Le grand voyage du pays des Hurons

Gabriel Sagard

Situé en l'Amerique vers la Mer
douce, és derniers confins
de la nouvelle France,
dite Canada.

Où il est amplement traité de tout ce qui est du pays, des moeurs & du naturel des Sauvages, de leur gouvernement de façons de faire, tant dedans leurs pays, qu'allans en voyages; De leur foy & croyances; De leurs conseils & guerres, & de quelque genre de tourmens ils font mourir leurs prisonniers. Comme ils se marient & eslevent leurs enfants; De leurs Medecins, & des remedes dont ils usent à leurs maladies: De leurs danses & chansons; De la chasse, de la pesche, & des oyseaux & animaux terrestres & aquatiques qu'ils ont; Des richesses du pays; Comme ils cultivent leurs terres, & accommodent leur Menestre. De leur deuil, pleurs & lamentations, & comme ils ensevelissent & enterrent leurs morts.

Avec un Dictionnaire de la langue Huronne, pour la commodité de ceux qui ont à voyager dans le pays, & n'ont d'intelligence d'icelle langue.

Par F. Gabriel Sagard Theodat, Recollet de
S. François, de la Province de S. Denys en France.

A PARIS

Chez Denys Moreau, rue S. Jacques, à
la Salamandre d'Argent.

M. DC. XXXII.
Avec Privilege du Roy.

AU ROY

DES ROYS,

ET TOUT PUISSANT

Monarque du Ciel & de la terre,
JESUS-CHRIST, Sauveur
du monde.

C'EST à vous, ô Puissance & bonté infinie! à qui je m'adresse, & devant qui je me prosterne la face contre terre, & les joues baignées d'un ruisseau de larmes, que fluent sans cesse de mes deux yeux, par les ressentimens & amertumes de mon coeur vrayement navré, & à juste titre affligé, de voir tant de pauvres ames Infideles & Barbares tousjours gisantes dans les espaisses tenebres de leur infidelité. Vous sçavez (ô mon Seigneur & mon Dieu) que nous avons porté nos voeux depuis tant d'annees dans la nouvelle France, & fait nostre possible pour retirer les ames de cet esprit tenebreux; mais le secours necessaire de l'ancienne nous a manqué, Seigneur, nos prieres & nos remonstrances ont de peu servy. Peut-estre, ô mon tres-doux JESUS, que l'Ange tutelaire que vous luy avez donné, a empesché le secours que nous en esperions pour la nouvelle, coulans doucement dans le coeur & la pensee de ceux qui avoient quelque affection pour le bien du pays, que les tracas, les distractions & les divers perils qui fuyuent & sont annexez à la poursuitte d'un si grand bien, estoient souvent cause (aux ames foibles dans la vertu) d'en remporter des fruicts contraires à la vertu. Si cela est, faite ô mon Dieu, s'il vous plaist, que l'Ange de la nouvelle France remporte la victoire contre celuy de l'ancienne car bien que quelques uns en fassent mal leur profit, beaucoup en pourront tirer de l'advantage assisté de ce grand Ange tutelaire, & principalement de vous, ô mon Dieu, qui pouvez tout, & de qui nous esperons tout le bien qui en peut reussir; il y va de vostre gloire & de vostre service. Ayez donc pitié & compassion de ces pauvres ames, rachetées au prix de vostre sang tres-precieux, ô mon Seigneur & mon Dieu, afin que retirées des tenebres de l'infidelité, elles se convertissent à vous, & qu'apres avoir vescu jusques à la mort, dans l'observance de vos divins preceptes, elles puissent aller jouyr de vous dans l'eternité, avec les Anges bien-heureux en Paradis. Où je prie vostre divine Majesté me faire aussi la grace d'aller, apres avoir vescu icy bas par le moyen de vos graces, dans la mesme grace, en l'observance de mon Institut, & de vos divins commandemens.

Share on Twitter Share on Facebook