XVIII Le rendez-vous

Madame reprit M. Joubert, en se tournant vers la jeune femme, j’ai eu connaissance hier seulement du malheur qui vous a si cruellement frappée ; croyez bien que ma mère et moi nous prenons vivement part à votre immense douleur.

– Mme votre mère, monsieur, m’as donné une marque d’intérêt dont je lui suis infiniment reconnaissante. Mais vous avez à me faire une communication importante ; c’est au sujet de mon enfant, n’est-ce pas ?

– Oui, madame.

– Pardonnez-moi, monsieur ; mais voyez-vous, je ne pense, je ne peux penser qu’à mon pauvre petit.

– Si j’ai eu la hardiesse de me présenter chez vous, madame, à un moment où vous êtes dans la douleur, c’est que j’ai cru pouvoir vous donner un renseignement.

– Oh ! dites, monsieur, dites !

– Ce renseignement est dans un incident qui m’est revenu ce matin à la mémoire, et plus j’y ai réfléchi plus je me suis convaincu qu’une rencontre que j’ai faite se rattache étroitement à l’enlèvement de votre cher enfant.

Les yeux de la jeune mère, grands ouverts, étaient comme rivés sur le visage du jeune homme.

– Il y a environ trois semaines, reprit-il, voulant faire une promenade matinale dans les bois, je sortis de notre parc par la porte du petit chemin. À la porte de votre enclos, madame, qui ouvre sur le même chemin, un homme était couché ou plutôt accroupi, replié sur ses jambes, et paraissait dormir ; mais j’ai la conviction qu’il ne dormait pas. Surpris dans le travail mystérieux auquel il se livrait, – j’ai pensé ce matin qu’il examinait la serrure de la porte ; – surpris, dis-je, dans son occupation, il avait feint de dormir.

Je m’étais arrêté. Sans songer alors que cet homme pouvait être un malfaiteur, je trouvai cependant qu’il avait mal choisi son endroit pour se reposer, attendu que vous pouviez avoir aussi le désir de sortir et que, dans ce cas, la vue de cet individu mal vêtu et de mauvaise mine pourrait vous effrayer.

Je ne voyais pas son visage, que son chapeau couvrait entièrement ; mais en le secouant pour le réveiller, le chapeau tomba à terre ; alors je pus voir une fort vilaine figure et qui me frappa par sa laideur, puisque j’en ai gardé le souvenir.

Ayant dit à l’homme qu’il ne pouvait pas rester là, il se remit sur ses jambes en grognant, me lança un mauvais regard et s’en alla.

Je le suivis un instant des yeux, me disant : « C’est un vagabond, un rôdeur, un de ces hommes dont on dit : Je n’aimerais pas à le rencontrer la nuit au coin d’un bois. »

Eh bien, madame, je le répète, j’ai la conviction que cet homme, que j’ai surpris à votre porte, est un des misérables qui vous ont volé votre enfant.

– Mais comment est-il, cet homme ?

– Je vais vous le dire, madame. Assurément, ce que je viens de vous raconter serait de peu d’importance pour vous et la police si je ne pouvais donner exactement le signalement du misérable.

Il est de haute taille, de forte corpulence et paraît ne pas avoir plus de quarante-cinq ans, bien qu’il ait le visage ravagé par la débauche et que ses cheveux roux, très épais, soient grisonnants.

Mme Clavière, les yeux étincelants, se dressa comme mue par un ressort.

– Roux, vous dites qu’il est roux ! exclama-t-elle.

– Oui, madame.

– Et il est borgne, n’est-ce pas ?

– Il est borgne.

Le regard enflammé de Mme Clavière prit une expression terrible.

– Ah ! le misérable, le misérable ! s’écria-t-elle d’une voix stridente, c’est lui, c’est bien lui !

Saisissant la main d’Edmond, elle reprit, plus calme :

– Vous ne vous êtes pas trompé, monsieur, cet homme que vous avez surpris à ma porte est un des misérables qui m’ont volé mon enfant.

– Mais vous le connaissez donc, cet homme ? demanda M. Beaugrand.

– Oui, je le connais.

– Dites son nom et je vous quitte pour courir à la préfecture de police.

– Nous irons ensemble, monsieur Beaugrand, dit vivement Edmond.

Ils attendaient le nom et la jeune femme restait muette.

Étonné, inquiet, Philippe allait de nouveau réclamer le nom de l’homme, lorsque, derrière la porte, la voix de Louise se fit entendre.

– Madame, puis-je entrer ? c’est une lettre.

La jeune femme bondit vers la porte, qu’elle ouvrit elle-même, et prit la lettre que lui tendait la jeune fille.

– Messieurs, dit-elle, revenant près des jeunes gens, je n’attends que des lettres concernant mon enfant, permettez-moi de lire celle-ci.

Philippe et Edmond s’inclinèrent.

Toute tremblante, Mme Clavière s’approcha d’une fenêtre et malgré son impatience de connaître le contenu de la missive, elle examina anxieusement l’enveloppe.

La lettre venait de Paris et portait le timbre du bureau de poste de la Bourse. La jeune femme lut la suscription dont l’écriture lui était inconnue.

MADAME VVE CLAVIÈRE

À Vaucresson

(Seine-et-Oise).

Qui donc lui écrivait ?

Elle se souvint que le juge d’instruction lui avait dit :

« Attendez-vous à ce que, dès demain, il vous soit demandé une somme d’argent contre laquelle votre enfant vous sera rendu. »

Était-ce cette demande de rançon qui lui arrivait ?

Elle était frémissante et son cœur battait à se briser.

Enfin elle déchira l’enveloppe, qui tomba à ses pieds, ouvrit la lettre et commença à lire.

Presque aussitôt elle éclata en sanglots.

Philippe s’élança vers elle, en s’écriant :

– Mon Dieu, qu’y a-t-il ?

– De la joie, du bonheur, répondit-elle.

– Votre fils est retrouvé !

– Pas encore, fit-elle en secouait la tête ; mais on me donne de ses nouvelles ; il ne court aucun danger, il est en bonne santé, on a soin de lui.

– Alors c’est un des complices qui vous écrit ?

– Oui, la lettre vient d’eux ; mais laissez-moi en achever la lecture.

M. Beaugrand s’éloigna et Mme Clavière lut avidement et avec une émotion facile à comprendre. Quand elle eut fini elle se rapprocha des deux jeunes gens. Son regard rayonnait.

– Eh bien ? interrogea Philippe.

– On me donne rendez-vous demain, à trois heures de l’après-midi.

– Et vous irez à ce rendez-vous ?

– Ah ! oui, j’irai !… Comprenez donc, messieurs, on me rendra mon enfant !

– Vous ne craignez pas de tomber dans un piège ?

– Je ne crains rien, je n’ai rien à craindre.

– Madame, vous n’irez pas seule, je vous accompagnerai.

– C’est impossible, mon ami.

– Où vous donne-t-on rendez-vous ?

– Je ne peux pas vous le dire.

– Madame, je suis effrayé, je tremble.

– Si j’avais à trembler, moi, ce serait pour mon fils.

– Il y a donc dans cette lettre une menace ?

– Oui.

– De quoi vous menace-t-on ?

– D’être à jamais séparée de mon enfant si je préviens la police ou si je me fais accompagner au rendez-vous qui m’est donné.

– Les misérables prennent leurs précautions, dit Philippe, les sourcils froncés. Et à quelles conditions vous rendront-ils votre fils ?

– Je leur donnerai une somme d’argent.

– Une forte somme ?

– Oui, assez forte ; mais qu’importe ? Est-ce que l’argent est quelque chose pour moi ? C’est mon fils qui est tout pour moi !… Ah ! qu’il me soit rendu, mon Dieu, qu’il me soit rendu !

Il y eut un moment de silence.

– Écoutez, reprit-elle, on ne m’a enlevé mon enfant que pour tirer de moi la somme qu’on me demande ; je connais l’un des misérables, je vous l’ai dit, mais je dois taire son nom… Ah ! vous ne savez pas de quoi il est capable ; si je le faisais connaître, si je le dénonçais à la justice, il tuerait mon fils, entendez-vous ! il tuerait mon fils !

Demain André me sera rendu ; n’ayant plus rien à redouter pour lui, il vous semble que je pourrais alors livrer mon ennemi à la sévérité des lois ; eh bien, non, je ne le ferai pas, je ne réclamerai point le châtiment qu’a mérité ce bandit…

Mon nom, celui d’André Clavière, de votre ami, monsieur Beaugrand, accolé dans les journaux judiciaires à celui de cet homme, jamais, jamais !

Que Dieu préserve mon fils et moi de cette honte de cette souillure !

Après ces virulentes paroles il n’y avait plus rien à dire.

Aussi Philippe et Edmond restèrent-ils muets et stupéfaits. Ils se demandaient :

– Mais qui est-il donc cet homme ; cet ennemi !

Mais Philippe, et moins encore Edmond, ne pouvaient se permettre d’interroger encore Mme Clavière.

Au bout de quelques instants ils prirent l’un et l’autre congé de la jeune femme.

Avant de le quitter, Edmond dit à Philippe :

– Vous reviendrez à Vaucresson ?

– Oui, après-demain, comme il a été convenu avec Mme Clavière.

– Voudrez-vous nous faire, à ma mère et à moi, l’honneur d’entrer chez nous ?

– Si je le peux, c’est-à-dire si le temps ne me manque pas, je vous le promets.

– Merci.

Restée seule, Mme Clavière écrivit à Charles Pinguet une lettre que Louise porta immédiatement au bureau de poste.

La jeune femme priait Pinguet d’être à Vaucresson le lendemain, avec sa voiture, à onze heures et demie.

Marie était tranquille, elle avait des nouvelles de son fils, on lui disait qu’il était en bonne santé, enfin il allait lui être rendu !… Tout en elle tressaillait de joie et d’espérance. Et si elle pleurait encore, c’étaient de douces larmes qu’elle versait.

Elle relut la lettre qui, nous le savons, avait été écrite par la Chiffonne sous la dictée de Joseph Gallot.

Cette lettre, d’une écriture très lisible, mais émaillée de fautes d’orthographe que nous croyons devoir corriger, était conçue ainsi :

« Madame,

« Ne voulant pas vous laisser trop longtemps dans l’inquiétude, je me hâte de vous donner des nouvelles de votre fils. Vraiment, c’est un bien charmant petit garçon, et l’on comprend qu’il soit adoré de sa mère.

« Vous pouvez être tranquille sur son sort, il ne court aucun danger, il est en bonne santé et l’on a pour lui les meilleurs soins. Il a beaucoup pleuré, ça se comprend, et il répète sans cesse : « Maman, maman, je veux voir maman ! » À part cela, il est tout à fait gentil. Du reste, pour le consoler on l’embrasse ; on voit qu’il est habitué à recevoir des baisers.

« On l’a couché dans un petit lit moins beau, moins doux, sans doute, que son lit de Vaucresson, mais où, après avoir encore un peu pleuré, il s’est endormi du sommeil paisible de l’innocence.

« Hier soir et ce matin il a mangé d’assez bon appétit ; il a même trouvé délicieux un chausson aux pommes, car il l’a mangé entièrement.

« Vous voyez, madame, que votre petit André n’est pas tombé entre les mains d’un ogre.

« D’ailleurs on ne vous l’a pas enlevé pour le garder longtemps, on est tout prêt à vous le rendre en échange d’une somme de cent mille francs en bons et beaux billets de la Banque de France. Si vous acceptez cette proposition – mais vous ne pouvez pas la repousser, – trouvez-vous après-demain mardi, à trois heures précises, au cimetière du Père-Lachaise, dans la petite chapelle du monument d’André Clavière, dont vous laisserez la porté ouverte. Une femme se présentera à l’entrée du monument et vous dira : « Bonjour, madame. » Alors vous lui remettrez les cent mille francs. Elle s’éloignera aussitôt, sans prononcer un mot, et vous resterez encore une heure dans la chapelle. Ce temps écoulé, la femme reparaîtra tenant votre enfant par la main, et vous n’aurez qu’à ouvrir les bras pour le recevoir.

« Mais on vous prévient que si, ayant averti la police ou d’autres personnes, la femme tombait dans un piège et était arrêtée avant la remise des cent mille francs, vous pourriez dire adieu à votre enfant vous ne le reverriez jamais.

« Si, encore, quand elle vous aura rendu votre fils, la femme était arrêtée par suite d’une dénonciation vous auriez à trembler, car la vengeance ne se ferait pas attendre et elle serait terrible.

« Mais on a confiance en vous, tout se passera bien.

« Donc, après-demain, mardi, trois heures précises, au cimetière du Père-Lachaise. »

Il n’y avait pas de signature.

Mme Clavière connaissait assez l’écriture grossière de son oncle pour être certaine que ce n’était pas lui qui avait écrit cette lettre ; elle était donc de l’un des autres complices, de la femme peut-être. Mme Clavière n’aurait pas hésité à reconnaître la main d’une femme, si elle avait été quelque peu familiarisée avec les écritures.

Elle annonça à Mme Durand et à Louise qu’elle déjeunerait le lendemain à dix heures, que tout de suite après elle partirait pour Paris et qu’elle reviendrait assez tard, le soir, mais en ramenant son enfant.

Comme par enchantement, la joie et même un peu de gaieté revinrent dans la maison.

La jeune femme qui, la veille, n’avait pas mis le pied dehors, fit une assez longue promenade dans le jardin accompagnée de Louise qui lui expliquait aussi bien qu’elle le pouvait la scène de l’enlèvement, lui montrant l’endroit où elle était assise, la place sur le gazon où le petit, couché, s’amusait à cueillir des pâquerettes. Du reste, les fleurettes étaient encore là, fanées.

La mère les ramassa une à une, et les baisa dans le creux de sa main, en murmurant :

– Chères petites fleurs, je vous conserverai !

Elle se coucha de bonne heure. Après deux nuits passées presque sans sommeil, elle avait un impérieux besoin de se reposer. Elle s’endormit ayant sur les lèvres le nom d’André, et toute la nuit, dans un rêve, elle souriait à son enfant…

Elle se leva vaillante, l’esprit et le corps reposés.

À dix heures elle déjeuna, comme elle l’avait dit, et à onze heures vingt, Pinguet étant arrivé, elle partit.

Sur le trottoir, devant la porte, Mme Durand et Louise lui criaient encore :

– Revenez vite ! nous serons si heureuses de revoir notre petit André !

Le cheval de Pinguet était jeune et bon coureur ; à une heure moins vingt minutes la voiture s’arrêtait devant la Banque de France.

Mme Clavière ayant son chèque tout prêt, n’avait qu’à le présenter au guichet des payements ; mais elle n’était pas seule à retirer des fonds ; on lui remit un jeton portant un numéro et on la pria d’attendre. Elle attendit assez longtemps. Enfin son tour vint. On lui compta cent billets de mille francs, réunis par dizaines et attachés avec des épingles. Sur sa demande, un employé mit les billets dans une enveloppe qu’il cacheta et ficela.

Elle remonta dans son coupé, s’arrêta sur la place du Château-d’Eau, où elle acheta un magnifique bouquet de roses, et à deux heures et demie elle entrait dans la chapelle du monument consacré à André Clavière où elle s’agenouilla après avoir déposé son bouquet sur l’autel.

Quand elle eut prié, elle se releva et regarda sa montre, qui marquait trois heures moins cinq minutes.

– Allons, se dit-elle, je n’ai plus guère à attendre.

À trois heures, elle se tenait les bras croisés, droite, frémissante, tournée vers la porte ouverte. Elle attendit ainsi pendant un quart d’heure, immobile, pantelante.

– Mon Dieu, mais elle ne vient pas ! murmura-t-elle.

L’inquiétude commençait à la saisir.

Cependant, cherchant à se raffermir, elle se disait :

– Quelque chose a pu la retarder, et puis ma montre avance peut-être sur l’horloge qu’elle a consultée.

Un nouveau quart d’heure s’écoula, puis un autre. Trois heures quarante-cinq minutes ! La femme ne paraissait point.

Mme Clavière, livide, laissa échapper un gémissement ; son angoisse était inexprimable. Elle avait un sanglot arrêté dans la gorge, et malgré ses efforts pour les retenir, de grosses larmes roulaient dans ses yeux. Ses jambes étaient comme brisées. Ne pouvant plus se tenir debout, elle s’assit sur la marche de l’autel.

Elle avait sa montre à la main et, la tête pleine de pensées sombres, elle voyait marcher la grande aiguille avec une vitesse qui lui semblait prodigieuse. De grosses gouttes de sueur perlaient à son front, coulaient le long de ses tempes ; son sang brûlait-dans ses veines.

Il était près de cinq heures, et personne ne se présentait à la porte de la chapelle.

Tout à coup elle se dressa d’un bond, les yeux hagards.

– Ah ! s’écria-t-elle, dans la lettre on ne m’a pas dit la vérité, on m’a trompée, mon enfant était malade, mon enfant est mort !

Mais-aussitôt, dans son cœur une voix lui cria :

– Ne désespère pas, attends encore !

L’espoir est toujours la suprême ressource des malheureux.

Elle sortit de la chapelle et elle plongea ses regards de tous les côtés à travers les tombes, les ifs, au fond des allées. Elle voyait passer des hommes, des femmes, des enfants. Elle se mit à marcher à grands pas, fiévreuse, éperdue, allant à droite, revenant, allant à gauche, revenant encore.

Ceux qui la virent ainsi pâle, nerveusement agitée, s’éloignaient en se disant :

– C’est une veuve, la perte de son mari, qu’elle aimait, a troublé sa raison.

Le temps s’écoulait et toujours rien.

La malheureuse rentra dans la chapelle ; elle était dans un état impossible à décrire et avait réellement l’air d’une folle. Elle ne s’assit plus sur la marche de l’autel, mais s’y laissa tomber étendue, comme morte.

Depuis longtemps inquiet, Pinguet, au coup de six heures, ne put plus se contenir.

– Oh ! il faut qu’un malheur lui soit arrivé ! se dit-il.

Il appela un ouvreur de portières, qui se promenait à quelques pas, de lui, les deux mains dans les poches de son pantalon rapiécé.

– Voulez-vous garder mon cheval pendant quelques minutes ? lui dit-il ; pour votre peine je vous donnerai vingt sous.

– Mais avec plaisir, monsieur le cocher.

– Merci, mon brave.

Pinguet s’élança dans le cimetière dont il gravit rapidement la pente.

Arrivé devant le monument, il vit l’amie de sa femme couchée sur la dalle de marbre et ne faisant aucun mouvement. Il la crut morte et poussa un cri de terreur.

Au cri, qui la rappelait à elle-même, la jeune femme s’agita, puis se redressa brusquement.

– Ah ! madame, madame ! fit Pinguet.

Elle arrêta sur lui ses yeux égarés, brillants de fièvre. Il l’aida à se remettre sur ses jambes.

– La femme n’est pas venue, dit-elle d’une voix étranglée.

– Elle n’aura pas pu !

– Non, répliqua-t-elle d’un ton farouche, ce n’est pas cela ; elle n’est pas venue parce qu’elle ne pouvait pas me rendre mon enfant ; Pinguet, mon enfant est mort !

– Oh ! madame, n’ayez pas cette horrible pensée.

– Mais pourquoi n’est-elle pas venue ? Ils voulaient cent mille francs, je les avais, ils sont là, dans mon sac.

Le sac était sur l’autel, Pinguet le prit et répondit :

– Je vous le répète, madame, la femme n’a pas pu venir, un empêchement… Demain, sûrement, vous recevrez une seconde lettre qui vous expliquera…

Elle secoua douloureusement la tête.

– Mais, reprit Pinguet, vous ne pouvez pas rester ici plus longtemps ; venez, madame, venez.

Elle se laissa emmener, comme inconsciente. Maintenant elle était toute grelottante.

Cependant, en marchant, elle reprenait possession d’elle-même.

Dans sa tête un instant vide, la pensée revenait.

En sortant du cimetière elle dit à Pinguet :

– Vous allez me conduire chez M. Chevriot.

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