SCÈNE XIII

Une forêt. – Au fond, les ruines d’un château. – Il fait nuit.

LES BRIGANDS, campés ; SPIEGELBERG ET RAZMANN, causant sur le devant de la scène.

RAZMANN.

La nuit s’avance ! Et le capitaine qui n’est point arrivé.

SPIEGELBERG.

Écoute, Razmann, j’ai un secret à te confier… (Il parle bas.) Le capitaine, dis-tu ? Qui l’a fait notre capitaine ? N’a-t-il pas usurpé ce titre qui de droit m’appartient ?… Comment ! est-ce pour cela que nous mettons notre vie à la merci d’un dé, et n’essuyons-nous toute la mauvaise humeur du sort que pour avoir à nous féliciter d’être les esclaves d’un esclave ? Des esclaves ! quand nous pourrions être des princes !… Par Dieu ! Razmann, cela ne m’a jamais plu.

RAZMANN.

Tonnerre ! ni à moi, crois-le bien… Mais qu’y faire ?

SPIEGELBERG.

Tu me le demandes, et pourtant tu es de la bande… Razmann, si tu es ce que je t’ai cru jusqu’à ce jour… Razmann… on s’est aperçu de son absence… ils le croient à moitié perdu… Razmann… il me semble que son heure funèbre a sonné. Comment ! tu ne sautes pas de joie quand l’heure de la liberté sonne pour toi ! Tu n’as même pas assez de courage pour écouter la confidence d’un grand dessein !

RAZMANN.

Ah ! Satan ! de quels liens enlaces-tu mon cœur ?

SPIEGELBERG.

Cela aurait pris ?… Bon ! suis-moi donc. J’ai bien remarqué par quel chemin il s’est échappé. Viens. Deux pistolets manquent rarement, et puis…

SCHWEIZER, qui a saisi quelques mots de l’entretien, se lève avec fureur, son coutelas à la main.

Ah ! scélérat ! tu me rappelles bien à propos les forêts de la Bohême… N’étais-tu pas ce lâche qui a commencé à crier comme un canard à la vue de l’ennemi ?… J’ai alors juré sur mon âme… Meurs, assassin !… (Il se jette sur Spiegelberg ; tous deux se battent avec rage.)

LES BRIGANDS, en tumulte.

Au meurtre ! au meurtre !… Schweizer… Spiegelberg… séparez-les !

SCHWEIZER, après avoir poignardé S piegelberg.

Tiens !… crève !… Soyez tranquilles, camarades !… Que cette chasse au lapin ne vous effraye pas. Cet animal jaloux a toujours haï le capitaine, et n’a pas une seule blessure sur sa peau huileuse… Cette vile canaille !… C’est par derrière qu’il voulait assassiner des hommes ! Assassiner par derrière !… Des sueurs de sang ont-elles desséché nos joues pour que nous sortions du monde comme des lâches ? Bête brute ! nous sommes-nous campés sous le sifflement des balles, sous le feu et la fumée, pour crever empoisonnés comme des rats ?

GRIMM.

Diable ! le capitaine sera furieux.

SCHWEIZER.

C’est mon affaire… Schufterle en a fait autant ; aussi, à présent, il se balance en Suisse, au haut d’une potence, comme le capitaine le lui avait prédit. (On entend un coup de feu.)

GRIMM, sursautant.

Un coup de pistolet !… Un autre !… Holà !… le capitaine !

KOSINSKY.

Un moment, il faut qu’il tire un troisième coup. (Nouveau coup de feu.)

GRIMM.

C’est lui ! c’est lui ! Cache-toi, Schweizer ! laisse-moi lui parler. (Ils sonnent du cor.)

Share on Twitter Share on Facebook