu’il a peur des hommes, et qu’il aime la solitude des grands bois, qu’on le laisse vivre à sa guise, comme il le veut.

On n’avait plus peur du sauvage, son voisinage n’inspirait plus aucune défiance ; on s’intéressait vivement à lui, maintenant ; on s’attendrissait sur son sort misérable. Celui qui aurait eu l’intention de lui tendre un piège, de lui faire du mal d’une façon ou d’une autre, eût été mal venu, on lui aurait certainement fait un mauvais parti, le coureur des bois aurait trouvé immédiatement de nombreux défenseurs, surtout parmi les femmes.

L’innocent mensonge du maire n’avait pas été accepté par tout le monde. Les incrédules devinèrent la vérité.

– Catherine Vaillant est une brave et excellente femme, disaient-ils ; si le sauvage a pu s’échapper, c’est qu’elle lui a ouvert les portes de la maison.

À cela les autres répondaient :

– S’il en est ainsi, la bonne Catherine a bien fait.

Du moment que le sauvage s’en est allé, c’est qu’il était content de retourner dans la forêt.

Pendant trois mois encore on parla beaucoup du coureur des bois, puis, peu à peu, on cessa de s’occuper de lui.

Du reste, on ne le voyait plus comme précédemment, courir sous bois à travers les taillis.

Les charbonniers, interrogés, répondirent qu’ils ne l’avaient pas aperçu une seule fois depuis la grande battue. Des hommes pénétrèrent dans les parties les plus sombres, les plus désertes de la forêt ; mais ce fut en vain. Rien ne révélait la présence du sauvage ; on ne trouvait nulle part des traces de son passage. Il avait disparu.

On supposa qu’il avait quitté la forêt de Mareille et qu’il s’était réfugié, beaucoup plus loin, dans une autre région.

Il n’en était rien.

Devenu plus prudent et plus craintif, le coureur des bois se cachait, s’entourant d’une infinité de précautions pour se rendre invisible. D’ailleurs il s’était éloigné des endroits fréquentés de la forêt.

Il avait découvert, au pied de la Bosse grise, sous des quartiers de roche qui s’étaient successivement détachés de la pyramide et amoncelés sur un large espace, une grotte naturelle, assez spacieuse, dont il avait fait sa demeure.

Jamais un rayon de soleil n’y pénétrait ; mais un peu de jour descendait d’en haut et tombait de la voûte par une fente étroite.

Un passage sombre et tortueux, que le coureur des bois avait rendu praticable, conduisait à la grotte.

Il était là comme dans une forteresse, ayant pour remparts d’épaisses et hautes broussailles entrelacées, sous lesquelles il s’était frayé un chemin où l’homme le plus hardi aurait craint de s’engager. Sa retraite était ainsi cachée à tous les yeux, et, obstacle difficile à franchir, les épines et les ronces, hérissées de dents meurtrie, le défendaient contre les attaques de l’homme ou des bêtes de la forêt.

Non loin de là, sous un rocher ouvert comme une gueule, jaillissait une source, qui alimentait un petit ruisseau dont le murmure troublait seul le silence de cette partie de la forêt. C’est à cette source, dont l’eau était toujours fraîche et limpide, que le sauvage venait se désaltérer. Un peu plus bas l’eau avait creusé une fosse d’un mètre de profondeur ; c’est là qu’il se baignait, car il avait l’instinct de la propreté.

Depuis qu’il avait été pris par les chasseurs, craignant évidemment de retomber entre leurs mains, il ne sortait de sa demeure que lorsqu’il y était absolument forcé ; il s’éloignait le moins possible des alentours de la Bosse grise ; rarement il s’aventurait à une grande distance. Quand cela lui arrivait, c’est qu’il était obligé d’aller loin pour trouver ce qu’il cherchait.

S’il n’avait pas eu peur de l’homme, s’il n’eût pas mis tous ses soins à éviter son approche, il n’aurait eu que le souci de pourvoir à sa nourriture. Heureusement, il n’était pas trop difficile ; son corps, habitué depuis longtemps aux privations, s’accommodait de tout. Quelques pommes ou poires sauvages, des cornouilles ou des noisettes suffisaient pour apaiser sa faim. Quand les fruits lui manquaient, il se contentait d’une racine tendre ou de l’aubier de certains arbres qu’il prenait sous l’écorce. Il avait aussi des marrons et des châtaignes, la gomme du merisier.

Son palais s’était fait à l’âcreté et à l’amertume des fruits sauvages. Il disputait le fruit du chêne à la voracité des sangliers. Avec une poignée de glands il faisait un repas délicieux. Il ne dédaignait pas non plus les plantes herbacées qui lui paraissaient bonnes à manger. C’était son ordinaire.

Il avait ses extra : les œufs et les jeunes couvées qu’il trouvait dans les nids à l’époque des amours des oiseaux, les lapins qu’il prenait dans leur terrier, les oiseaux auxquels il faisait la chasse avec une adresse et une agilité merveilleuses et qu’il parvenait à attraper, enfin tous les animaux qu’il pouvait prendre et quelquefois les restes saignants, mis en réserve, d’un festin de carnassiers.

Quand il n’était pas pressé par la faim, il faisait rôtir ou plutôt sécher sa viande au soleil ; mais le plus souvent il mangeait la chair saignante, palpitante encore. Il le fallait bien, puisque à l’exception du bois, il ne possédait aucune des choses nécessaires pour faire du feu.

La nuit, il dormait sur des fougères et des feuilles sèches qu’il avait ramassées dans le bois et dont il s’était fait un lit dans un coin de la grotte. Le jour, quand il n’y avait pas pour lui nécessité de sortir, il restait couché ou accroupi sur sa litière, pendant des heures entières, immobile, les yeux à demi-fermés, comme plongé dans une méditation profonde ; ou bien les yeux grands ouverts, fixés sur le filet de lumière qui descendait d’en haut, il semblait en extase. Mais toujours il avait l’air de rêver.

Hélas ! à quoi pouvait-il penser, le malheureux ?

Au passé, à ses jeunes années, à ce qu’il avait déjà souffert, à ceux à qui il devait sa triste existence ? Oui, peut-être. Peut-être aussi pensait-il à sa mère… Il devait se souvenir. Et puis, qui peut dire que dans son immense et éternelle solitude, ne pouvant s’entretenir qu’avec ses pensées, il n’essayait pas de déchirer le voile de l’avenir ?

Que de choses enfouies, perdues, devaient exister en lui sans pouvoir en sortir ou se révéler ! Dans son cœur des trésors d’affection, de tendresse, de dévouement ; dans sa pensée, le secret du passé.

Dans un autre coin de la grotte, il y avait un fusil à deux coups couvert de rouille. Il l’avait trouvé dans le bois. Cette arme à feu avait du appartenir à quelque braconnier, qui, surpris par les gardes ou les gendarmes, l’avait jetée dans un buisson. Le coureur des bois avait assisté plus d’une fois, de loin, à une chasse ; il avait entendu les détonations et vu tomber le gibier ; il connaissait donc l’emploi du fusil. Il avait longuement étudié le mécanisme de celui qui était devenu sa propriété ; mais il ne s’en était jamais servi, pour cause ; il n’avait ni poudre, ni plomb, ni capsules.

Il avait encore trouvé, un jour, dans un sentier de la forêt, un couteau de chasse, et quelque temps après un vieux panier qu’on avait oublié dans une clairière.

À défaut d’autres instruments, le couteau, on le comprend, lui rendait de nombreux services. Quant au panier, il lui avait servi de modèle pour en fabriquer plusieurs autres de diverses grandeurs avec lesquels il allait faire ses provisions. Il y en avait un amas dans une partie de la grotte transformée en grenier d’abondance. Tous les blocs en saillie faisaient l’office des rayons d’une étagère ou des claies d’un fruitier. Chaque cavité lui tenait lieu d’un coffre ou d’une armoire. À côté d’un tas de noisettes, un tas de glands, des noix, des fruits de toutes sortes, les uns encore verts, les autres séchés sous les rayons du soleil, des marrons, des châtaignes, un fagot de racines, des bottes d’herbages. À quelques pas de sa demeure il avait établi un petit parc dans lequel il avait jeté plusieurs milliers d’escargots ; ce pulmonès terrestre était un de ses régals. Beaucoup parvenaient à s’échapper ; mais cela l’inquiétait médiocrement, car, s’il ne les arrêtait pas dans leur fuite, il pouvait facilement en retrouver d’autres.

Toutes ces choses cueillies, coupées ou ramassées à profusion étaient ses conserves pour l’hiver. Il n’avait pas deviné que, l’hiver venu, quand la terre est gelée et que tout est enseveli sous la neige, on ne trouve plus rien dans le bois ; non, il n’avait pas deviné cela, il le savait par expérience, car depuis qu’il vivait à l’état sauvage, il avait vu se renouveler toutes les saisons.

Grâce aux précautions qu’il prenait quand il faisait dans la forêt des excursions plus ou moins longues, plusieurs mois s’étaient écoulés sans qu’il eût été rencontré ou seulement aperçu.

Comme nous l’avons dit, on croyait, à Mareille, qu’il avait quitté la forêt pour aller chercher un asile plus sûr dans une autre région. Mais un jour, en novembre, des chasseurs le trouvèrent étendu sur un tapis de mousse, au bord du ruisseau dont nous avons parlé.

Les yeux fermées, sommeillant ou enfoncé dans un de ses rêves, il ne les avait pas entendus venir. Comme toujours, après avoir pris son bain, il s’était couché là, avec d’autant plus de confiance et de tranquillité, que l’endroit était le plus sombre, le plus désert de la forêt et que jamais il n’y avait vu le pas d’un homme. Les chasseurs n’étaient plus qu’à quelques pas de lui lorsque le bruit d’une branche de bois mort, craquant sous le pied, frappa son oreille et le tira de sa somnolence. Il tressaillit, leva la tête et regarda comme la bête qui craint d’être surprise.

En apercevant les chasseurs, dont l’attitude, d’ailleurs, n’était nullement menaçante, il fut saisi d’une folle épouvante. Il poussa un cri, se dressa comme mû par un ressort, promena autour de lui ses yeux hagards pour s’assurer qu’il n’avait pas d’autres ennemis à redouter, franchit le ruisseau d’un bond et disparut avec la rapidité de l’éclair.

Les chasseurs se regardèrent. Ils étaient encore sous le coup de la surprise.

– Il a eu une rude peur, dit l’un.

– Pourtant il a dû voir que nous ne songions pas à lui faire du mal.

– C’est égal, il a les jarrets solides, le gaillard.

– Il s’élance et bondit comme un chamois ; il attraperait un chevreuil à la course.

– Il a fui dans cette direction ; il doit avoir son gîte dans un des trous de la Bosse grise.

– C’est certainement là qu’il se cache.

– Et il se cache bien, puisque, depuis des mois, nul autre que nous ne l’a vu.

– Cela indique qu’il ne tient pas à être repris une seconde fois.

– Mais de quoi peut-il vivre, le pauvre diable ? je me le demande.

– Ça, c’est son affaire.

– On prétendait qu’il n’était plus dans la forêt.

– Nous venons d’avoir la preuve du contraire.

Les chasseurs s’étaient arrêtés ; ils n’allèrent pas plus loin. D’ailleurs, pour les empêcher d’avancer, ils avaient devant eux la barrière de ronces qui, de ce côté, défendait les abords de la Bosse grise. Sans feuillage maintenant, plus sombres, plus menaçantes, plus terribles dans leur nudité, droites, courbées, tordues ou s’allongeant, montrant leurs dents formidables, prêtes à mordre et à déchirer la chair, elles semblaient dire : « Gardiennes de ces rochers, nous sommes là depuis des siècles pour défendre aux hommes d’approcher. »

Les chasseurs égarés se hâtèrent de rebrousser chemin.

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