SCÈNE II

MOOR, seul.

Elle m’aime ! elle m’aime ! Ses larmes la trahissent ! Elle m’aime !… Ô vous tous, les témoins de mon amour heureux, est-ce vous que je revois ? Est-ce là le palais de mon père ?… Le printemps de la jeunesse, les années de mai d’or revivent dans l’âme du malheureux. C’est ici que tu devais agir… Considéré, respecté, un grand homme… Ici, tu devais revoir, pour la seconde fois, ton heureuse enfance dans les enfants d’Amélie… Ici, tu devais recevoir les hommages de tes sujets… Non ! je retourne dans mon malheur ! Adieu, bien-aimée maison de mon père. Tu as vu le jeune Charles, et le jeune Charles était un enfant heureux. Aujourd’hui, tu l’as vu homme, et il était désespéré. (Il se tourne tout à coup vers la porte, et s’y arrête avec attendrissement.) Ne jamais la revoir !… Plus d’adieu !… plus de baiser sur ses douces lèvres !… Non ! il faut que je la voie encore… il faut que je l’embrasse… Je veux savourer encore le poison de cette volupté qui embrasera tous mes sens ; et puis je pars… aussi loin que pourront me conduire les mers et… le désespoir. (Il sort.)

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