XIII LES LETTRES

André avait à redouter l’œil clairvoyant de sa mère, habituée depuis longtemps à lire dans les yeux de son fils ; mais avec cette puissance de volonté, dont il avait déjà donné des preuves, le jeune homme couvrit son visage, ainsi qu’il le voulait, d’un masque impénétrable.

Toutefois, habile comme elle l’était à saisir la pensée de son fils, à deviner ses impressions, la Dame en noir n’eut pas à l’observer longuement pour se convaincre qu’il avait quelque chose. Quoi ? André s’était composé une physionomie qui mettait en défaut, cette fois, la perspicacité de sa mère.

Aussi ne s’inquiéta-t-elle point. Elle mit « le quelque chose » sur le compte des affaires de la sous-préfecture qui n’étaient pas sans causer, parfois, de sérieuses préoccupations au jeune sous-préfet.

Dans les lettres reçues la veille, Mme Beaugrand annonçait à Mme Clavière et à son fils que son mari, sa fille et elle quittaient Paris pour s’installer dans leur chère résidence de Bresle.

Dans cette même lettre, Mme Beaugrand invitait Julie Verrier et Charlotte Pinguet à s’arrêter au château avant de rentrer à Paris. On les recevrait à Bresle avec tant de plaisir, et l’on serait si heureux de les avoir quelques jours !

– L’invitation est des plus gracieuses, et vous devez l’accepter, avait dit Mme Clavière aux deux femmes.

Et tout de suite il avait été répondu que Julie et Charlotte s’arrêteraient à Bresle où elles arriveraient le samedi soir, car elles étaient à la veille de quitter Avranches.

Le samedi, après le premier déjeuner, Mme Clavière conduisit ses amies à la gare. On s’embrassa une dernière fois, sur le marche-pied du wagon, en se promettant de se revoir dans le courant de l’été, peut-être même avant la fin du printemps.

Après ces quinze jours passés avec ses amies, pendant lesquels elle était complètement sortie de ses habitudes, se donnant plus de mouvement et de distractions que dans toute une année, la Dame en noir se retrouvait seule. Mais elle ne s’effrayait pas de retomber dans le calme de son existence monotone. Nous savons combien elle chérissait la solitude.

Tout de suite après être rentrée chez elle, reprenant sa vie de tous les jours, elle se remit à ses occupations ordinaires.

Chez elle, depuis longtemps, tout était habitude. L’emploi de son temps était méthodique, réglé sur le cadran de la pendule. À moins qu’elle ne fût dérangée pour une cause quelconque, elle ne faisait jamais à une heure de la journée ce qu’elle devait faire à une autre.

On comprend que, sa vie ainsi ordonnée et n’étant jamais oisive, elle ait pu vivre pendant tant d’années sans que l’ennui du désœuvrement l’eût jamais saisie.

Le lendemain, à l’heure accoutumée, elle se rendit à l’église pour entendre la messe.

Pendant la moitié de l’office, bien qu’elle pensât constamment à l’homme du pilier, elle tint sa tête baissée, paraissant plongée dans un pieux recueillement.

Elle s’était promis de vaincre sa curiosité et de ne pas jeter un regard de côté. Elle aurait bien voulu savoir cependant si, le personnage était là. Mais, se faisant violence, elle résistait au désir curieux.

Elle tint bon jusqu’à l’élévation. Alors, en redressant son buste et sa tête inclinée, elle tourna son regard vers le pilier.

Le personnage était là, et si vite qu’il se fût rejeté en arrière pour se dérober aux regards de la Dame en noir, elle avait eu le temps de voir son visage et de le reconnaître.

C’était le comte de Rosamont.

Elle ne fut pas beaucoup étonnée ; n’avait-elle pas pressenti, deviné que c’était lui ? Mais elle était troublée au point de ne plus savoir ce qu’elle faisait et d’oublier le lieu où elle se trouvait.

Au bout d’un instant, très pâle, extrêmement agitée, elle se leva et se dirigea vers la porte de l’église.

Beaucoup de personnes se disaient :

« – Il faut croire que la mère du sous-préfet vient de se trouver subitement indisposée. »

De sa place, derrière le pilier, M. de Rosamont, inquiet, suivit Mme Clavière des yeux jusqu’à ce qu’elle fût sortie de l’église. Alors il poussa un soupir et courba la tête.

Rentrée à la sous-préfecture, la Dame en noir se réfugia dans sa chambre où elle s’enferma. Elle se laissa tomber, plutôt qu’elle ne s’assit, dans un fauteuil.

Elle laissa échapper un gémissement sourd, prit sa tête dans ses mains, et aussitôt ses larmes, trop longtemps contenues, coulèrent en abondance.

– Mais que me veut-il donc ? se disait-elle. Mon Dieu, est-ce que je n’ai pas déjà assez souffert à cause de lui ? Pourquoi ne m’a-t-il pas complètement oubliée ? Pourtant je n’ai rien fait, rien pour qu’il se souvienne de moi !

J’étais tranquille, je ne voyais plus rien de sombre dans l’avenir… Et maintenant… Ah ! j’étais trop heureuse !

André, dans son cabinet, était, lui aussi, dans un indescriptible état d’agitation.

Il avait reçu, le matin, en réponse à la sienne, une lettre de la mairie du dixième arrondissement de Paris.

Cette lettre lui disait que M. André Clavière, mortellement blessé dans un duel, avait épousé in extremis Mlle Marie Sorel, et que cette union avait eu lieu au hameau de la Jonchère, commune de la Celle-Saint-Cloud, le 17 mai de l’année 1862.

Ainsi, l’écrit anonyme, qui ne mentait pas sur ce point, devait également dire la vérité sur les autres points.

Et André était forcé de croire à tout ce qui lui avait été révélé : que M. André Clavière n’avait pas eu Marie Sorel pour maîtresse avant de l’épouser et que lui, le sous-préfet, était le fils d’un amant de sa mère, le fils d’un inconnu, dont il ne saurait jamais le nom.

Car, disons-le, André ne voulait pas le connaître, cet homme. Avant peu, certainement, il aurait une explication avec sa mère ; elle était inévitable ; mais il se jurait bien à lui-même de ne pas lui demander le nom de l’homme qui avait été son amant. Non, il ne voulait pas le savoir ce nom ; il ne voulait pas connaître son père !

Et, d’ailleurs, que lui importait cet homme ? Est-ce qu’il avait fait quelque chose pour lui ? Est-ce qu’il l’avait aimé ? Il ne lui devait rien, rien, rien ! Mais si cet homme pouvait lui inspirer un sentiment, ce ne pourrait être que celui du mépris et de la haine !

La haine ! il la sentait déjà en lui, en pensant que, parce qu’il était le fils de cet homme, il ne pouvait plus épouser Henriette de Mégrigny, que par lui tous ses rêves d’avenir étaient détruits, que sa vie était brisée !

Il se disait que, peut-être, il n’existait plus depuis longtemps ; mais le mal qu’il avait fait restait, il était là tout entier, dans le complet anéantissement de ses espérances, de son bonheur.

S’il était mort, il avait le droit de maudire sa mémoire, autant qu’il vénérait celle d’André Clavière, de cet homme dont sa mère lui avait si souvent parlé, dont il portait le nom respecté et dont il gardait pieusement le souvenir.

Nous connaissons la noble fierté d’André et l’exquise délicatesse de ses sentiments. Son devoir était tout tracé : il devait renoncer à Mlle de Mégrigny et en informer immédiatement M. et Mme Beaugrand.

Ah ! il souffrait horriblement, et elle lui coûtait à écrire, cette lettre, qui allait frapper si cruellement celle qu’il aimait. Cependant, aucune hésitation ne le retenait. Le devoir était là, il fallait faire son devoir.

Il poussa un long soupir, prit sa plume et écrivit d’une main assez ferme :

« Madame et Monsieur,

« Nul ne peut compter sur l’avenir, qui n’a, trop souvent, que de fausses promesses, et il est des êtres que la fatalité a marqué, dès leur naissance, d’un stigmate ineffaçable, à la vue duquel le bonheur s’enfuit, dès qu’on croit pouvoir le saisir.

« Je suis un de ces êtres dont la destinée est fatale et à qui tout espoir de bonheur est refusé.

« Je subis, résigné, les dures épreuves de la vie, et j’ai au moins la satisfaction de trouver en moi assez de force pour ne pas tomber dans le découragement qui brise la volonté, anéantit les facultés intellectuelles et met le désespoir dans l’âme.

« Tout en pleurant sur des illusions disparues, je me raidis, je me raisonne, et me dis que, puisque mon sort est tel que le Maître de tout l’a voulu, je dois l’accepter sans murmure.

« Un obstacle que, cette fois, rien ne peut détruire, se dresse entre Mlle de Mégrigny et moi ; mon devoir m’ordonne de renoncer à elle ; n’ayant plus aucun droit au bonheur, à toutes les félicités que j’avais rêvées, j’accomplis mon devoir.

« Ah ! ce n’est pas sans une douleur profonde que je vois mes plus chères espérances m’abandonner, et l’on ne saura jamais tout ce qu’il y a d’amertume dans mon cœur.

« Monsieur Beaugrand m’a dit plus d’une fois :

« André, soyez toujours l’homme du devoir. »

« Je me souviens de vos paroles, monsieur, et le devoir qui me guide en ce moment, sera toujours là pour diriger ma conduite dans tous les actes de ma vie.

« Je n’oublierai jamais aucun des précieux conseils que vous m’avez donnés et que j’ai respectueusement écoutés.

« Je n’oublierai jamais également les nombreux témoignages d’amitié que j’ai reçus de vous et de Mme Beaugrand. Ce souvenir sera un adoucissement à ma peine.

« Je présente mes respectueux hommages à Mlle de Mégrigny.

« Et je vous prie de croire toujours, madame et monsieur, à l’expression sincère de mes sentiments de profond respect et de vive reconnaissance.

« André Clavière. »

Cette lettre, mise dans une enveloppe, fut aussitôt portée au bureau de poste, en même temps que plusieurs autres, par le garçon de bureau chargé de ce service.

Alors le jeune sous-préfet se sentit relativement plus tranquille. Il avait fait son devoir, sa conscience était soulagée.

Mais sa poitrine était toujours pleine de sanglots et ses yeux humides de larmes.

La tête dans ses mains, il s’absorba dans une longue et douloureuse méditation.

Midi était sonnée. Il avait oublié l’heure. Louise vint frapper à la porte du cabinet. André sursauta, comme brusquement réveillé.

– Que me veut-on ? demanda-t-il.

Sans ouvrir la porte, Louise répondit :

– Il est plus de midi, et madame attend monsieur pour déjeuner.

– C’est bien, Louise, merci, je vous suis.

André se leva, essuya sa figure devant une glace, donnai un coup de peigne à ses cheveux ébouriffés, et se rendit à la salle à manger où sa mère, debout, l’attendait.

– Tu avais donc beaucoup de travail, ce matin ? lui dit-elle.

– Oui, ma mère, beaucoup.

Ils se mirent à table, en face l’un de l’autre, comme d’habitude.

Ils déjeunèrent presque silencieusement, ne se regardant qu’à la dérobée. Ils étaient également contraints ; pour la première fois, ils se sentaient gênés en présence l’un de l’autre. Peut-être du côté d’André à l’égard de sa mère, y avait-il déjà comme un sentiment de défiance.

Le jeune homme ne remarqua point que sa mère était anxieuse, ni l’altération de ses traits ; mais la Dame en noir avait vu tout de suite que son fils était tourmenté par quelque sombre pensée.

Cependant la pauvre mère n’osa pas l’interroger, dans la crainte que lui-même ne lui adressât des questions embarrassantes auxquelles elle n’aurait pas su répondre.

Après le café, André se leva.

– Je ne l’ai jamais vu ainsi, pensa Mme Clavière.

Après un instant d’hésitation :

– Est-ce que tu ne vas pas fumer ton cigare auprès de moi ? dit-elle.

– Non, répondit-il, j’ai à voir le président du tribunal.

C’était un prétexte pour s’en aller. Il éprouvait le besoin de s’isoler, d’être au grand air. Il allait sortir de la ville et, cherchant les sentiers déserts, faire une promenade dans les champs.

Il mit un baiser sur le front de sa mère et partit.

La Dame en noir poussa un long soupir.

– Ce n’était pas ainsi qu’il m’embrassait autrefois et il n’y a pas longtemps encore, murmura-t-elle.

Des larmes roulaient dans ses yeux.

– Ah ! je le sens ! s’écria-t-elle, un nouveau malheur plane au-dessus de nos têtes.

Et pourtant, ajouta-t-elle, M. de Rosamont ne peut vouloir du mal ni à lui, ni à moi ! Ah ! je suis à ce point troublée, que tout m’apparaît aujourd’hui sous un aspect lugubre !

Le comte de Rosamont ! Mon Dieu, mon Dieu, mais pourquoi est-il dans cette ville ? Quel projet médite-t-il donc ? Non, non, je ne peux pas vivre dans cet état d’agitation, en proie à une pareille anxiété. Dois-je me condamner à rester enfermée chez moi ? Eh bien ! soit, je ne sortirai plus de cet appartement, je n’irai plus à l’église, ni nulle part. Comme cela, peut-être comprendra-t-il que sa présence à Avranches m’effraye, et se décidera-t-il à quitter la ville.

Elle resta plongée dans ses réflexions jusqu’à trois heures.

Alors, Louise lui annonça la visite d’une dame qui venait s’informer de sa santé.

La visiteuse, qu’elle ne pouvait se dispenser de recevoir, l’occupa à causer jusqu’à quatre heures. Cela avait fait diversion à ses pensées.

Quelques instants après le départ de la dame, Louise reparut dans le salon, apportant une lettre.

Mme Clavière la prit et, les yeux sur l’enveloppe :

– Mais, fit-elle, cette lettre n’est pas venue par la poste.

– Elle a été remise tout à l’heure chez la concierge par un garçon d’hôtel.

La Dame en noir ne put s’empêcher de tressaillir.

– C’est bien, Louise, je vous remercie, dit-elle.

La femme de chambre se retira.

– Comme mon cœur bat ! murmura Mme Clavière. Ah ! c’est que je devine qui a écrit cette lettre !

Elle resta un instant hésitante, puis se redressant brusquement, elle déchira l’enveloppe d’une main fiévreuse.

Elle ne s’était pas trompée, la lettre était du comte de Rosamont. Il écrivait :

« Madame,

« Ce matin, à l’église, vous m’avez reconnu, malgré le soin que je mettais, à dissimuler ma présence ; vous voudrez bien me pardonner l’incognito que j’ai gardé vis-à-vis de vous et de tout le monde depuis deux mois que je suis à Avranches.

« Pourquoi, jusqu’à ce jour, me suis-je seulement contenté de vous voir lorsque l’occasion m’en était donnée ? Pourquoi, pendant si longtemps, me suis je dérobé à vos regards ? Eh bien ! je dois vous faire cet aveu, j’avais peur de paraître devant vous, tout en me reprochant sévèrement de jouer un rôle peu digne de vous et de moi.

« J’ose espérer que vous ne m’en voudrez pas de mon manque de hardiesse.

« Ce que j’aurais dû faire, dès le lendemain de mon arrivée dans cette ville, je le comprends maintenant, c’était de vous écrire cette lettre, que je vous adresse aujourd’hui, pour vous prier de vouloir bien m’accorder un entretien, soit chez vous à la sous-préfecture, ou dans tout autre lieu qu’il vous plaira de me désigner.

« C’est une grâce que je sollicite, ne me la refusez pas.

« Je n’ai pas besoin de vous annoncer que j’ai beaucoup de choses à vous dire, vous le pensez bien.

« Je vais attendre anxieusement votre réponse ; ah ! je vous en supplie, qu’elle soit favorable !

« Je suis malheureux aujourd’hui, faites que je ne sois pas demain un désespéré.

« Je loge à l’Hôtel de France sous le nom de Jean Raymond.

« Croyez, madame, à mes sentiments de profond respect et d’entier dévouement.

« Maxime de Rosamont. »

Toute tremblante en lisant les premières lignes, la Dame en noir s’était rendue maîtresse de son émotion avant d’arriver à la fin de la lettre. Elle relut cette phrase, qui l’avait surtout frappée :

« Je suis malheureux aujourd’hui, faites que je ne sois pas demain un désespéré ! »

Puis, le papier entre les doigts, elle demeura assez longtemps rêveuse.

Sans aucun doute, des sentiments, les uns opposés aux autres, s’agitaient en elle. Allait-elle faire taire ceux-ci et obéir aux autres ? Son hésitation était grande.

Soudain elle se redressa, les yeux brillants.

– Eh bien, soit, prononça-t-elle d’une voix grave, je le verrai et l’entendrai ; comme cela, je saurai tout de suite ce qu’il me veut ; oui, oui, j’aime mieux cela.

Elle passa dans sa chambre pour écrire sa réponse. La voici :

« Monsieur le comte,

« Vous avez, dites-vous, beaucoup de choses à me dire ; mais je ne vois pas bien quel pourra être le sujet de l’entretien que vous désirez avoir avec moi. J’aurai l’honneur de vous recevoir demain lundi à trois heures.

« Puisque vous vous faites appeler à Avranches Jean Raymond, c’est sous ce nom que je vous prie de vouloir bien vous présenter à la sous-préfecture.

« Recevez mes salutations.

« Marie Clavière. »

Sur l’enveloppe elle écrivit :

« M. Jean Raymond, à l’Hôtel de France. »

Son billet fermé, elle rentra dans le salon et sonna Louise, qui parut aussitôt.

– Tenez, Louise, dit-elle, je vous prie de porter vous-même ce billet à l’Hôtel de France.

– Oui, madame, tout de suite.

– Et, maintenant, se dit la Dame en noir restée seule, je n’ai plus qu’à me préparer à recevoir M. de Rosamont.

Louise ne tarda pas à revenir. Elle dit à sa maîtresse :

– Madame, j’ai porté votre lettre ; elle a été immédiatement remise à la personne.

– Cette personne, M. Jean Raymond, a à me parler ; il viendra ici demain, à trois heures ; dès qu’il arrivera, vous le ferez entrer dans le petit salon et vous viendrez me prévenir.

– Bien, madame.

À présent, la Dame en noir se trouvait moins inquiète et par suite plus calme, comme si les allures mystérieuses du comte eussent été ce qui l’avait surtout effrayée.

Le soir, André se montra aussi avec une physionomie moins tourmentée, ce qui fit penser à sa mère qu’il s’était débarrassé, au moins en partie, des choses soucieuses qui le préoccupaient.

La promenade du jeune homme avait eu cela de bon de calmer un peu l’irritation de ses nerfs et de faire disparaître le trouble de son esprit, ce qui lui permettait de mieux s’observer et d’avoir plus d’empire sur lui-même. Il ne voulait pas laisser deviner qu’il souffrait.

Ne s’était-il pas promis de ne rien dire à sa mère, jusqu’au jour où elle-même provoquerait une explication, dont il ne voulait à aucun prix prendre l’initiative ?

Comme cette soirée du dimanche, la matinée du lendemain se passa sans incident.

À deux heures, André ayant quitté sa mère pour reprendre son travail, celle-ci alla s’enfermer dans sa chambre.

Vainement elle se disait : Je veux être calme ; son agitation inquiète l’avait reprise, et son cœur battait maintenant à se briser.

Trois heures sonnèrent à la pendule.

Mme Clavière bondit sur ses jambes, comme effarée.

Elle resta debout, les mains fortement appuyées sur son cœur, et les yeux fixés sur la porte.

Louise la trouva dans cette attitude quand elle vint lui dire :

– M. Jean Raymond attend madame dans le petit salon.

Sans rien dire, la Dame en noir ouvrit une porte, traversa un cabinet, ouvrit une seconde porte et pénétra dans le petit salon.

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