VI

Le lendemain, Fontane continuait ses battues ; Martial parcourait les voies que lui suggérait son flair et sa connaissance de la forêt ; le lac avait été sondé ; un juge d’instruction était venu ; on attendait de Paris Charles Duguay, jeune inspecteur que deux affaires venaient de mettre en vedette.

Étienne Dubard, le juge d’instruction, était un homme de trente ans, au teint de goret. Calme, sensé, bénévole, il pratiquait sa profession avec astuce et sans éclat.

Lorsqu’une affaire était compliquée, il se bornait aux constatations utiles, prenait beaucoup de notes et attendait le secours des circonstances. Comme il avait peu d’imagination et guère d’intuition, il se privait du luxe des systèmes.

– Je suis un positiviste ! déclarait-il, en passant sa main dans sa barbe oléagineuse. Je crois aux faits.

De nature tolérante, il supportait les chimères du prochain.

Malgré le mauvais état des routes, il s’était porté vers l’endroit où gisait le cadavre du cocher Marcel et la crique où l’on avait retrouvé le chapeau de dona Francisca. Son greffier inscrivait les témoignages et classait les documents.

Ces derniers n’abondaient pas. Outre le chapeau, il y avait trois ou quatre balles de revolver, parmi lesquelles deux se faisaient remarquer par un calibre plus fort que les balles ordinaires. En somme, l’enquête n’avait rien appris que Simone, Philippe et Martial ne connussent déjà.

Comme deux heures sonnaient à l’horloge des Éperviers et au clocher des Saints Michel et Nicolas, un homme parut à la grande porte grillée. Il balançait un corps trapu et flexible, sous un visage de Berrichon : à peine si une vague ébauche de moustache pénombrait sa lèvre supérieure.

Cet individu fit un signe à Firmin, l’aide-jardinier, se dirigea vers le château, monta le perron et découvrit, par un flair spécial, le salon où se tenaient Dubard et son greffier.

La porte étant entrebâillée, il la poussa et se trouva en face du juge.

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