A TRES-ILLUSTRE, Genereux & puissant Prince HENRY DE LORRAINE, Comte d'Arcourt.

MONSEIGNEUR,

C'est un sujet puissans, & un object ravissant, que l'oeil & la presence d'un Prince, qui n'a d'affection que pour la vertu. Si je prens la hardiesse de m'adresser à vostre grandeur, pour luy faire offre (comme je fais en toute humilité) de mon petit Voyage des Hurons. La faute, si j'en commets, gaigné & doucement charmé par vostre vertu, en doit estre attribuée à l'esclat brillant de vostre mesme vertu. A quel Autel pouvois-je porter mes voeux plus méritoirement qu'au vostre? En qui pouvois-je trouver plus d'appuy contre les envieux & mal-veillans de mon Histoire, qu'en un Prince genereux & victorieux comme vous, dont les vertus sont tellement admirées entre les Grands, qu'elles semblent donner loix aux Princes plus accomplis. Sous l'aisle de vostre protection (si vous l'en daignez honorer) MONSEIGNEUR, ce mien petit traité peut sans crainte des envieux, favorablement par-courir tout l'Univers. Vostre naissance & extraction de la tres-ancienne, auguste & Royale maison de Lorraine, qui a autre-fois passé les mers, subjugué les Infideles, & possedé, comme Roy, un si grand nombre d'annees, tous les lieux saincts de la Palestine, vous donne du credit, & faict voler vostre nom parmy toutes les Nations de la terre: de sorte que l'on dict d'elle, qu'elle a tousjours esté saincte, & n'a jamais nourry de monstre dans son sein. C'est une remarque & un honneur eternel, que je prie Dieu vous conserver.

Acceptez donc, (MONSEIGNEUR) les bonnes volontez que j'ay pour vostre Grandeur en ce petit present, en attendant que le Ciel me fasse naistre d'autres moyens plus propres, pour recognoistre les obligations que vous avez acquises sur nostre Religieuse Maison, & sur moy particulierement, qui seray toute ma vie,

MONSEIGNEUR,

Vostre tres-humble serviteur en
JESUS-CHRIST, Fr. Gabriel
Sagard, indigne Recollet.

De Paris ce 31
Juillet, 1632.

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