XXIII

Lorsque le détective eut disparu, Simone ne se sentit pas le courage de revoir Costanza. Elle écrivit rapidement : « Tout sera tenté pour accomplir votre vœu », et fit remettre le billet par une femme de chambre.

Au moment où elle se disposait à sortir, le juge d’instruction apparut au bas du grand perron.

Il avait l’air plus animé que d’habitude et, dès qu’il vit Simone, il demanda :

– Est-il vrai qu’on a retrouvé Mme de Escalante ?

– C’est vrai.

– Et qui donc l’a retrouvée ?

– Je crains que ce ne soit moi.

– Capital ! fit-il d’un ton joyeux. Duguay doit être un peu vexé…

Il se frottait les mains, heureux une fois encore de n’avoir formulé aucune vaine hypothèse. Êtres et circonstances avaient travaillé pour lui : il entrevoyait les fruits savoureux de l’avancement.

– Nous voilà à peu près au terme ! Tout le monde a bien travaillé, mademoiselle. Vous… l’homme aux chiens… Duguay, qui, après tout, est un habile homme… M. de Vaugelade…

– Nous nous souviendrons avec gratitude de l’indulgence avec laquelle vous avez accueilli tous les concours.

– C’est mon système, fit le juge avec complaisance. Il ne faut décourager aucune bonne volonté ! La méthode expérimentale… des faits et puis encore des faits ! Les faits finissent toujours par parler d’eux-mêmes.

– Il y a bien encore un événement, fit Simone, mais je voudrais d’abord en voir la suite.

– Eh ! sans doute, sans doute. Pas de vaine hâte ! Nous en reparlerons quand vous le jugerez convenable.

Ayant mis ses scrupules à l’abri, Mlle de Vaugelade murmura :

– M. Duguay, je crois bien, estime que son rôle est terminé.

– Je le crois aussi, appuya Dubard, qui aimait autant finir seul une affaire qu’il jugeait désormais sans aléas. Ses chefs sauront qu’il a bien manœuvré, malgré un excès d’hypothèses, mais chacun a ses petites tares.

Il eut un rire bénévole :

– Croyez-vous que Mme de Escalante soit disposée à faire sa déposition aujourd’hui ?

– Oh ! non, répliqua vivement Simone. Son état ne le lui permettrait pas.

Dubard n’avait parlé que pour la forme ; il préférait de beaucoup attendre.

– Chaque chose en son temps ! acquiesça-t-il.

Et il rentra, avec son greffier, dans la chambre que les Vaugelade avaient mise à sa disposition.

La jeune fille allait monter en voiture, lorsque la femme de chambre de Costanza vint lui remettre une enveloppe. Simone la décacheta et lut :

« Merci ! L’expiation sera moins amère… »

Un frisson d’horreur et de pitié bouleversa Mlle de Vaugelade. La fatalité pesa sur elle et la remplit d’épouvante. Que faire cependant ? Aucun acte ne pouvait sauver cette malheureuse. Au rebours, toute tentative d’intervention ne ferait que hâter le dénouement inexorable. Pendant une minute, Simone demeura comme paralysée. Puis, avec un soupir, elle monta en voiture et commanda :

– Au Clair des Sonneurs.

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