JE N'ay point observé ny le temps ny l'année que le R. P. George passa en Canada, ny le sejour qu'il y a faict, non plus que de son gouvernement, mais j'ay remarqué qu'il y estoit en grande estime par les lettres, que le Roy luy faisoit l'honneur, d'escrire, dont on peut inférer de son merite. Or comme les affaires du Canada n'ont jamais esté bien prises & qu'il y a tousjours eu des desordres causez de son premier fondement, qui n'avoit pas esté entrepris par les Marchands pour la gloire de Dieu (comme j'ay dit, en quelque endroit de ce volume.) Le sieur de Champlain & tous les principaux habitans François du Canada, y desirans remedier & apporter quelque ordre dans ces desordres, firent une assemblée générale, en laquelle ils deputerent le R. P. George vers sa Majesté tres-Chrestienne, pour luy en faire les tres-humbles remonstrances, & negotier envers icelle tout ce qu'il cognoistroit estre expedient au bien & à l'advancement du Canada, s'en rapportant à sa prudence, à laquelle ils passerent, acte & procuration autentique pour luy valoir & servir en temps & lieu, dont en voicy coppie qui me servira plus que suffisante de tout ce que j'ay escrit des mesmes desordres qui ont duré jusqu'à la venue de cette nouvelle compagnie qui fait & promet quelque chose de mieux, dont ils auront de la gloire.
SÇACHENT TOUS QU'IL appartiendra. Que l'an de grace 1621, le 18e jour d'Aoust, du Regne de tres-haut, tres-puissant & tres-chrestien Monarque Louys 13e du nom, Roy de France de Navarre & de la nouvelle France ditte Occidentale, du Gouvernement de haut & puissant Seigneur Messire Henry Duc de Montmorency & de Dampville, Pair & Admiral de France, Gouverneur & Lieutenant general pour le Roy en Languedoc, & Viceroy des pays & terres de la nouvelle France ditte Occidentale, de la Lieutenance de noble homme Samuel de Champlain, Capitaine ordinaire pour le Roy en la Marine, Lieutenant general esdits pays & terres dudit seigneur Viceroy, que par permission dudit sieur Lieutenant se seroit faicte une assemblée generale de tous les François habitans de ce pais de la nouvelle France afin d'aviser des moiens les plus propres sur la ruyne & desolation de tout ce païs, & pour chercher les moiens de conserver la Religion Catholique, Apostolique & Romaine en son entier, l'authorité du Roy inviolable & l'obeïssance deuë audit Seigneur Viceroy, après que par ledit sieur Lieutenant, Religieux & habitans, presence du sieur Baptise Guers Commissaire dudit seigneur viceroy, a esté conclud & promis de ne vivre que pour la conservation de ladicte Religion, obeïssance inviolable au Roy & conservation de l'autorité dudit Seigneur Vice-roy, voyant cependant la prochaine ruine de tout le pays, a esté d'une pareille voix deliberé, que l'on feroit choix d'une personne de l'assemblée pour estre deputé de la part de tout le general du pays, afin d'aller aux pieds du Roy, faire les tres humbles submissions ausquelles la nature christianisme & obligation, rendent tous sujects redevables, & presenter avec toute humilité le Cahier du pays, auquel seront contenus les desordres arrivez en ce pays, & notamment ceste année mil six cens vingt-un. Et aussi qu'iceluy deputé aille trouver nostre-dit seigneur Viceroy, pour luy communiquer semblablement des mesmes desordres, & le supplier se joindre à leur complainte, pour la demande de l'ordre necessaire à tant de mal-heurs, qui menacent ces terres d'une perte future, & finallement pour qu'iceluy deputé puisse agir, requerir, convenir, traicter & accorder pour le General dudit pays, en tout & par tout ce qui sera l'advantage dudit pays. Et pour ce tous d'un pareil consentement & de la mesme voix cognoissant la saincte ardeur à la Religion chrestienne, le zele inviolable au service du Roy, & de l'affection passionnée à la conservation de l'autorité dudit seigneur Viceroy, qu'a tousjours constamment & fidellement, tesmoigné le Reverend Pere Georges le Ballif Religieux de l'ordre des Recollects, joint sa grande probité, doctrine & prudence. Nous l'avons commis, deputé, & delegué avec plain pouvoir & charge de faire, agir, representer, requerir, convenir, escrire & accorder, pour & au nom de tous les habitans de ceste terre, suppliant avec toute humilité sa Majesté, son conseil, & nostredit seigneur Viceroy, d'agreer ceste nostre delegation, conserver & proteger ledit R. Pere en ce qu'il ne soit troublé ny molesté de quelque personne que ce soit, ny sous quelque pretexte que ce puisse estre, à ce que paisiblement il puisse faire, agir & poursuivre les affaires du païs, duquel nous donnons derechef pouvoir de reduire tous les advis à luy donnez par les particuliers en un cahier general, & à iceluy apposer sa signature avec ample declaration que nous faisons, d'avoir pour aggreable & tenir pour vallable tout ce qui sera par iceluy Reverend Pere fait, signé, requis, negotié & accordé pour ce qui concernera ledit pays, & de plus luy donnons pouvoir de nommer & instituer un ou deux Advocats au Conseil de sa Majesté y Cours souveraines & Jurisdictions, pour & en son nom & au nostre, escrire, consulter, signer, plaider & requérir de sa Majesté & de son Conseil, tout ce qui concernera les affaires de ceste nouvelle France. Si requerons humblement tous les Princes, Potentats, Seigneurs, Gouverneurs, Prelats, Justiciers & tous qu'il appartiendra, de donner assistance & faveur audit Reverend Pere, & empecher qu'iceluy allant, venant ou sejournant en France ne soit inquieté ou molesté en ceste delegation avec particuliere obligation de recognoissance, autant qu'il sera à nous possibles. Donné à Kebec en la nouvelle France sous la signature des principaux habitans, faisans pour le general, lesquels pour autentiquer d'avantage ceste delegation, ont prié le tres-Reverend Pere en Dieu Denis Jamet Commissaire des Religieux, qui sont en ces terres, d'apposer son sceau Ecclesiastique, ce jour & an que dessous, signé Champlain, Frere Denis Jamet Commissaire, Frere Joseph le Caron, Hebert Procureur du Roy, Gilbert Courseron Lieutenant du Prevost, Boullé, Pierre Reye, le Tardif, I. le Groux, P. Desportes, Nicolas Greffier de la jurisdiction de Kebec & Greffier de l'assemblée, Guers Commissionné de Monseigneur le Vice-roy & present en cette eslection, & seellée en placard du scel dudit Reverend Pere Commissaire.
Le bon Pere Georges ayant ses despeches & pris les advis de tout ce qu'il avoit à faire, s'embarqua dans les premiers Navires fretez, pour le voyage de la France, où estant arrivé il employa la vivacité de son esprit, à faire valoir sa commission & remonstrer que si sa Majesté n'avoit un soin particulier du Canada & de contribuer aux frais necessaires, pour pouvoir mettre le pays en bon estat, que jamais on n'en tireroit gloire ny profit non plus que d'une terre abandonnée & deserte, quoy que bonne de soy & de grande esperance, & afin d'y pouvoir plus pressamment persuader le Roy, il luy fait une deduction des richesses du pays en la Requeste & és advis suivans, qu'il luy presenta, lesquels s'il eussent esté accomplis & effectués de point en point, comme on luy avoit faict esperer la nouvelle France seroit à present, un beau & riche pays, & la pluspart de ses peuples convertis, au lieu que ce n'est encor qu'un desert presque inhabité, sinon d'un peuple errant dont la pauvreté & la fainéantise, rendent egallement leur conversion difficile.
AU ROY
Sire,
Les pauvres Religieux Recollects habituez à Kebec en la nouvelle France vous remonstrent tres-humblement, que depuis six années en ça, qu'il a pleu à Dieu se servir de leur ministere soubs l'autorité de vostre Majesté, tant au voyage de cette terre etrangere, descouvertures du pays, qu'en la conversion des peuples plus Sauvages en la cognoissance de Dieu, qu'en leur conversion civile. Ils ont differé de donner leur advis, touchant cette entreprise, jusqu'à ce que l'expérience secondant leur bonne volonté, ils eussent avec tant plus de certitude qu'il importe de ne parler aux Roya que d'affaires bien digérées & meurement considerées, proposer à vostre Majesté ce qui est necessaire en ceste affaire: & bien qu'il semblast estre de leur devoir, dés les premières années de leur sejour audit pays, advertir vostre Majesté de ce qui estoit à faire pour la continuation de cet auguste dessein. Ils ont estimé que les lettres annuelles qu'ils ont escrit depuis leur arrivée suffisoient jusques à ce que le pays & les peuples leur feussent davantage cogneus, afin que selon qu'ils trouveroient tant de la disposition des peuples que des profits que l'on pourroit esperer de la terre, ils jugeassent ce qui seroit plus à propos; or est il qu'à present que la hantise des peuples les a rendus sçavans en leur recherche, & que les voyages qu'ils ont faict de cinq à six cens lieuës dans les terres en la compagnie du sieur de Champlain, Lieutenant sous vostre autorité de Monseigneur de Montmorency Viceroy du pays, leur ont acquis la cognoissance tant desirée des peuples de diverses contrées. Et voyans les grands & manifestes profits, qui peuvent reussir à la gloire de Dieu, augmentation du sceptre & de l'Empire des François, contentement singulier de vostre Majesté & proffit & utilité de tous ses sujects. Les supplians ont jugé estre expedient, voire grandement necessaire de declarer ce que en conscience ils recognoissent estre de toute ceste entreprise afin qu'il plaise à vostre Majesté leur accorder le contenu leur en memoire cy attaché.
Les supplians doncques sont avec la grace de Dieu, SIRE, dans une terre nommée par le commun Canada, mais mieux la nouvelle France, en un lieu appellé Kebec, basty par la diligence & industrie singuliere du sieur Champlain, fort avant dans le fleuve de sainct Laurens. Où ayant sejournez, ils ont appris les richesses de ce quartier & speciallement de ce fleuve accompagné de plusieurs belles & fertiles Isles, peuplé d'une telle abondance de toutes fortes de poissons quelle ne se peut descrire, bordée de costaux plains d'arbres fruictiers, comme noyers, chastagniers, pruniers, cerisiers, & vignes agrestes, avec quantité de prairies qui ornent & embellissent ses vallons, le reste de la terre garny & peuplé de toute sorte de chasse & plus qu'il y en a en France, & avec plus grand proffit en ce que non seulement ils ne manquent de gibier & bestes fauves ordinaires en ces païs, mais ont de plus des Eslans ou orignals, Castors, Renard noirs, & autres animaux dont la pelleterie donne accés & esperance, au bien futur d'un très grand commerce: davantage la bonté de ceste terre a esté de plus en plus recognuë par les voyages que les supplians y ont faict qui leur ont porté la cognoissance de plus de trois cent mille ames desireuses du labourage & faciles d'attirer à la cognoissance de Dieu, pour n'estre liez à aucun culte, par la conduite desquels peuples les fleuves, rivieres, lacs de largeur & longueur indicibles ont esté recognus par les supplians; mais comme le bien ne s'aquiert sans peine, il n'y a point de doute que outre les grands labeurs des supplians, en ses découvertures & leur sejour dans le pays, ce qui leur donne le plus de trouble n'est pas seulement de s'estre trouvé sans assistance d'aucune commodité, ains seulement de vivres par ceux qui sont associez en ce commerce, ausquels seuls faut advouer ceste obligation, mais que ces terres & leur abondance recognues par l'estranger, ils sont en perpetuelle crainte de surprises n'attendans que l'heure que l'on vienne coupper la gorge à tous ceux qui resident audit Kebec. Car il ne faut pas tant s'asseurer aux paupières abatües des Lyons, que l'on ne sçache qu'ils mordent en dormant, & que les ennemis de vostre Couronne, bien qu'ils semblent endormis ne viennent à l'appas de si grandes esperances de gain & de profit. En effect, SIRE, qui ne se hazarderoit de venir posseder une terre si riche laquelle donne de ses flancs des mines de fer & d'acier, qui rendent quarante-cinq pourcent, du plomb trente, du cuivre dix-huict, & qui en promet d'or & d'argent, terre qui donne par usure toutes sortes de semences, & laquelle dés à present donne les matériaux propres pour la construction de toutes sortes, de vaisseaux fournissant le Meirain, Jantes, planchages pour fenestrages & lambris, & de plus les Gommes, Bray & Raisins, en outre la pelleterie cy-dessus mentionnée. Les cendres & la potasse dequoy seul il se peut faire trafic de plus de cent mille escus, & ce qui est plus considerable, un autre qui possederoit ladite terre pourroit de là tenir en bride & contraincte plus de mille vaisseaux de vostre Estat qui vienent annuellement aux pesches dont ils emportent les huilles, les moluës, baleines & saulmons dont vos sujects se fervent. Il est vray que l'approche qu'on faict une fois les Anglais, qui coupèrent la gorge à la flotte des Jesuites accompagnée du sieur de Poitrincourt s'en allans en l'Accadie, donne aux supplians des apprehensions qui leur sont tant plus grandes qu'ils regretteroient de voir le tiltre auguste de nouvelle France changé en un autre, soit de nouvelle Hollande, Flandre, ou Angleterre: car à estimer qu'il y ait rien qui resiste à present à leur entreprise, c'est se flatter en l'attente d'un malheur inevitable s'il n'y est remedié, & bien que cela arrive ce ne sera sans en avoir esté long-temps menacez, sans mettre en ligne de compte les menées & entreprises de ceux de la Rochelle, qui tout les ans apportent armes & munitions aux Sauvages, les animans de couper la gorge aux François, & ruyner leur habitation, ce qui n'est pas peu considerable. Les supplians ont donc jugé estre de leur conscience de donner advis à vostre Majesté de l'interest qu'elle a en la conservation de ceste terre qui promet en la continuation des labeurs precedens un passage favorable pour aller à la Chine, ce qui est autant ou plus facile à conserver & maintenir, SIRE, sous vostre domination, qu'il est aysé à l'estranger imprimer sur le front de la France, une tache perpetuelle & indelebile pour n'avoir sçeu conserver une terre qui estoit à l'augmentation de fa gloire, laquelle conservation dépend de l'entretien de la Religion par l'authorité de la Justice, quand elles y seront toutes deux appuyées & maintenues par la force d'une garnison establie en un fort, qui faut bastir sur la croupe d'une Montagne qui tiendra plus de dix-huict cens lieuës de pays suject, attendu qu'il n'y a aucun abord recogneu que l'entrée dudit fleuve de S. Laurent. Ce qui fera reussir le commerce & le rendra grandement profitable, & par ainsi vostre gloire augmentée & une nouvelle fleur adjoustée à la Couronne Françoise.
Sur ces considerations, SIRE, plaise à vostre Majesté accorder aux supplians le contenu en leurs articles cy attachez pour la conservation dudit pays, accroissement & entretien de la Religion Chrestienne en iceluy, & ils continueront leurs labeurs & leurs prières pour l'Augmentation de vostre Empire & la prosperité de vostre Majesté. Outre que les ames qui seront par ce moyen conduites au Christianisme rendront leurs prieres, leurs biens & leurs vies tributaires de son Sceptre.
J'aurois encores icy descrit tout au long les articles presentez à sa Majesté mentionnez en la susdite Requeste, mais pour estre aussi peu necessaire comme ils ont eu peu d'effet, je me suis contenté d'en poser icy les principales & générales, sans m'arrester à celles des particuliers, qui ne pourroient de rien servir à mon suject, suffit que l'on sçache que sans interest, nos Religieux ont faict tout ce qu'ils ont pû pour le bien, honneur & salut du païs.
Très-humbles remonstrances & mémoires des choses necessaires pour l'entretien & execution de l'entreprise faicte en la nouvelle France presentées au Roy, & du temps qu'elle a esté descouverte.
Comme jamais l'homme ne peut acquerir la fin d'aucune chose que par les moyens propres & convenables à icelle, estant ainsi que le principal but & l'intention particuliere de sa Majesté vise à la conversion des ames, d'où dépend l'augmentation de son Empire & de sa gloire, il est vray qu'il est impossible d'y parvenir que par les moyens essentiels pour l'execution d'une si saincte entreprise, qui sont d'assister la religion de la justice, & toutes deux de la force, l'une ne pouvant subsister sans les autres & toutes trois bien associées se trouvent les pilliers & plus solides fondements d'un Estat. Partant sa Majesté outre plusieurs autres considerations est d'autant plus interessée à la conservation de la nouvelle France, sous son Empire par le moyen de ces trois arcsboutans, que nul autre Prince de la Chrestienté n'y peut rien pretendre, les François en ayant faict les descouvertures depuis cent seize ans, & continué jusques à present, car dés l'an mil cinq cens quatre, les Normands y allerent, au rapport mesme & par l'adveu des histoires estrangeres, & d'aprés eux Jacques Cartier en l'an mil cinq cens trente-quatre &, trente-cinq par l'expres commandement de François Premier. Depuis le marquis de la Roche fist ce voyage en l'an mil cinq cens nonante-cinq poursuivy en l'an mil six cens par Chauvin, qui fist bastir une demeure à Tadoussac, & en l'an mil six cens trois, le sieur de Monts accompagné du sieur de Champlain, qui firent des nouvelles descouvertures & des bastimens és lieux esquels il ne s'en estoit jamais veu, toutefois abandonnées puis aprés jusques en l'an mil six cens huict que le sieur de Poitrincourt avec des Peres Jesuites entreprist le voyage, où ils furent desconfits par les Anglois, qui pensoient triompher des travaux & peines des François. Mais en la mesme année le sieur de Champlain vint donner dans ces terres jusques, au lieu de Kebec, qui est advancé de plus de cent lieuës dans le fleuve de S. Laurens, où il fit l'habitation qui y est à present, & de là passa à plus de six cens lieuës dans ces terres nouvelles, où il a descouvert plusieurs belles contrées habitables dont l'on peut tirer de grandes richesses & commoditez dés à present, en esperer beaucoup plus à l'advenir, d'où se void l'interest que sa Majesté a de se prevaloir de la possession légitime de ceste terre, qui luy est d'autant plus asseurée que par la confession mesme des Cartes estrangeres, ce droict lui est acquis & cedé privativement à tous autres, & de là resulte l'obligation necessaire de sa Majesté à la contribution & assistance esperée pour la manutention de ce païs, qui ne se peut mieux conserver que par ces trois moyens, de la Religion, la Justice & la force, qui y feront (s'il plaist à sa Majesté) establies & par elle entretenues suivant ces articles & mémoires que les pauvres Religieux, Recollects habituez en ladite terre luy en presentent, protestant toutesfois qu'ils ne l'auroient jamais entrepris & d'entrer en une si grande cognoissance d'affaires, que l'on pourroit estimer outrepasser les bornes de leur institution & de leurs voeux, n'estoit la necessité de l'affaire, & qu'il ne se treuve autres personnes dans le païs qui puissent donner ces advis & ayent plus d'interest de faire ces très humbles remonstrances, pour la gloire de Dieu en la conversion des ames & pauvres nations qui s'y perdent sans cognoissance de leur Créateur & sans Religion & culte aucun, joinct à la considération qu'ils ont de l'utilité visible & augmentation asseurée de l'Empire de sa Majesté, qui luy feront agréer s'il luy plaist, ce qui luy est demandé, sçavoir,
Pour le regard de la Religion.
Que defences seront faictes à tous sujets de vostre Majesté, faisant profession de la Religion prétendue reformée d'y habituer ou y entretenir aucunes personnes de quelque nation que ce soit de ladite religion prétendue reformée, sur les peines qui feront jugées raisonnables.
Qu'il plaise à sa Majesté fonder un Séminaire de 50 enfans des Sauvages, pour six ans seulement à raison de 50 escus pour chacun qui seront par an 1500 escus, aprés lequel temps de six ans ils pourront estre entretenus voire un plus grand nombre, du revenu des terres qui seront cultivées pendant le dit temps. Lesquels enfans sont tous les jours offerts aux supplians par leurs parens, pour estre instruits & eslevés en la Religion Chrestienne, & pour ce donner une Abbaye pour le revenu y estre employé, la nourriture des Religieux de ladite Abbaye, & l'entretien préalablement faict.
Qu'il plaise à sa Majesté donner ausdits supplians dequoy avoir des livres, ornemens, ustencilles, meubles, vivres, & dequoy entretenir une douzaine d'hommes pour leur labourer de la terre & entretenir du bestail pendant sesdites six années seulement
Pour le regard de la Justice.
Il est grandement necessaire que sa Majesté accorde que la justice y soit exercée avec tant plus de puissance que les commencement des peuplades sont plus importans, afin d'eviter les reproches de nos voisins, & aussi pour ne permettre que sous l'authorité de sa Majesté il se commette des voleries, meurtres, assassinats, paillardise, blasphemes, & autres crimes des-ja par trop familiers, entre quelques François habitans en ladite terre &c.
Et pour le regard de la Force.
Celle cy estant l'humeur radicalle qui soustient les deux precedentes. Il plaira au Roy de donner dequoy bastir un fort dans le pays, une Tour à Tadoussac, lieu qui est l'unique abord des vaisseaux, & l'entretien pour six ans d'une garnison de cinquante hommes propre pour la construction & conservation dudit fort.
Finalement qu'il plaise au Roy donner au sieur de Champlain de son Arsenal des canons, poudres & munitions & augmenter son authorité & ses pensions de luy & sa famille, son appointement de deux cens escus n'estant suffisant pour un tel entretien, &c.
Voyla tout ce qui est des principales affaires que le R. Pere Georges negotia au Conseil & avec les Gens du Roy après en avoir parlé à sa Majesté & presenté les Articles cy-dessus, mais qui ont autant advancé le Canada qu'on a contribué à l'exécution & accomplissement d'icelles.
Voyage des Peres Guillaume & Irenée Recollects pour le Canada. D'un Sauvage baptisé & mort sur mer, & de quelques ceremonies des Montagnais pour les malades.