SCÈNE VIII

GRIMM, accourant à pas précipités ; LES PRÉCÉDENTS.

RAZMANN.

Qui vive ? Qu’y a-t-il là ? Des voyageurs dans la forêt ?

GRIMM.

Allons, allons, où sont les autres ? Mille sapermente ! vous restez là, vous autres, à bavarder ? Vous ne savez donc pas… Vous ne savez donc rien ?… Et Roller…

RAZMANN.

Quoi donc ? quoi donc ?

GRIMM.

Roller est pendu, et quatre autres avec lui.

RAZMANN.

Quoi ! Roller ! Depuis quand ?… d’où le sais-tu ?

GRIMM.

Depuis trois semaines il était au cachot, nous n’en savions rien. Il a été interrogé trois fois, et nous n’en savions rien. On lui a donné la question extraordinaire pour qu’il dénonçât son capitaine… Ce brave garçon n’a rien avoué ; hier, on lui a lu sa sentence, et ce matin, il est allé en poste rejoindre le diable.

RAZMANN.

Malédiction ! Le capitaine le sait-il ?

GRIMM.

Il ne l’a su que d’hier. Il écume de rage comme un sanglier. Tu sais qu’il a toujours fait le plus grand cas de Roller… et la torture encore qu’on lui a fait subir !… Nous avons porté, pour le sauver de sa prison, échelles et cordes ; en vain même le capitaine, déguisé en capucin, est entré dans la prison ; il a voulu changer avec lui d’habits. Roller a toujours refusé. À présent le capitaine a juré… un serment qui nous a tous glacés d’effroi ! « Je lui allumerai une torche funèbre si effrayante, que jamais roi n’aura eu de si horribles funérailles ; je les brûlerai tout vivants. » J’ai peur pour la ville. Depuis longtemps il a une dent contre elle, parce qu’il y a trop de bigots, et tu sais que lorsqu’il a dit : « Je veux le faire ! » c’est comme si nous autres nous l’avions déjà fait.

RAZMANN.

Mais, mon Dieu, ce pauvre Roller ! le pauvre Roller !

SPIEGELBERG.

Memento mori, il faut mourir, frère ; mais tout cela ne me fait rien. (Il chante sur un air à boire : )

Suis-je auprès d’une potence ?

Je ne ferme que l’œil droit.

Et je dis : Pends-y tout seul.

Le plus sot de nous deux, ce n’est pas moi.

RAZMANN, se levant en sursaut.

Paix ! un coup de fusil ! (On entend au loin un grand tumulte et des coups de fusil de tous côtés.)

SPIEGELBERG.

Encore un autre !

RAZMANN.

Encore ! c’est le capitaine. (On entend chanter au loin avec des transports de joie.)

Les Nurembergeois ne pendent personne

Avant de les avoir pris.

( O n entend les voix de S chweizer et R oller.)

Holà ! oh ! holà ! oh !

RAZMANN.

C’est Roller ! c’est Roller ! que mille diables m’emportent !

LES VOIX DE SCHWEIZER ET ROLLER.

Razmann, Grimm, Spiegelberg, Razmann.

RAZMANN.

Roller, Schweizer ! Éclairs, tonnerre, grêle et tempête ! (Ils courent au-devant d’eux.)

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