III INTIMITÉ

Édouard Lebel avait été extrêmement sensible à une des attentions de Mlle Dubessy concernant son linge et sa garde-robe.

Son linge blanchi lui était rendu chaque semaine après avoir été scrupuleusement visité par la lingère du château, laquelle, tous les samedis, passait en revue les effets d’habillement du jeune homme, ayant reçu l’ordre d’en prendre soin à l’égal de ceux de M. Darimon. Édouard, de ce côté, n’avait donc aucune préoccupation. Et en se rappelant qu’il avait été maintes fois agacé, dans son logement de Montmartre, à propos d’une boutonnière de chemise trop lâche ou d’un bouton manquant à un pantalon ou à un gilet, il se disait que, véritablement, l’homme ne pouvait pas vivre sans la femme, qu’elle soit une mère, une épouse, une sœur, une servante ou une maîtresse.

Comme nous l’avons dit, le travail de réparation des peintures marchait bien.

Des choses admirables, qui paraissaient ne plus exister, – car elles étaient devenues à peu près aussi invisibles que les étoiles nébuleuses du firmament, – reparaissaient dans toute leur beauté, grâce à des lavages soigneusement opérés.

Grâce aussi à l’emploi que l’artiste savait faire des couleurs et à sa science du dessin, un bras ou une jambe ou seulement un pied était rendu à un personnage, un doigt à une main, une oreille à une tête, un œil ou un nez à un visage, etc., etc.

Les gerçures, les éraflures, les déchirures, les trous disparaissaient ; les parties rongées par la moisissure ou les vers étaient réparées, remises en état avec une extrême délicatesse.

C’était plus qu’un rajeunissement, c’était comme une résurrection.

Quatre fois, cinq fois dans la journée, Claire venait voir Édouard, causer avec lui, en le regardant travailler.

D’abord elle s’était fait accompagner, chaque fois, par Julie ou M. Darimon, évidemment pour ne pas se trouver seule avec le jeune homme. On aurait pu croire qu’elle craignait de donner prise à des propos malveillants, il n’en était rien. Elle obéissait à un sentiment qu’elle-même n’aurait pas su expliquer. Peut-être redoutait-elle que le jeune homme ne prît avec elle trop de liberté ou qu’elle ne devînt elle-même trop familière avec lui.

Mais ayant au plus haut degré le sentiment des convenances, Édouard savait, et cela avec un tact parfait, maintenir les distances entre elle et lui. Il aurait considéré comme une faute des plus graves de se permettre la plus légère familiarité.

D’ailleurs c’était un culte qu’il avait pour elle ; il la respectait comme une divinité.

Claire pensa-t-elle qu’en se faisant ainsi accompagner dans ses visites à l’artiste, celui-ci pourrait y voir une injuste défiance ? Nous ne saurions le dire.

Toujours est-il que la jeune fille cessa de se faire accompagner.

Dès lors, ce ne fut plus quelques instants seulement qu’elle restait auprès de l’artiste, mais souvent des heures entières.

Elle ne cherchait pas à dissimuler le plaisir qu’elle éprouvait à causer avec Édouard. Tout ce qu’il disait l’intéressait, la charmait. Ah ! elle ne s’ennuyait pas auprès de lui ! Et, intérieurement, comme elle se félicitait de s’être rendue plus libre en mettant une digue au débordement des visiteurs !

Elle ne se lassait pas de voir le jeune peintre travailler, faire le mélange de ses couleurs, coller ici un morceau de toile, là un autre.

Des prodiges s’accomplissaient sous ses yeux ; elle était émerveillée.

Et comme si elle eût voulu s’initier au travail qu’elle voyait exécuter, elle accablait le jeune homme de questions auxquelles il répondait avec empressement, lui expliquant les procédés qu’il employait pour le lavage des peintures et comment, par le mélange de telles et telles couleurs avec telles et telles autres, il obtenait exactement les tons voulus pour les raccords.

Un matin, Édouard poussa une exclamation de surprise à la vue de Claire, qui venait d’entrer sans bruit dans la galerie des tableaux où il travaillait.

Ce cri du jeune homme était pleinement justifié.

Mlle Dubessy était vêtue d’un charmant costume de velours marron, mais qui n’était pas de son sexe : pantalon collant, qui descendait au-dessous des mollets ; veste ronde, qui lui prenait délicieusement la taille, et était, de plus, serrée au-dessus des hanches par une ceinture du même velours. Elle était chaussée d’escarpins en peau de chamois et coiffée d’un gracieux béret taillé dans la même pièce de velours que le vêtement.

C’était une idée qui lui était venue, un caprice qu’elle avait voulu satisfaire. Et, secrètement, elle et Julie, travaillant ensemble, avaient confectionné le ravissant travesti.

Ainsi habillée, elle était plus séduisante que jamais et tout à fait adorable.

Il sembla à Édouard qu’il ne l’avait pas encore vue aussi divinement jolie ; un instant il se crut en présence d’une apparition céleste ; pour un peu il se serait agenouillé devant elle.

Et une éponge mouillée à la main, il restait immobile, écarquillant les yeux.

Gracieuse, souriante, elle vint à lui.

– Monsieur Édouard, dit-elle, comment me trouvez-vous ainsi ?

– Mais… mais, mademoiselle, balbutia-t-il, ne sachant trop quoi répondre, vous êtes toujours charmante.

– Vous ne devinez pas pourquoi Julie et moi avons fabriqué ce costume ?

– Non, mademoiselle, à moins que…

– Bon, voilà que vous pensez à une fête de carnaval. Eh bien, ce n’est pas cela du tout ; j’ai voulu avoir ce costume pour travailler avec vous, monsieur Édouard.

– Que dites-vous ? exclama le jeune homme.

– J’espère que vous voulez bien de moi pour élève ?

Édouard éprouva une violente émotion et pâlit.

– Mon Dieu, qu’avez-vous ? dit la jeune fille.

– Je ne sais pas… mademoiselle.

De grosses larmes lui vinrent aux yeux.

– Mais vous pleurez ! s’écria-t-elle.

– C’est vrai, je pleure, fit-il en essuyant ses yeux.

– Mais pourquoi ?

Il ne put s’empêcher de tressaillir.

– Je ne sais, mademoiselle, répondit-il, une émotion qui m’a saisi et que je n’ai pu maîtriser.

Elle le regarda fixement, puis lui tendant la main :

– Vous aviez quelque pensée triste quand je suis entrée ?

– Non, mademoiselle. Mais veuillez m’excuser ; en vérité, je suis honteux ; quelle opinion allez-vous avoir de moi ?

– Vous savez bien qu’elle ne peut pas être mauvaise.

– Vous êtes trop bonne, trop indulgente !

– Ah ! voilà le sourire qui revient sur vos lèvres.

– C’est fini, mademoiselle, c’est passé.

– Et, maintenant, nous allons travailler ; vous voulez bien, n’est-ce pas ? que je travaille un peu avec vous ?

– Ainsi, mademoiselle, c’est bien vrai, vous voulez.

– Oui, à moins que cela vous ne déplaise.

– Oh ! mademoiselle !

– Eh bien, alors, me voilà votre élève ; monsieur Édouard, donnez-moi des ordres… Justement, vous laviez cette toile, je vais continuer cet ouvrage. Oh ! je n’ai pas la prétention de vous rendre de grands services, mais j’y mettrai de la bonne volonté et, vous verrez, vous arriverez à faire quelque chose de moi. Dame, à tout il y a un commencement ; il faut être élève avant d’être maître, ajouta-t-elle gaiement.

Pendant deux heures la jeune fille travailla avec Édouard, qui ne lui ménagea point les compliments, mérités, du reste.

Claire, en effet, y mettait de la bonne volonté et aussi de l’adresse et de l’habileté.

À partir de ce jour, elle vint souvent aider Édouard, lui donner un coup de main, quand elle pouvait lui être utile. Ensemble ils décrochaient les tableaux, les remettaient en place. Elle faisait des lavages, elle préparait les morceaux de toile à coller, elle vernissait, etc.

Parfois, elle surprenait l’artiste rêveur, ayant le front soucieux.

Dès qu’elle paraissait, la physionomie d’Édouard changeait, son front semblait s’éclairer ; mais elle avait eu le temps de remarquer la tristesse répandue sur ses traits.

Elle se sentait émue, affligée, et peut-être se serait-elle elle-même attristée si, subitement, le jeune homme n’avait pas repris sa bonne et joyeuse humeur.

Un matin, elle vit sur son front une ombre rebelle à disparaître et remarqua qu’il avait pleuré.

– Monsieur Édouard, lui dit-elle d’un ton affectueux, vous avez donc réellement quelque chagrin ?

– Oh ! non, mademoiselle, répondit-il vivement.

– Et cependant…

– Mademoiselle, ma situation ici est enviable, et je m’y trouve si heureux, grâce à vos bontés pour moi, que je ne puis me soustraire à des pensées tristes quand je pense à ma mère qui a tant souffert !

– Ah ! vous pensez souvent à votre mère ? fit la jeune fille très émue.

– Oui, mademoiselle.

– Mais, alors, pourquoi ne me parlez-vous pas d’elle quelquefois ?

– Pourquoi ? parce que votre bon cœur en souffrirait.

– Hé ! qu’importe, si cela pouvait vous apporter un soulagement ? Vous ne m’avez jamais rien dit de votre famille, monsieur Édouard ; voyons, parlons-en aujourd’hui, voulez-vous ?

– Je suis sans famille, mademoiselle.

– Je sais, vous étiez tout jeune quand vous avez perdu votre père et votre mère ; mais il doit vous rester d’autres parents ?

– Je n’ai plus aucun parent, mademoiselle, et je serais seul au monde si, dans une femme admirable, bonne comme vous, mademoiselle, et comme vous grande par le cœur, je n’avais pas trouvé une seconde mère.

– Vous parlez de cette dame qui a veillé sur votre enfance ?

– Oui, mademoiselle. Ma chère bienfaitrice se nomme Mme Clavière ; elle a mieux fait que veiller sur mon enfance, elle m’a fait instruire, aucun sacrifice ne lui a coûté, elle m’a aimé !… Oh ! oui, elle est bien ma mère, ma mère vénérée, et son fils, actuellement sous-préfet à Avranches, André Clavière, est mon frère ! Voilà ma famille, mademoiselle.

– Ainsi, Mme Clavière vous a en quelque sorte adopté ?

– Oui, mademoiselle.

– Quel âge aviez-vous quand vous êtes devenu orphelin ?

– Quatre ans et demi.

– Et comment Mme Clavière a-t-elle été appelée à veiller sur vous ?

– Ah ! il y a là une histoire bien douloureuse !

– Eh bien, monsieur Édouard, racontez-la-moi.

– Non, non ; quand tout rayonne et resplendit autour de vous, mademoiselle, quand tout vous sourit, quand pour vous tout est joie et bonheur, ne désirez pas savoir ce que c’est que le malheur, ne demandez pas à connaître les atroces souffrances que l’on peut endurer dans la vie.

– Monsieur Édouard, répliqua la jeune fille dont la voix tremblait, je vous en prie, parlez-moi de votre père et de votre mère.

– Vous le voulez, mademoiselle ? fit-il tristement.

– Oui.

– Eh bien, écoutez.

Alors, avec une émotion croissante, il raconta la navrante histoire à la jeune fille qui, comme nous le savons, la connaissait déjà. Mais par un sentiment de réserve dont Claire lui sut gré et dont elle le remercia dans son cœur, son père et sa mère exceptés, il ne nomma aucun autre personnage du drame de famille.

La jeune fille avait écouté silencieusement, la tête inclinée sur son sein et les mains jointes appuyées sur ses genoux.

Quand elle se redressa, le récit étant achevé, ses joues étaient mouillées de larmes.

– Ah ! s’écria Édouard, comme furieux contre lui-même, je vous ai fait pleurer !

Elle lui répondit doucement :

– Pouvais-je donc ne pas verser des larmes en écoutant ce récit des horribles souffrances de votre mère ?

– Mademoiselle, j’aurais dû passer sur bien des choses.

– Non, non, répliqua-t-elle, vous avez bien fait de me dire tout cela. Elle ajouta, en lui tendant la main :

– Merci, monsieur Édouard, merci !

Puis après un silence :

– Mais, reprit-elle, croyez-vous qu’il ne reste plus personne de cette famille de votre mère ?

– Plus personne, mademoiselle, répondit-il après un moment d’hésitation.

– Cet oncle de votre mère avait une très grande fortune ; est-ce que vous ne vous demandez pas ce qu’elle peut être devenue ?

– Non, mademoiselle.

– Pourtant, monsieur Édouard…

– Je n’ai pas à m’occuper d’une chose qui m’est absolument indifférente.

– Soit. Mais cette immense fortune de l’oncle de votre mère a pu être recueillie par un membre de la famille ; dans ce cas, monsieur Édouard, vous ne seriez pas, comme vous le croyez, sans aucun parent.

Le jeune homme eut une sorte de frémissement.

– Tous sont morts, tous ! prononça-t-il sourdement.

Claire étouffa un soupir et elle parla d’autre chose.

Édouard Lebel, nous le savons, ne travaillait pas le dimanche. La jeune châtelaine avait voulu qu’il prît un jour de repas.

D’un naturel assez farouche et ne tenant nullement à se trouver au milieu des hôtes de Mlle Dubessy, bien qu’il y fût invité, on ne le voyait pas ces jours-là, ce qui faisait dire à Mme de Linois et à d’autres :

– Mais c’est donc un sauvage, votre artiste !

– Il adore la campagne, répondait Claire, et il profite du dimanche pour faire de longues promenades qui le reposent de ses travaux de la semaine ; et puis il aime à être libre.

Quand la journée du dimanche s’annonçait comme devant être belle, Édouard s’habillait de bonne heure et s’en allait un peu à l’aventure, tantôt d’un côté, tantôt d’un autre.

Il avait visité Poitiers et ses environs, et maintenant qu’il connaissait la capitale de l’ancien Poitou, il ne faisait plus guère que des promenades champêtres. C’étaient celles qu’il préférait, éprouvant une grande satisfaction à se trouver au milieu des champs ou sous les grands ombrages, dans un sentier perdu de la forêt.

Il aimait le rêve, les longues méditations dont rien ne pouvait venir le distraire, et cet isolement, cette solitude qu’il cherchait lui étaient chers.

Toutefois, il ne fuyait pas les hameaux, les villages ; il s’y arrêtait même et prenait plaisir à causer avec les paysans, s’intéressant à leurs travaux, à leurs récoltes, à leurs espérances.

Il déjeunait et dînait dans un cabaret quelconque ; mais, assez souvent, il lui arrivait, absorbé dans ses rêveries ou une contemplation des magnificences de la nature, d’oublier de déjeuner ou de dîner.

Il n’y a que la jeunesse dans toute sa force qui puisse vivre du grand air, des odeurs balsamiques ou des senteurs forestières.

Presque toujours il rentrait dans son pavillon à une heure assez avancée de la nuit.

Mais il y avait encore, au château, du mouvement et du bruit. On faisait de la musique, on chantait et même on dansait.

Sans lumière dans sa chambre, Édouard, à la fenêtre, écoutait. Il avait en face de lui les quatre grandes fenêtres du salon brillamment éclairé. À la faveur du silence de la nuit, il pouvait entendre chanter, et quand c’était la voix de la belle châtelaine qui arrivait à ses oreilles, harmonieuse et caressante, il était comme en extase.

Si l’on dansait, l’œil brillant, avide, plongeant dans le salon, il suivait les silhouettes des danseurs passant devant les vitres ; il lui semblait que, malgré la distance et les rideaux des fenêtres, il reconnaissait Mlle Claire.

Oh ! oui, c’était bien elle qui venait de passer, qui allait passer encore dans le balancement d’une polka ou le tournoiement d’une valse ; son cœur, qui se mettait à battre, le lui disait.

Et il demeurait là, écoutant, regardant, jusqu’à ce que les invités se fussent retirés et après les dernières lumières éteintes.

Le dimanche où il ne sortait pas, à cause du mauvais temps, il restait enfermé chez lui et employait ses heures à écrire à Mme Clavière, à André, à la supérieure de la Maison maternelle, la bonne mère Agathe, qui allait avoir ses soixante-dix ans, et à quelques camarades de Paris.

On le savait dans son pavillon et l’on pensait à lui. Julie lui apportait son déjeuner et son dîner, et malgré qu’il s’en défendît, elle restait près de lui et le servait.

Un soir, mystérieusement, à l’insu de tout le monde, il était rentré chez lui, portant une caisse beaucoup plus volumineuse que lourde. Dans une pièce contiguë à sa chambre et recevant le jour par deux larges fenêtres, il avait ouvert la caisse qui contenait un chevalet et deux toiles de la même dimension, tendues sur châssis.

Que voulait-il faire de ces toiles ?

L’une d’elles, placée sur le chevalet, était toute prête à recevoir le dessin, qui est le premier travail de l’artiste avant de peindre. Mais pour dessiner d’abord et peindre ensuite, il faut avoir un modèle sous les yeux.

Or, ce que voulait faire Édouard, secrètement, c’était le portrait de Mlle Claire Dubessy.

Certes, l’image de la jeune fille était bien gravée dans sa mémoire, et il lui semblait la voir comme si elle eût été sous ses yeux ; mais était-ce assez de sa mémoire pour faire ce portrait dans lequel il voulait mettre toute la poésie de son âme et tant d’idéal ?

Si sûr de lui qu’il fût, Édouard craignait de faire une chose mesquine quand il rêvait de créer une œuvre comme celles de Flandrin ou de Bonnat, enfin une œuvre digne de la personne qui était l’objet de toute son admiration, et dont il voulait fixer sur la toile la figure rayonnante.

Bref, il était fort embarrassé.

Cependant, après beaucoup d’hésitation, il prit Julie pour confidente, mais non sans lui avoir fait promettre le secret le plus absolu.

Il avait vu dans un album plusieurs photographies de Mlle Dubessy ; il avait particulièrement remarqué l’une d’elles, qu’il désigna, et c’était cette photographie de l’album ou une épreuve semblable qu’il lui fallait.

Lui donner satisfaction était facile, car, précisément, Claire avait fait don à sa femme de chambre d’une de ces photographies, tirées à Poitiers depuis trois mois seulement.

Dès que le jeune homme eut en main la précieuse photographie, il se mit au travail.

Alors l’entrée de la pièce, devenue un atelier, fut interdite à tout le monde ; du reste, Édouard en avait toujours la clef dans sa poche. Maintenant, le dimanche, quelles bonnes heures il passait là ! Comme il s’était appliqué à la perfection du dessin ! Comme il avait su ménager, préparer les effets d’ombre et de lumière ! Il peignait lentement, mais avec quelle sûreté de l’œil ou de la main il donnait un coup de pinceau ou de brosse ! Il voulait mettre dans cette œuvre toute la puissance de son talent, tout son idéal.

L’image photographique venait en aide à la mémoire et celle-ci animait l’image photographiée, lui donnait le mouvement, la pensée, le sentiment, la faisait chair, la faisait vivre.

Il avait alors des émotions singulières dont il s’étonnait ; des sensations inconnues jusqu’alors, des vibrations intérieures dont il ne s’expliquait pas les causes.

Tout à coup, saisi d’admiration, comme s’il avait eu réellement la jeune fille devant lui, il restait immobile, les yeux fixes. Et dans une sorte de contemplation extatique, il se sentait remué jusqu’au fond de l’âme.

Ces visions étaient fréquentes ; mais il ne faisait rien pour s’y soustraire ; elles le rendaient si heureux !

– Est-ce qu’elle ne mérite pas toutes les admirations ? se disait-il ; elle est si belle et si bonne !

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